Du silence à l'éloquence

Du silence à l’éloquence

Dans ce nouvel épisode de NOIR & BÈGUE 🎙, je reçois Samira Laamouri, Assistante sociale au ministère des Armées et grande gagnante du concours « L’éloquence du bégaiement » édition 2021, couronnée du prix du jury et du prix de l’émotion.

Samira nous raconte son enfance avec le bégaiement et l’amour inconditionnel de sa famille qui lui a permis d’être heureuse malgré son handicap invisible.

Mère de famille, Samira se confie sur sa double peine lorsque son fils s’est mis à bégayer et comment malgré les obstacles de la vie, elle a su y faire face et continuer d’avancer.

Elle nous partage également tous les moments forts lors du concours de l’éloquence du bégaiement. Il y a eu un avant et un après de ce concours, qui ont changé sa vie, réveillée en elle, une force qu’elle ne soupçonnait pas.

Aujourd’hui, Samira est pleine d’énergie, ce sursaut d’énergie l’a ramenée sur la scène du TEDx, les célèbres conférences organisées au niveau international.

Samira souhaite contribuer davantage à la sensibilisation au bégaiement, et aujourd’hui elle est membre du conseil d’administration de l’Association Éloquence de la différence.

Quelques liens utiles :

Chaîne YouTube Tedx Talks – 2022

Tedx du silence a l’éloquence

France 2 – 2021

Envoyé spécial

Retrouvez les notes de l’épisode sur noiretbegue.fr

🎧 Bonne écoute

Podcast disponible sur :

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Mike   

C’est seulement dans les ténèbres qu’une bougie peut faire l’expérience de sa propre lumière. Je suis Mike Muya, noir, bègue et entrepreneur, fondateur de Snäck’in, agence de création de contenu donneur et bègue. Je vous raconte des histoires inspirantes de femmes et d’hommes qui, malgré les obstacles de la vie, parviennent à avancer.

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Noir et Bègue. Je suis accompagnée de Samira Lamouri. Samira, comment tu vas ?

Samira

Écoute, je vais bien, merci.

Mike   

En tout cas merci de me faire l’honneur de recevoir une gagnante championne.

Samira

Merci de m’avoir invitée.

Mike   

C’est un grand plaisir pour moi. Est-ce que tu peux te présenter même si en fait tout ce que tu es ? La championne, la grande gagnante ? Est-ce qu’on pense savoir un peu plus sur toi ?

Samira

Eh bien, je m’appelle Samira, j’ai 40 ans, je suis mariée, j’ai deux enfants. Et puis je bégaie. Alors moi, je ne suis pas bègue encore, pas bègue, mais je bégaye. Voilà, je suis aussi mon métier à moi. C’est assistante sociale.

Mike   

Est-ce que tu peux nous raconter, nous parler un peu de comment tu as vécu le fait de bégayer durant mon enfance ?

 

Vivre en étant bègue 

Samira

Ce n’était pas forcément quelque chose de très agréable. D’ailleurs, ça n’était pas. Je bégaie depuis. En fait, je n’ai pas de souvenirs de moi qui ne bégaye pas en revanche. Mais ce que mes parents m’ont raconté, c’est que le bégaiement est apparu apparemment, quand je suis arrivée à l’école, à l’école maternelle. Donc, tout ce que me disent mes parents quand j’étais à la maison avant d’être à l’école, donc les trois premières années, je parlais normalement.

Je ne bégayais pas et mes parents étant marocains, on parlait arabe à la maison et du coup, je parlais très bien arabe. Et c’est vraiment l’entrée à l’école, je pense. L’arrivée de la langue française dans mon quotidien qui peut-être a été un élément déclencheur. Et donc c’est à l’école que ça s’est manifesté. L’École a alerté mes parents qui ne s’en rendent pas compte à la maison, en fait.

Et voilà donc depuis toute petite, j’ai des souvenirs de bégaiement et c’est quelque chose qui m’a. Je pense que ça a joué sur mon caractère réservé, très timide à l’école,  tant que je pouvais ne pas parler, je ne parlais pas. J’ai des souvenirs de mon enfance, alors je n’ai pas eu une enfance malheureuse. Je n’ai pas vécu du harcèlement seulement.

