Dans ce nouvel épisode de NOIR & BÈGUE 🎙, je reçois Mounah Bizri, co-fondateur du Concours de l’Éloquence du Bégaiement et membre du conseil d’administration de l’Association Parole Bégaiement (APB).
Dans cet épisode, Mounah nous raconte son parcours en tant que personne bègue et comment il a réussi à faire de sa différence une réelle force et source de motivation.
Cette énergie débordante, lui a conduit à créer le tout premier concours de l’éloquence du Bégaiement. Fort de son engagement, il souhaite aujourd’hui aller encore plus loin et sensibiliser à d’autres handicaps.
En savoir plus sur l’actualité de Mounah Bizri et sur le concours : L’éloquence du bégaiement
Retrouvez les notes de l’épisode sur noiretbegue.fr
🎧 Bonne écoute
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Mike
C’est seulement dans les ténèbres qu’une bougie peut faire l’expérience de sa propre lumière. Je suis Mike Muya, noir et entrepreneur, fondateur de Snackin, agence de création de contenu de noir et bègue. Je vous raconte des histoires inspirantes de femmes et d’hommes qui, malgré les obstacles de la vie. Parviennent à avancer.
Bonjour et bienvenue à tous sur ce nouvel épisode de Marie Bègue. J’ai le plaisir et l’honneur d’accueillir Mounah bizri. Bonjour Mounah, comment tu vas ?
Mounah
Bonjour Mike, très bien toi, ça va.
Mike
Merci. Est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Mounah
Bien sûr. Je m’appelle Mounah Bizri. J’ai 29 ans. Je suis bègue de naissance. Je suis assez impliqué dans le monde du bégaiement et de l’handicap. Plus largement, j’ai notamment créé l’éloquence du bégaiement et je suis vice-président de l’Association parole bégaiement.
Mike
Et comment ça a été ton enfance ?
Mounah
Je pense qu’on le sait. Je pense qu’on le sait tous quand on est différent. C’est ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus facile. L’avantage, c’est que ça permet de trier parmi les cons et je pense que là où je suis vraiment reconnaissant ce que j’ai vraiment eu des parents très aimants qui ont tout fait pour que je me sente mieux.
Mais c’est vrai qu’actuellement, quand je vois toutes les avancées qu’il y a en matière de soins et de sensibilisation et de thérapie, il y a, il y a une vingtaine d’années, c’était beaucoup plus compliqué. On était plus dans le système de débrouille que dans l’accompagnement qu’on a actuellement.
Mike
Donc j’imagine que la vie était difficile. Et le fait d’avoir des parents aimants, comme tu dis, j’imagine, j’imagine que ça a beaucoup aidé.
Mounah
Mais après, difficile ou pas, je pense que tout le monde a ses difficultés. Moi, je suis moi, je suis bègue. Il y a des personnes qui ont. Il y a des personnes qui sont trop grandes, trop petites, un peu bizarres. Et chacun a ses trucs.
Mike
Et la scolarité, ça a été pour toi ?
Mounah
Oui, ça a été.
Mike
Et notamment à la maternelle, à l’école primaire. Comment ça s’est passé ?
Mounah
Je m’en souviens plus, mais en fait, j’aime pas trop m’attarder sur ça parce que je sais que quand on entend, on entend beaucoup parler. On sait que le bégaiement, quand on est plus jeune, c’est c’est pas facile et c’est souvent bas sujet de moqueries, voire d’agressions verbales ou physiques de la part des camarades, mais aussi de manque de compréhension et d’aide de la part du corps pédagogique.
Et je ne vais pas mentir, ça m’est arrivé et je pense que ça ne m’était pas arrivé. Ça peut être pas là devant toi aujourd’hui aussi. Et ce qui est-ce qui est vraiment fait, ce qui est ce qui est vraiment important pour moi, ce n’est pas qu’on veut qu’on se dise ouais, on était, on est bègue.
l’Enfance, c’était galère. La vérité, c’est que dès qu’on a un petit truc qui n’est pas dans la norme, l’enfance, elle est galère et c’est ça le problème. Et c’est pour ça que ce que toi et moi ont essayé d’agir à notre petite échelle, on a essayé d’agir.
Mike
Et tu ne penses pas que l’homme que tu es aujourd’hui dépend de l’enfant que tu étais hier ?
Mounah
C’est carrément, mais. Mais ça forge. Après, si je pense que le fait de vivre des moments plus difficiles, ça donne la rage, ça donne la niaque et ça permet aussi de trouver des solutions et de se dépasser. Donc le verre n’est pas à moitié plein et n’est pas à moitié vide. Et et une vie et une vie toute lisse.
Ben c’est ça, c’est chiant aussi, ça fait qu’on sait quoi à la première difficulté. Et toi, tu es un roc ? C’est comme pour toutes les époques de ta vie, ce qu’elles pensent venir blanc, car pas un souvenir noir non plus a été facile.
Mike
Elle est bien placé, c’est bon.
Mounah
Mais en fait, il y a des bons et de plus mauvais souvenirs. Mais encore une fois, c’est aussi une partie de la vie qui forge, comme toutes les autres parties.
Mike
Est-ce qu’en arrivant au lycée ou à l’université, tu as fait de grandes études ? On est diplômé d’une grande école. Mais comment ça s’est passé ton cursus après ? Est-ce que ton bégaiement, j’imagine que ça t’a pas empêché ? Et comment tu as composé avec ?
Mounah
C’était une bataille de tous les jours. Ça veut dire que je donnais deux ou trois fois plus qu’une autre personne. En fait, je suis bègue, mais aussi je suis dysgraphique. Ça veut dire qu’à l’écrit, on ne me comprend pas. À l’oral, c’est galère. Peu scolaire. Ouais, et encore là, ça va mieux. Il y a une anecdote dont je parle souvent, donc j’ai un peu intégré une classe préparatoire en école de commerce et c’est ça en gros, c’est deux ans hyper intense et on a trois examens oral oraux pardon par semaine et ici c’est des oraux de 20 minutes à chaque fois ou soit c’est des math,
Soit tu as 20 minutes pour structurer un sujet de philo, ensuite 20 minutes pour faire une restitution. Donc c’est hyper intense. Parler en espagnol, bref c’est le bordel et mon premier oral c’est en espagnol. Je commence, je parle pendant six minutes. La prof me stoppe, elle me dit ça fait six minutes. Vous avez dit la même chose que vos camarades en une minute.