Mais le bégaiement, c’est quelque chose qui m’a freiné dans toute mon enfance, mon enfance, pour entrer en relation.

Mike   

Il y avait du bégaiement dans ta famille ou pas. C’est parce qu’apparemment il y a que ça peut être héréditaire, ça peut être quand c’est dans la famille. Est-ce que toi, pour toi, tu es la seule de ta lignée ? On va dire.

Samira

Ouais, en fait, quand j’étais  la première à bégayer, c’est-à-dire qu’avant moi, mes parents n’ont pas de souvenir de quelqu’un d’autre dans leur famille ou proche ou éloignée, qui était atteinte par le trouble du bégaiement. Donc, jusqu’à ce que j’arrive, personne ne savait ce que c’était. Et puis par contre, après moi, quelques années après, quelques années après moi, j’ai eu un neveu qui lui aussi  bégaie.

Samira

Donc c’est à ce moment-là qu’on a commencé à dire que c’était victime. Il y avait quelque chose de, de génétique.

Mike   

Et là, tu as dit que toi, tu n’as pas vécu mal ton enfant ? C’est bien ce que tu as dit. Et tes parents, comment ils ont vécu?

Samira

Et mon père n’est pas là pour que je puisse lui demander. Mais alors il se trouve que, en tout cas, ils ne l’ont pas fait vivre comme quelque chose de négatif, c’est-à-dire que c’est des gens qui sont croyants. Donc pour eux, c’est des choses qui font partie de la vie. Il faut vivre avec. Mais ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour m’en libérer.

Samira

C’est-à-dire que quand l’école les a alertés, l’école leur a dit écouter, il faut qu’elle voie une orthophoniste. Ils l’ont fait. Ils ne savaient même pas ce que c’était qu’une orthophoniste venait d’arriver du Maroc. Des années avant qu’ils découvraient, ils l’ont fait avec énormément d’engagements. Et puis, et puis j’ai des souvenirs ou ils ont fait aussi tous comme eux.

Dans la culture marocaine, il y a les soins médicaux, mais il y a aussi tout, tous les autres soins paramédicaux, on va dire culturel qui existe et donc du coup, tout ce que les gens leur disaient qui existait à tel endroit au Maroc, à tel endroit ou telle personne à rencontrer ou telle eau à boire. Moi j’étais tout excité.

Mike   

Il y a des histoires assez drôles à nous raconter à ce sujet.

Samira

Il y en a plein, j’en ai plein.

Mike   

Qu’est ce que tu as fait d’assez fou ?

Samira

Dans mon enfance, quand j’étais enfant, je devais avoir neuf ou dix ans, ou un petit peu plus, peux être, je sais plus. Et du coup, on allait au Maroc l’été avec mes parents et en fait mon père. IIl avait entendu parler d’un endroit au Maroc. Je pourrais même pas dire si je ne peux pas dire que ce n’est en tout cas que de très loin dans un endroit ou on devait aller, ou il y avait quelqu’un qui avait.

Alors je ne sais pas si c’était une maison ou quoi. Et en fait, à l’intérieur de cette maison, il y avait une sorte, un bassin comme une piscine un peu et du coup, on devait y aller trois fois et c’était très long. Donc on se levait très tôt, tôt le matin, hyper chaud. On y aller avec la voiture d’un oncle à moi parce que c’était une vieille voiture.

Elle a fait un trou dans le châssis, je me souviens. Et en fait, on allait le matin à l’aube au Solvay pour y aller. Et je devais nager avec des anguilles qui y vivent dans ce bassin là ? Sauf que c’est ça. Le problème, c’est que j’étais. Je ne connaissais pas les gens par les parfums, je n’étais pas bien des fois et du coup on perdait.

Mais si tu peux y aller, tu n’inquiètes pas. Donc il a emmené avec moi ma mère et ma sœur. Donc ma petite sœur a vécu des choses incroyables avec moi alors qu’elle n’avait pas de problème de bégaiement. Elle n’avait pas envie d’y aller, mais elle fait ma compagnie. Ces souvenirs-là qui étaient tout entiers plus pour me guérir.

Et en France, il a même tenté avec mon frère. C’est mon frère qui en avait entendu parler, les stages, les fameux stages qui durent quatre ou cinq jours. Alors moi, je n’ai pas fait le stage, je ne sais plus de méthodes et beaucoup, je ne sais pas. Depuis que j’ai fait le calcul, je ne pourrais pas, je n’ai pas, je n’ai pas gardé de noms en tête.