Donc là, on va s’arrêter. Ce n’est juste pas possible.
Mike
Mais c’est hyper frustrant. C’est vexant même.
Mounah
Ce n’est pas facile. Ça ne m’a pas empêché à la fin de finir premier de ma prépa.
Mike
Mais je suis curieux.
Mounah
J’ai mis en place une discipline. Ça, ça veut dire que je structure toutes mes journées. Je marque sur tous mes trucs ce que j’avais bien fait, ce que j’avais mal fait et j’apprenais tout par cœur. Et j’ai éssayé 1 h, 1 h et demie avant les cours et de partir jusqu’à la fermeture. On va en parler après. C’est ce qu’on sait, ce qu’on retrouve aussi dans la mentalité, l’éloquence du bégaiement.
On sait que rien n’est facile et qu’on nous dit toujours ça. C’est compliqué, tu vas perdre. Tout le monde dit ça, mais parce que eux aussi ne sont pas capables. Mais si vous pensez que nous, on doit se limiter à deux choses, il ne faut pas confondre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens. On ne peut jamais savoir juste qu’on va arriver.
Par contre, on peut jamais arriver nulle part sans se donne pas les moyens.
Mike
C’est vrai. Est-ce que cette force que tu as est ce que tu as toujours eu ?
Mounah
Je ne sais pas.
Mike
Cette détermination, c’est ce que tu as fait lors des études. Est-ce que c’était pour toi ? C’était inné ou c’est quelque chose que tu vas chercher ? Est-ce que j’ai eu un déclic un moment ?
Mounah
Je ne sais pas. C’est fait, c’est vraiment mon mode de fonctionnement. C’est ça. Ça veut dire que, en toute honnêteté, moi je ne sais pas si je suis déterminé ou pas. Je sais juste que c’est comme ça que je fonctionne. Ça peut paraître un peu bizarre comme réponse. Mais non, non, c’est dire.
Ouais, mais maintenant, mais c’est comme ça que je fonctionne. En fait, je suis suis moi et je me dis ouais, si je veux y arriver, je dois faire ça et ça, non. Et du coup, je me. Je me donne à fond.
Mike
Et tu te motives à fond, quoi ?
Mounah
Ouais.
Mike
Et depuis, tu as créé le concours d’éloquence ?
Mounah
Ouais, déjà, ça se. Ça provient d’une expérience de vie. Ça veut dire que ça fait maintenant huit ans. En 2014, je mettais l’ancien à Paris avec des potes, comme quoi j’allais participer au concours d’éloquence de ma grande école.
Mike
Et tu la fais ou pas ?
Mounah
Je l’ai fait et franchement, j’ai vraiment, vraiment eu peur. Ça veut dire que j’ai vraiment failli me faire pipi dessus. Mais maintenant, en fait, c’est sérieux. Mais je l’ai fait parce que je savais que c’était déterminant de le faire. Ce n’est pas parce que je le fais. Je ne voulais pas que mon bégaiement guide ma vie. Je voulais la guider moi-même et ce qui était assez dur aussi, c’est que dans le public, il y avait 100 personnes et c’était 100 personnes de ma promotion.
Donc en gros, je les connaissais tous.
Mike
Et c’était plus facile ou plus dur à.
Mounah
Plus dur, c’est vraiment une exposition. Et à l’époque, mon bégaiement était quand même assez sévère. J’avais énormément de blocages et des répétitions . On utilise une échelle de 1 à 9. Je pense que j’étais facilement entre cinq et six.
Mike
Et comment ça s’est terminé ?
Mounah
En fait, c’est assez. C’était assez perturbant parce que je commence à prendre la parole. Je vois que je suis à l’aise. Puis après, je me rends compte que je suis à l’aise du coup.
Mike
trop à l’aise du coup
Mounah
Ouais, et je pense aussi que je pense que c’est peut-être à vouloir faire le gros pas direct, mais ce qui permet aussi d’avoir plus vite. Mais du coup, ça m’a un peu. C’était un gros électrochoc, mais c’était vraiment bien, une bouffée d’oxygène. Et puis après deux par deux, de par cette expérience et la manière dont je vis mon bégaiement je voulais mettre en place un projet qui puisse aider d’autres personnes qui bégaient à vivre leur bégaiement de manière positive.
Mike
Est ce que tu dis qu’il y avait un avant et un après cet événement ?
Mounah
Carrément , ça a changé. Tu veux dire à un avant et après la première édition de L’éloquence, du bégaiement ou mon premier concours d’éloquence.
Mike
Premier concours d’éloquence ?
Mounah
Bah ouais, parce qu’en vrai, c’est la première fois ou je m’exposer autant et en public. Donc oui, j’ai vraiment un bon moment, moi ça m’a vraiment libéré et je me suis rendu compte. Ben maintenant tu peux peut-être aller plus loin encore. Et et ouais non, il y a vraiment eu un avant et un après.
Mike
Est-ce que tu peux nous raconter les débuts du concours d’éloquence ?
Mounah
C’était assez drôle. À la base, le but ? Je voulais lancer un ou des projets qui mettent en avant le bégaiement de manière positive et aider aussi de personnes qui bégaient à mieux vivre, parler même de bégaiement positif. Et i à ce moment là, j’ai rencontré Blondeau qui a pris et qui m’a aidé dans l’organisation du premier concours et en fait, on devait présenter des projets à L’APB le jour de leur assemblée générale et le matin même.
Je me lève et je lui dis, mais en fait, pourquoi est-ce qu’on ne ferait pas un concours d’éloquence pour bègue ? Donc je préviens Juliette cinq minutes avant la présentation, j’ai senti déjà OK, vas-y parlons en. Et c’est comme ça que l’aventure à la fac a commencé. Et puis après. Par de par de nombreuses rencontres, par de nombreuses périodes.