Mike   

Est-ce que ça marchait ?

Samira

Ben là, je suis là aujourd’hui. A priori, ça n’a pas marché. Mais en tout cas, je suis allé en stage à Dijon pendant 4 à 5 jours avec un groupe de personnes très gentils et  je devais guérir. Alors après, ce n’était pas des méthodes extraordinaires. Il y avait de la méditation, il y avait de la respiration et ça  avait coûté très cher à mes parents.

Mike   

Est-ce que tu as senti une amélioration durant le stage ou pas du tout ?

Samira

Oh non, pas du tout, du tout. Ni pendant, ni après. À dire qu’en fait, on partait du stage avec des méthodes, un petit peu, des petites techniques pour  avoir une parole un peu plus fluide. Après moi, ça n’avait pas marché à aucun moment. Et d’ailleurs l’équipe S s’était retrouvée à Paris quelques mois après et du coup, j’étais allé aussi en me disant peut-être que je vais refaire un petit peu une piqûre de rappel et en fait, cela n’avait rien à donner.

Mike   

Et tu as été déçu.

Samira

Ouais, ouais, énormément. Oui, parce que j’avais de l’attente en faite. Moi, j’avais la tente de me dire peut être que je vais guérir un jour et peut-être que c’est la méthode. Parce qu’en fait, il faut savoir que quand je suis rentré à l’école vers huit ans, peut être, mes parents, du coup ils m’ont inscrite, m’ont fait prendre des séances d’orthophonie et ça a duré très longtemps.

Donc pendant des années, j’allais toutes les semaines pour voir une orthophoniste qui était très gentille, mais ce n’était probablement pas quelqu’un qui était spécialisé dans le bégaiement ou du coup, je n’ai pas eu du tout d’amélioration non plus à ce moment-là. Donc si tu veux, j’ai grandi avec l’idée que le bégaiement était plus fort que tout le reste à chaque fois.

Samira

Et c’est compliqué ça. Donc dès qu’il y avait un petit espoir quelque part, je m’y raccrochais. Quoi ?

Mike   

Mais malgré le fait que tu avais l’espoir, comme tous les bègues, mais tu le vivais bien, ton bégaiement, vu que tu n’étais pas malheureuse en soi, au fond de toi. Ou est-ce que tu avais quand même au fond de toi, donc cette sensation de solitude, cette frustration, etc. en fait.

Samira

Quand je dis que tu n’es pas malheureuse parce que j’ai une famille aimante et ça change tout en fait, parce que le bégaiement en soi et me rendait malheureuse, isolée, énormément, il m’a fait perdre confiance en moi et en l’estime de tout moi même, il a freiné énormément de mes choix dès l’enfance,  et en fait je sais très bien que si je n’avais pas eu un environnement familial aussi affectif, attentionné et bienveillant.  J’aurais pu vivre aussi et de façon plus plus négative que les choses de la vie. Mais heureusement, j’ai une famille qui a toujours dit oui. OK, je suis, tu bégayes, on sait, on est là, mais il n’y a pas que ça, quoi, il n’y a pas que ça.

Samira

Donc du coup, je n’étais pas malheureuse parce que seule ma famille avec moi.

Mike   

C’est vrai que le socle familial, c’est super important. C’est super important, on va dire. C’est un poids, une charge en moi, mais c’est surtout un plus, c’est ça. Mais malgré le fait que tu vas toujours ressentir un mal être, de la frustration, etc., voilà.

Samira

Ça ne se prépare pas.

Mike   

Et moi, ce qui m’intéresse c’est comment tu vas gérer tout ça dans ta vie de petite fille malgré une famille aimante. Mais au fond de toi, il y avait cette frustration. Et qu’est-ce que tu te disais au quotidien, franchement ?

Samira

Alors c’est marrant parce que quand j’ai rencontré les gens avec qui j’ai fait le concours de qui avait pas mal de vie de jeune, et eux avaient un discours hyper positif par rapport au bégaiement. Malgré le vécu, on a la même frustration, les inhibitions, tout ça. Et moi, enfant, ce n’était pas du tout ça. C’est dire que moi, le bégaiement, pour moi, c’était un drame.