Ici, on a réussi à organiser à la fois la première édition et je me souviens que certaines personnes ne croyaient pas trop au projet, genre-toi.
Mike
À moi le premier. J’ai même dit de mon podcast parce que pour moi, tu te souviens ce que je t’ai dit ? J’ai dit oui, mais c’est un concours et moi c’était la notion de gagnant perdant que je t’avais dit, que moi je mettais un bémol. Mais quand on voit le concours, on n’a plus la notion de gagnants, de perdants.
Mais tout le monde gagne et c’est ça qui est beau. Mais sauf qu’à l’époque, moi, quand tu Anicet, je me suis dit il est fou ce gars.
Mounah
Je crois que même si j’ai dit une fois, mais tu vas faire mal aux gens, je crois que tu m’as vraiment dit ça. C’était il y a quatre ans et je m’en souviens encore.
Mike
Moi, je m’étais mis dans la peau d’une personne qui souffre déjà et qui va se dire Tiens, je vais quand même faire faire ce challenge-là et je perds certaines personnes de recettes, les frustrés, certaines personnes fragilisées, ça peut aller déstabiliser. Alors que là, je pense que ce que tu as réussi à faire, c’était d’avoir cette bienveillance et c’est ça qui est cool.
Mounah
Ouais, mais.
Mike
Et sauf quand tu me l’a vendu, il y avait pas cette bienveillance.
Mounah
Et ça peut être aimé après. Parce que je considère désormais les concours d’éloquence du bégaiement vraiment comme des projets entrepreneuriaux. C’est se dire qu’on a un truc et qu’à la base, mais après on apprend constamment sur le terrain et la plupart des choses qui font un concours on aurait, on n’aurait pas pu les prévoir.
En fait, c’est juste l’adaptation à 100%.
Mike
Et pour être adapté, tu t’es bien adapté, tu n’avais pas le choix, mais en tout cas moi je suis vraiment surpris. C’est vrai qu’après, je me suis trompé, mais je n’ai aucun mal à le dire. J’étais passionné d’art oratoire, je jouais déjà un peu dans la difficulté, ce que je t’avais dit aussi, ce qui était difficile pour moi, c’est dire comment aller juger de bègue parce qu’on n’a pas la même intensité.
Tout le monde ne bégaie pas de la même façon. En gros, c’était d’arriver à trouver un juste milieu et là que je trouve qu’avec les éditions que tu as réussi à faire. Mais c’est vrai que en amont, disons que je n’aurais pas voté. Pourquoi ?
Mounah
Ouais, mais je crois que par exemple tu vas recevoir Mike qui dans ce podcast et c’est lui par exemple, a vraiment bien restructuré les critères d’évaluation qu’on a pour qu’il soit vraiment équitable.
Mike
Et qu’est-ce qui a fait que vous revoyez les critères d’évaluation ?
Mounah
On remet tout en question. Assez souvent. Ça veut dire comment est ce qu’on peut faire pour accompagner au mieux nos candidats, mais aussi porter notre vision de l’éloquence. Ça veut dire que ce que souvent, dans l’éloquence, on va plutôt juger la rhétorique, donc le fait de bien parler. Mais surtout, dans le fond, est-ce que c’est bien d’argumenter de belles phrases ?
C’est l’un des aspects qu’on juge. Mais il y en a aussi trois autres. Comment est ce que je suis corporellement ? Est est ce que je suis droit ? Est-ce que j’uyilise bien mon corps pour exprimer mon message ? Et après, il y a de l’expressivité. Comment est ce que je le fais vivre totalement ? Et le plus important des critères, c’est si le ou la candidate a progressé au fil des semaines ?
Et aussi, qu’est-ce que ça apporterait au candidat ou à la candidate de passer au tour suivant, sachant que ce qu’on fait, ce qu’on veut habituellement, on donne les critères. Mais il n’y a même pas besoin de ces critères parce que juste les jurys voient, les discours, il se disent waw il y a aussi pas mal de feeling qui joue et on se rend compte que dans le feeling en fait, et le bégaiement n’a pas de place disqualificative.
Au contraire, il peut souvent amener le discours encore un peu plus haut.
Mike
Et comment tu as fait pour convaincre les jurés d’être jury ?
Mounah
Oui, j’ai envoyé un mail.
Mike
C’est aussi simple. Alors est-ce que tu as rencontré des difficultés ?
Mounah
Ça dépend. En fait, on a deux types de jurys. On a les jurys de la finale ou là c’est plutôt des personnalités. Et on se rend compte qu’avec les personnalités, il y en a quand même beaucoup qui sont touchées par de belles causes. Et après ? Pour les jurys des tours de qualification, là, on a bien des anciens candidats, des orthophonistes, des étudiants en orthophonie aussi et des spécialistes.
Ça peut être des gagnants de concours ou ou des personnes qui ont de l’expertise. Il y a mon mentor que j’appelle mon grand frère aussi mon grand frère Guillaume Préjean, qui nous a vraiment donné un gros coup de main là dessus au début.
Mike
Un Merci à lui.
Mounah
Ouais.
Mike
Et comment tu as vécu ton passage dans les médias ? Comme j’aime bien te taquiner, tu es le bègue le plus connu de France. Et comment ça s’est passé cette médiatisation ? Notamment ton passage sur brut ? Le reportage sur TF1, il me semble.
Mounah
En regardant mes vidéos, ce que je me dis, c’est que de m’améliorer, travailler plus pour mieux faire passer mon message. Et je me dis que cette médiatisation est allée bien. Mais le plus important, c’est à quoi sert cette médiatisation ? En fait, c’est vrai que les premières fois, ça se déstabilise un peu parce qu’on envoie tous ces médias. Mais se voir de l’autre côté, c’est toujours un peu bizarre.
je me dis, c’est que le plus important, c’est d’utiliser ces outils pour parvenir à nos fins bienveillantes de de changement de société, de changements sociétaux.
Mike
Est-ce que ça aidait ta sensibilisation ?
Mounah
Bah ça, ça fait avancer les choses. C’est un truc drôle. J’en parlais avec Samira, la gagnante de la troisième édition qui, grâce à un envoyé spécial, était reconnu dans la rue et s’est. Mais c’est pour moi, c’est assez touchant. Et ce qui est assez drôle aussi, c’est il y a deux jours chez mon nouveau psy, il me dit, Mais vous en fait, je vous ai déjà vu dans les médias.
J’ai reçu un patient il y a un ou deux ans qui m’avait envoyé une vidéo de vous et la sensibilisation, ce n’est pas l’impact que les médias ont . C’est malheureusement pas palpable, mais c’est par ces petits événements aussi qu’on se rend compte que l’impact qu’on a est peut être plus grand que ce qu’on voit.
Mike
Et comment tu imagines la suite de ta sensibilisation, notamment avec l’éloquence, de bégaiement.
Mounah
Pour faire développer le projet, on a créé notre propre association qui s’appelle éloquence de la différence pour tous les concours autour du bégaiement, on en reste, on restera en collaboration étroite avec avec l’association parole bégaiement. Mais le but, c’est d’aller plus loin. Premièrement, d’ici juin 2023, on aimerait ouvrir des concours dans trois villes supplémentaires.
Donc là, on va lancer le concours à Lille en septembre, en début octobre. Et puis il y a les concours de Lyon et Nantes qui ont déjà été lancés. On espère pouvoir les refaire l’an prochain. Ajouter des concours dans deux autres villes qui sont encore à déterminer. Et puis aussi, nous avons l’ambition d’aller plus loin et on aimerait ouvrir.
Ou plutôt nous allons ouvrir des formes à l’éloquence pour d’autres handicaps impactant la communication. Le but, en fait, c’est de capitaliser sur nos apprentissages à l’heure des concours d’éloquence, du bégaiement, pour voir comment est-ce qu’on peut changer encore plus de vie et de manière plus large.
Mike
Est-ce que tu penses que ton concept peut être appliqué au-delà du bégaiement ?
Mounah
En l’adaptant selon les différents besoins ? Mais, mais oui, et après, on le saura. Une fois qu’on aurait essayé, et.
Mike
Un peu comme la première édition du concours d’éloquence.
Mounah
C’est ça. Et l’idée, c’est d’ici un an pouvoir organiser un concours multi handicaps avec cinq ou six différences, dont le bégaiement. Bien sûr, le bégaiement sera toujours très important et c’est cette finale du concours Multi Handicap, dans une énorme salle à Paris pour faire un événement de sensibilisation massive. L’idée, c’est de faire le plus gros spectacle, au moins l’un des plus gros spectacles autour du handicap en Europe.
Ou les héros en fait, sont les personnes différentes. Et le but, c’est à la fois d’accompagner les candidats vers l’acceptation et le dépassement de soi pour qu’ils arrêtent de se limiter, qu’ils se rendent compte à quel point elles sont géniales et à quel point elles ont des compétences de ouf, mais que juste. Il y a des choses qu’elles peuvent faire, des choses qu’elles ne peuvent pas faire et certaines choses, elles peuvent les faire beaucoup mieux.
Il y a des choses qui vont être un peu plus compliquées et c’est ce qu’on veut, les les aider à découvrir par le biais de l’éloquence et aussi en montrant différents des communications différentes à un public très large. On sensibilise le plus le public à la différence et il se rendra compte que fait la différence. Ce n’est pas quelque chose de mal, c’est quelque chose qu’on doit corriger.
Mais il faut, il faut l’embrasser pour aller plus loin, plus fort.
Mike
Je trouve ton nouveau projet intéressant, mais j’ai une question qui me trotte un peu l’esprit, mais est-ce que tu penses pas que le bégaiement risque d’être en arrière-plan alors que c’est ça qui a fait ta force dans les trois premières éditions et que là, on serait sur un truc du coup plus global. Et est-ce que tu ne risques pas de perdre ton identité même ?
Est-ce que tu sais ce que je veux dire ?
Mounah
Très, très bonne question. Le bégaiement ne sera jamais mis en arrière-plan parce que on gardera toujours le concours d’éloquence du bégaiement à Paris et on gardera aussi le concours d’éloquence du bégaiement dans les grandes villes. C’est juste un concours en plus.
Mike
Si je résume, il y aura toujours le concours d’éloquence du bégaiement. En plus d’un autre concours, d’accord. OK.
Mounah
Et et comme tu le dis, ça fait partie de notre identité et c’est, c’est aussi notre énergie et c’est ça le carburant et on en a besoin. Et et c’est tellement important pour moi personnellement q qu’on ne voie pas arrêter ces concours aussi super important.
Mike
Donc à la troisième édition du concours d’éloquence, donc forcément il y a eu énormément de candidats et donc j’imagine qu’on a eu le temps d’échanger avec eux. Et quels sont les retours que tu as reçus de tous ces candidats ? Est-ce qu’il y a eu des anecdotes, des moments de frustration, de moments de joie et des moments de dépassement de soi ?
Des personnes qui s’imaginaient même pas, voire même des surprises. Sur ces trois éditions.
Mounah
Il y en a toujours et il y a toujours de très, très belles surprises. Ce qui est-ce que celle sinon, c’est de voir à la fois comment les candidats se prêtent au jeu et comment aussi ils se disent dépense. Et dans la deuxième et dans la troisième édition, je pense par exemple à l’un des finalistes, Tiani, qui nous a tous scotchés parce que au début, je pense que personne n’aurait parié pour lui en finale, même lui-même.
Mais en fait, il s’est révélé. C’est ça, ça veut dire que oui, il était à fond. Et deux, tu lui donnes une remarque, il l’appliquait directement. C’était vraiment hyper impressionnant. Et je pense aussi à Marc qui a appris vraiment à un autre finaliste, Lacrabère, qui a appris à vraiment à se dépasser, à lâcher, à lâcher ses émotions.
Et c’était vraiment hyper impressionnant. Et je me souviens encore de son discours de demi-finale ou il avait vraiment bien structuré sa pensée. Et oui, il avait aussi réussi à se lâcher, à mettre beaucoup de lui-même et et c’était incroyable et bien sûr, il y a, il y a Samira, Lin qui ont ce pouvoir de faire sortir nos émotions avec des discours courts, très beaux et et très forts.
Il y a tellement d’anecdotes que je peux y passer pendant et après. Je peux passer des heures à la raconter.
Mike
Forcément, ce concours, c’est physique également parce que le bégaiement, c’est physique, mais aussi mental. Et il y a une question un peu indiscrète pour toi est ce qu’il y en a qui ont abandonné ? Parce que c’est le challenge ? Parce que c’est aussi difficile ? Dire que ce concours, c’est facile, ce serait en tout cas si pour moi, ça était mentir. C’est ça qui demande une concentration, ça demande une énergie, une volonté.
Mais est-ce qu’il y en a qui n’avaient pas cette énergie-là ?
Mounah
Ce n’est pas forcément une question d’énergie. Il y a à peu près 20 % des candidats qui ne vont pas jusqu’au concours. Donc c’est à peu près entre cinq et sept par édition et il y a deux choses qui qui sont souvent mises en avant. La première, c’est voir plein d’autres bugs et c’est vrai qu’en tant que bègue, on n’est pas forcément habitué à avoir 30 bègues au même endroit.
Mike
Et à part le 22 octobre.
Mounah
C’est vrai. Le 22 octobre, la Journée mondiale du bégaiement. Et là, on est tellement confronté aux bégaiements des autres et donc à son bégaiement. Et parfois, on peut être à l’aise avec ça et parfois on ne peut juste pas s’associer à ça face à ce groupe. Et il y a autant de situations que de personnes, donc ça, c’est la première chose.
La deuxième chose, c’est aussi que le format de l’éloquence ne convient pas à tout le monde. Il y a des personnes qui s’inscrivent par curiosité. Mais quand tu vois ce que c’est. Ça ne leur convient pas. Mais ça peut être une question de temps et d’énergie. Ça peut être aussi que l’exercice ne dépasse pas ça. Peut être aussi que la façon de le faire finalement.
Et peut-être ce qu’ils veulent faire un autre moment. Mais voilà, donc il y a plein de raisons.
Mike
Est-ce qu’il y a des participants qui ont voulu participer à plusieurs éditions ?
Mounah
Oui, il y en a vraiment. Sébastien Vincent, qui a participé à trois éditions.
Mike
Il est super motivé.
Mounah
Il est super motivé et je l’adore.
Mike
Mais il faut qu’il gagne une quatrième fois.
Mounah
Alors on ne peut pas participer au concours plus de deux fois.
Mike
Elle lui a fait trois fois.
Mounah
Il a fait et a fait trois fois. Mais à partir de maintenant, c’est deux fois pour laisser la place à tout le monde.
Mike
Et d’après les chiffres, il y a 1% de bègues en France encore moins de 650 000. Au bout d’un moment, je pense que tu aurais eu tous les bugs bien précis.
Mounah
Ce qu’il faut se dire, c’est qu’il y a des personnes qui naissent chaque année et du coup, à la naissance, ça veut dire qu’il y a à chaque fois un bug.
Mike
C’est vrai. Et la quatrième édition, elle aura lieu quand.
Mounah
Elle aura lieu le 23 novembre 2022 au théâtre Bobino en soirée.
Mike
Et comment on fait pour s’inscrire ?
Mounah
On lancera les inscriptions d’ici fin octobre sur notre page Facebook Éloquence de Bégaiement.
Mike
On mettra le lien dans la description de l’épisode pour tous les bègues qui souhaitent s’inscrire et n’hésitent pas à aller faire un tour déjà sur les réseaux. Il y a trois éditions et la dernière édition, c’était Samira qui sera aussi qui fera partie d’un épisode du podcast. Moi, j’avais une autre question qui était de savoir qu’est-ce qui est attiré à participer à un épisode de remake, hormis quand on connaît déjà Ben.
Mike
Pourquoi j’ai accepté mon invitation ?
Mounah
Ben c’est juste parce qu’on se connaît déjà et que je t’aime bien et que je trouve que ça. C’est important d’encourager toutes les toutes les initiatives autour du vieillard. Et c’est aussi quelqu’un que je respecte, que j’admire parce que je. Ben tu. Tu fonce et tu essayes toujours d’aller plus loin, donc je trouve ça cool.
Mike
Et est-ce qu’il y a un épisode ou un thème du podcast que tu as apprécié ou qui a marqué ?
Mounah
J’ai bien aimé le premier épisode. En plus, tu as fait vraiment le buzz sur LinkedIn. Je crois que ça fait plus de 5500 likes.
Mike
Petit garçon.
Mounah
C’était assez impressionnant. Après, j’avoue ne pas avoir eu le temps d’écouter les autres.
Mike
Couper sur montage ou pas. J’apprécie ta franchise, d’apprécier ta franchise. Et pour revenir du coup sur l’éloquence du bégaiement, il y a eu un film de Mélissa Bronsard qui s’appelle eu le bégaiement fond au soleil et comment ça s’est passé ? De passer d’un concours à trois éditions et à en faire un film, un documentaire.
Mounah
C’était prévu dès le début. Ça veut dire que dès la première édition, Mélissa filmait le concours dans le but de faire ce film. Et on est habitué aux caméras. Donc là, cette édition, il y aura plus Mélissa face à la caméra. Je pense que ça va nous faire bizarres.
Mike
Peut-être que les candidats se sont habitués aussi à voir, à avoir toutes les caméras autour d’eux.
Mounah
Ouais, c’est ça, c’est clair qu’au début, on peut se dire que ça déstabiliserait. Non, c’est vraiment poser la question. C’est une bonne idée ou pas. Et on a essayé finalement, ça, ça a fait. Et ce qui est vraiment bien, c’est que Mélissa a bien eu le don pour pour immortaliser les moments les plus les plus marquants de notre projet.
Mike
Je pense qu’elle a aussi le don de mettre les gens à l’aise.
Mounah
Exactement. Et je pense que le fait qu’elle soit aussi arrivée dans le projet depuis le début, ça fait qu’elle fait vraiment partie des fondations du projet. Elle connaît tout ça.
Mike
C’est clair que ça facilite les choses assez facilement.
Mounah
Le jeu.
Mike
Est-ce que des chiffres clés sur le concours en nombre de participants, un temps de préparation ? Pas tous les gros chiffres, à savoir.
Mounah
Maintenant, il y a plus un concours, mais il y a des concours. Et ce qu’on sait qu’on peut se dire, c’est que sur l’année 2022, 2023, on aura accompagné plus de 60 personnes. Nos finales auront cueilli plus de 1000 cents personnes dont donc deux ministres dont les caméras d’Envoyé spécial aussi et les caméras de Mélissa. Et surtout, il y a tous ces acteurs de l’ombre qu’on ne voit pas forcément et qui font un travail de fou.
On a à peu près une quarantaine de bénévoles à Paris, Nantes et Lyon. Qui, qui font tout le travail pour accompagner les candidats et faire de d’éloquence de bégaiement, que ce soit les formations, les ateliers pratiques ou les les concours. Des événements inoubliables. Il y a, il y a Sébastien, il y a, il y a, il y a Sébastien, Hélène, Mathilde, Malik et et plein d’autres qui quittent, qui sont aussi l’âme de ce concours parce que c’est vraiment une aventure collective et sans toute l’équipe ont vraiment.
Mike
Et la tu as cité cinq J’espère que les autres ne seront pas vexés. Et qu’est-ce que ça a fait d’avoir concrétisé ce projet-là, par exemple à travers ce documentaire ? Est-ce que c’est une satisfaction personnelle d’avoir immortalisé ce moment à travers un documentaire ?
Mounah
Ça permet de ne pas partager avec, mais avec mes proches et mes amis. Et ça, c’est super important. Je dirais que ce n’est pas forcément une satisfaction, mais trouvé le documentaire sur la troisième édition presque parfaite parce qu’il y a toujours des trucs à redire même. Mais là, on sentait dans le concours et tout a été restitué. Et et ça, c’est génial et c’est beau.
C’est bien d’avoir un film pour 1000 raisons qu’on connaît, mais surtout c’est un souvenir qu’on pourra garder jusqu’à la fin de nos jours et c’est ça qui est cool.
Mike
Et si tu devais inviter des personnes non bègues à regarder ce film, qu’est-ce que tu leur dirais ? Pourquoi venir regarder ce film ?
Mounah
Parce qu’on a tous une, une différence, une vulnérabilité, qu’elle soit visible ou pas visible, dont on aimerait se débarrasser et par le biais de l’éloquence, du bégaiement, nous souhaitons montrer que le plus important, c’est l’amour de soi et l’acceptation de soi. Et grâce à ça, tout devient possible. Et ce dont on se rend compte du tout par les documentaires qu’a fait Mélissa de part le final ?
C’est ce que nos candidats partagent. Un message universel.
Mike
Tout à l’heure qui nous a dit que tu faisais partie également de l’APB ? Et est-ce que tu peux nous en dire plus sur les activités au sein de l’association.
Mounah
Au sein de l’association, par le bégaiement, je suis, je suis le vice-président. Et est ce que c’est principalement ce. C’est de travailler avec la communauté de bégaiement pour organiser des concours d’éloquence de bégaiement. C’est aussi travailler sur les relations extérieures et aider d’autres bègues à développer des projets autour du bégaiement.
Mike
Est-ce que tu penses que tu aurais lancé ce concours s’il n’y avait pas l’APB ?
Mounah
Non, ils m’ont beaucoup aidé. Ils ont eu un poids déterminant et il y a déjà Isabelle et Mika, qui sont deux orthophonistes très impliqués à APB, qui se sont énormément impliqués dans le projet. Et c’est grâce à eux qu’on a eu de nombreux candidats et qu’on a pu aussi mettre en avant dans le coaching et la collaboration entre personne qui bégaie et orthophoniste qui nous est très chère.
Il y a aussi Olivier, Elisabeth, Vincent qui qui nous ont accompagnés tout au long de la première édition pour nous conseiller parce que ça fait fait près de 30 ans qu’ils sont dans des projets de bégaiement donc, et ils maîtrisent, ils maîtrisent tout ça. Et c’est aussi en en capitalisant sur le réseau bègue de l’APB qu’on réussit à remplir nos salles.
Mike
Est-ce qu’il y a d’autres initiatives d’éloquence du bégaiement dans d’autres pays par exemple ?
Mounah
Non. En tout cas pas encore.
Mike
Par rapport à la suite de ton aventure avec ta nouvelle association. C’est ça ?
Mounah
Eloquence de la différence ?
Mike
Éloquence, éloquence de la différence. Du coup tu m’as dit pour juin 2023.
Mounah
L’association est déjà créée. C’est elle qui héberge désormais les concours d’éloquence du bégaiement et elle va aussi organiser, un grand concours multi handicaps.
Mike
Pour revenir du coup sur toi, comment tu vis avec ton bégaiement aujourd’hui ? Donc la joie, tu sensibilises énormément et tu apportes énormément la pierre à l’édifice. Mais quel est ton apport avec ton bégaiement ? Est-ce que tu l’a accepté ?
Mounah
Moi, je l’ai, je l’ai totalement accepté. Il fait partie de moi.
Mike
Est-ce que tu dirais qui ralentit ou pas ?
Mounah
Mais alors pourquoi ?
Mike
Par rapport à la vie, par rapport le fait de faire plein de choses ? Ou est-ce que tu vis encore aujourd’hui ? Peut-être de faire certaines choses à cause du bégaiement ? Ou est-ce que tu fais tout ce que tu as à faire ?
Mounah
Je fais, je fais tout ce que j’ai à faire et je dirais que c’est ça le bégaiement qui m’a entre autres donné l’envie d’aller toujours plus vite. Mais en tout cas, il me bloque plus que quand même. Et comme on le voit avec éloquence du bégaiement, ce bégaiement a été une aubaine pour moi.
Mike
Donc toi, tu vis parfaitement avec ton bégaiement. Est-ce que tu penses que c’est le cas pour d’autres bègues aussi ou pas ?
Mounah
Je pense que c’est un cheminement personnel.
Mike
Et ce cheminement personnel pour toi. Mais quelles sont les pistes ?
Mounah
Les pistes ? On les découvre nous-mêmes. Je dirais qu’il y a deux choses qui peuvent te permettre d’explorer ça, c’est aller voir une d’orthophonistes spécialisées dans le bégaiement pour avoir une meilleure compréhension du bégaiement, des techniques pour mieux contrôler ça seins, mais aussi avoir des pistes autour de l’acceptation. L’autre conseil, c’est de ne pas se limiter parce qu’on bégaie.
C’est. Ça veut dire que parfois, le bégaiement peut nous dicter nos choix. Il faut juste y aller pas à pas dire ça. J’ai peur ou ça. Je ne me sens pas de le faire parce que je bégaie. Je vais essayer de le faire. Mais peut-être que la vision cible, c’est de tout faire d’un coup et la première fois, je peux en faire un peu.
Je refais un peu plus, j’en fais un peu plus. Mais si en y allant que si on se découvre et qu’on et qu’on apprend à encore mieux s’accepter.
Mike
Est-ce qu’aujourd’hui tu as mis en place une gestion du bégaiement au quotidien ? Est-ce que tu as des techniques? Par exemple, quand tu es dans le cas du travail ou même faire des présentations techniques ?
Mounah
Rien. Je pense que j’ai peut-être automatisé certaines techniques qu’on m’a apprises en orthophonie, mais je ne fais aucune technique de manière consciente. Je me dis, ce n’est pas grave, je l’assume, c’est moi. Je préfère être à l’aise et bégayer que ne pas être malheureuse.
Mike
Est-ce que j’aurais pu continuer de l’orthophonie ou pas ?
Mounah
Non.
Mike
combien d’années ?
Mounah
Il y a trois ans, peut-être.
Mike
Et qu’est-ce qui a fait que tu arrêtes ? Parce que je le sentais prêt ?
Mounah
Parce que je me sentais bien. Je vais, je vais quand ? Quand on ressent le besoin. Et peu de temps en temps. Mais je me dis que je me sens. Je me sens très bien très épanouie. Le fait que maintenant j’ai une copine qui soit étudiante en orthophonie, ce serait et. Et je dirais aussi que maintenant je me sens bien et je sais que les places sont difficiles à avoir.
Donc si on peut en avoir plus besoin de moi, c’est cool.
Mike
C’est vrai. C’est vrai que les places sont difficiles. J’ai laissé la mienne il y a quelques années.
Mounah
Mike
Et puis je pensais que cette place-là aiderait beaucoup plus un autre que moi.
Mounah
Comment tu fais ton bégaiement ?
Mike
Moi, il y a eu plusieurs périodes aujourd’hui. Je le vis plutôt bien. Enfin, bien, un grand moment. J’ai accepté, je l’ai accepté. J’ai eu du mal à accepter, moi, que ce soit un handicap parce que moi, la manière dont j’ai grandi, le bégaiement, donc le bégaiement, c’est chiant. Et moi, j’ai un grand frère qui est bègue et du coup, dans la famille, il y avait déjà ce bégaiement là.
Et il y a eu une culture africaine. Le bégaiement, on n’a pas traité en amont. Moi, j’ai commencé d’orthophonie. Je l’ai déjà que le mal était déjà fait un peu. Mais aujourd’hui, je le vis bien. Après, comme tu disais tout à l’heure, il y a eu un cheminement personnel. Donc j’ai fait beaucoup de développement personnel. Je me motive, je fais de la méditation et et des choses de laboratoire.
Donc je m’entraîne énormément. Et aujourd’hui, disons que je suis en paix. Est-ce que tu as un conseil à donner à des personnes qui bégaie selon toi, par rapport à ton expérience ?
Mounah
Participez au concours d’éloquence du bégaiement.
Mike
Là, tu fais ta pub. Et à part l’éloquence du bégaiement bien sûr, qui va leur permettre.
Mounah
Je dirais que le bégaiement n’est pas une fatalité, mais qu’il ne faut pas aussi tout mettre sur la faute de vie d’autrui ou d’autre chose que soi. Ça veut dire que nous aussi, on a notre propre responsabilité dans la manière dont on vit le bégaiement. Et ça veut dire que c’est quand même notre responsabilité d’aller voir une orthophoniste.
Ça ne marche pas du jour au lendemain. Parfois, on peut voir arriver les résultats en quelques semaines. Parfois, il faut quelques années. C’est aussi notre responsabilité de ne pas prendre des choix, de ne pas prendre des décisions uniquement en fonction du bégaiement. Et c’est en ça, en ayant conscience de ça, qu’on peut prendre les bonnes décisions pour soi, pour vivre comme on le souhaite.
Le but n’est pas de ne pas payer, c’est que le bégaiement n’influe plus négativement sur la vie. Ce sont deux choses totalement différentes. Pas parce que je suis plus lent que je vais mieux vivre. Et ce n’est pas parce que je bégaie encore beaucoup que je vais beaucoup moins bien vivre.
Mike
Et quelles sont les responsabilités des autres ? Là, tu parles de nous en tant que bègue, on est, on a une responsabilité. Je suis d’accord avec toi, mais quelle est la responsabilité des nombreux ? Quelle est la responsabilité de la société selon toi ?
Mounah
Le respect d’autrui, le respect de la différence ?
Mike
Tu penses qu’aujourd’hui on a ce respect-là ?
Mounah
Pas suffisamment.
Mike
Et qu’est-ce qu’on doit faire ?
Mounah
Oser porter notre voix.
Mike
Tu le fais déjà avec le concours d’éloquence.
Mounah
Quand je dis oser porter notre voix, c’est aussi chaque individu. Ça veut dire que là, on parle de bégaiement. Mais il y a plein d’autres situations compliquées. Mais si nous-mêmes on ne défend pas nos droits, comment est ce qu’on veut que les autres les défendre pour nous ?
Mike
C’est vrai. Quel est le constat que tu fais aujourd’hui sur la sensibilisation qui est fait sur le bégaiement hystérique ?
Mounah
On en fait de plus en plus. Et ça, c’est génial.
Mike
Sur le bégaiement.
Mounah
Sur le handicap. Les deux ont en fait vraiment de plus en plus. Et ça, c’est vraiment génial. On parle vraiment beaucoup du Bayern, en tout cas beaucoup plus qu’avant, que ce soit à l’Éducation nationale, dans les médias, sur les réseaux. Mais ce que je regrette, c’est que pour l’instant il y a beaucoup de COM et un peu moins d’action.
Mike
Pour ma part, je vois beaucoup plus de COM que d’action.
Mounah
Exactement.
Mike
Et notamment de la part des pouvoirs publics. Tu m’as dit le ministère de l’Éducation nationale, excusez-moi, mais je ne vois pas trop ce qu’ils font là.
Mounah
Mais en fait parce qu’il y a quand même pas mal de choses invisibles. Et la cession par le pays des mots, un travail avec eux pour améliorer les aménagements et ça a été fait et je n’ai pas tous les détails. Mais ça, ça a vraiment été fait et ça avance. Mais c’est des choses qu’on ne voit pas.
Mais c’est vrai qu’il y a. Je pense par exemple au monde professionnel. Pour l’instant, on fait énormément de communication, mais dans les faits, dans l’opérationnel, dans le quotidien, c’est ça. Ça reste hyper compliqué de passer de la sensibilisation à l’action.
Mike
Corrigez-moi si je me trompe. Comme je disais dans l’un de mes épisodes pour moi aujourd’hui, s’il n’y avait pas l’APB, on serait vraiment dans la merde. C’est-à-dire que je trouve que les pouvoirs publics ne font pas assez par rapport à l’impact qui est le bégaiement. Là, par exemple, tout à l’heure, tu as parlé du monde du travail.
Donc c’est l’APB qui avait mis en place un fascicule justement qui donnait des informations aux entreprises pour créer, pour que les salariés puissent être reconnus en tant que travailleurs en situation de handicap. Donc en gros, tout ce qui est réellement fait aujourd’hui qui fait avancer les choses, c’est au niveau de l’APB. Non, moi, ce que j’aurais voulu aussi, c’est que l’État aussi prenne ses responsabilités.
Le sujet du handicap, je trouve qu’il avance de façon positive. Donc c’est très bien. Mais si on doit isoler que le bégaiement à lui tout seul, je trouve qu’il y a une faille et je trouve que ça n’avance pas assez et est même en termes de portée. Aujourd’hui, tout ce que tu fais c’est super.
Ce que l’APB fait, c’est super. Moi je veux apporter ma pierre à l’édifice. Mélissa aussi. Mais si derrière ça, on a vraiment les pouvoirs publics, je pense qu’on peut impacter. Je pense qu’on peut aller beaucoup plus loin que ce qu’on fait aujourd’hui.
Mounah
Comment est-ce que pour toi, les pouvoirs publics pourraient agir ?
Mike
Moi déjà sur plusieurs volets. Si je prends donc l’Éducation nationale, ce serait. J’ai appris dernièrement qu’on avait droit à un tiers de temps en plus. Déjà rien que ça. Quels sont nos droits ? En fait, c’est que des personnes ont le droit. Mais la plupart, la plupart des fois, ils ne le savent pas.
Mounah
C’est vrai que moi, je l’ai pris un an avant de passer mes concours alors que j’avais déjà été était scolarisé pendant plus d’une quinzaine d’années. Oui, je n’avais.C’est assez bluffant.
Mike
Et ça, c’est une première piste. Après une campagne de sensibilisation, que ça soit dans les médias, à la télé, etc. Et moi même si j’aime bien cette journée du 22 octobre. Mais ça m’irrite un peu la peau qu’on parle de nous que le 22, c’est avant le 22, un jour avant ou un jour après qu’on aura la thématique du bégaiement sur la table.
On aura quelques reportages en gros, c’est qu’on ne souffre pas que le 22 octobre, on voit tout, on souffre tout le reste de l’année.
Mounah
Ouais, mais ce que je pense qu’il faut aussi élargir son esprit. Donc là, on voit ce qui se passe en France. Il faut aussi s’intéresser à ce qui se passe à l’international dans d’autres pays, mais aussi ce qui se passe pour nous, pour d’autres handicaps. Et le cas n’est pas isolé. Ça veut dire que pour la majorité des différences, et dans la majorité des pays, c’est encore très compliqué.
C’est même si c’est très très compliqué. Mais au fur et à mesure, le sujet prend de l’importance. Ça veut dire qu’il y a cinq ans, si on n’avait jamais pu espérer que le sujet soit pris par les pouvoirs publics, alors que là on se dit qu’il y a peut être plus de chance et que en forçant, on va y arriver et et je pense qu’il faut aussi avoir avoir conscience de ça et que ce qui est aussi compliqué dans le bégaiement, c’est qu’il y a cette notion d’acceptation, c’est qu’on ne veut pas en parler et parfois on ne veut pas le montrer.
C’est paradoxal, mais ce n’est pas en se taisant qu’on va qu’on va faire avancer les choses. Et c’est ça qui est compliqué, même si on a été une majorité et qu’on n’en parlait pas, personne, rien. On sait que c’est en parlant, voire en en aboyant ou en en bégayant, bref, qu’on va réussir à faire avancer les choses et et que les gens aussi vont prendre conscience de l’importance du sujet.
Mike
Et je l’espère d’ailleurs. En tout cas, merci à toi d’avoir accepté mon invitation pour cet échange que j’ai beaucoup apprécié.
Mounah
Merci à toi Mike. De même.
Mike
Et je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode de Noir et bègue.
Merci beaucoup d’avoir écouté ce podcast. J’espère qu’il vous a plu. Ce contenu a été fait avec beaucoup d’amour et l’amour, ça se partage retrouve également les notes de l’épisode noiretbegue.fr à très bientôt.