Samira

C’est-à-dire que dans ma tête, à moi, dans mon vécu, à moi, c’est vraiment un drame, quoi. Alors c’est ce que je dis. Heureusement qu’il y avait mon entourage qui m’a aidée à contrebalancer tout ça en fait. Mais dans mon cœur, à moi et à la maison, quand je me retrouvais toute seule à réfléchir.

Je n’ai pas de chance, c’est vrai, mais alors que pourtant je ne suis pas pas malade, ce n’est pas dramatique. Aujourd’hui, avec le recul, je me dis c’était, mais moi, je vivais vraiment comme quelque chose de profondément injuste et douloureux et contraignant. Et on dit.

Mike   

 Je trouve toujours injuste, un peu improvisé.

Samira

Ça, c’est encore, je suis d’accord avec toi.

Mike   

Pour moi et je avec tout le recul que j’ai eu aujourd’hui, je trouve ça toujours. J’arrive pas à comprendre, pas à plus de B. Pourquoi moi ? Pourquoi nous ? Qu’est-ce qu’on a fait ? Et des fois, je me disais qu’est-ce que j’ai faut sortir ? Il faut, comme le dit.

Samira

Il s’est passé quelque chose.

Mike   

Tu bien et moi, toute ma vie, c’était un jeu, c’est vrai de la terre entière, mais je dis c’est pas possible. Quand j’étais gamin, je n’arrive pas à m’imaginer grand . Est-ce que ma vie va être dure comme ça tous les jours ?

Samira

 C’est vrai. C’est vrai.

Mike   

Que j’étais déjà fatigué, c’est.

Samira

Vrai. Je vois très très bien que.

Mike   

Chaque matin je vais me lever.

Samira

Mais là, c’est la journée. C’est vrai, long, oui. La journée et la vie. Je suis d’accord avec toi parce que moi, ce qui était très compliqué, c’est de me dire une vie entière avec ça, de me dire je vais vivre ma vie entièrement à chaque fois, me dire les mots est ce que je vais réussir à les sortir ?

L’émotion que ça va générer en moi ? Le stress, l’angoisse. Toutes ces émotions qui sont très fatigantes. Je ne me dis pas de la vie entière pour ça, quoi, cette tristesse-là, elle, c’est aussi en grandissant. Elle, c’est passé de se transformer en roi. Mais il y a eu aussi des moments de colère, énormément. Et j’ai l’impression, dans mes souvenirs en tout cas, que c’était plutôt à l’adolescence.

Samira

Là, pour le coup, où j’avais la rage et vraiment la rage, parce que j’avais plein de trucs à vivre, à dire. Et ça, ça t’empêche. En tout cas, moi, ça m’a énormément empêché. Et en plus, c’est l’âge auquel tu commences à te projeter dans le monde des adultes. Donc il y a des choix d’orientation, tout ça. Et moi, j’ai fait des choix en fonction de ça.

Samira

Aujourd’hui, j’ai des regrets énormes, ça marche pas malheureuse, ni dans mon métier ni quoi. Mais, je me dis, mais qu’est ce qui fait que j’ai laissé autant de place au bégaiement dans mes choix, mes choix de vie ? Et ça, c’est un truc contre lequel je voudrais me battre aujourd’hui pour pas pour moi, parce qu’aujourd’hui ça ne fait plus partie, ça n’a plus de place aujourd’hui dans mes choix.

Mais je me dis quand tu es enfant et que tu bégaies, il ne faut pas que ça ait autant de place. Ce serait devrait pas. Et moi, tu vois ça à l’époque et c’était à mon époque aussi. Donc ça a beaucoup changé aujourd’hui. Mais à mon époque, je n’avais pas des adultes qui me disaient non, ça ne doit pas entrer en ligne de compte.

Il faut que tu prennes tous tes rêves. Tu peux y arriver malgré tout ? Non, en fait, moi, j’avais des adultes qui étaient très très gentils et bienveillants avec moi. Donc du coup, ils ne voulaient pas que je me mette en situation de complexification ou de danger. Donc ils m’ont encouragé à aller vers les choix les plus faciles parce que je veux dire qui à perdre un petit peu de quand.

Mike   

C’est l’amour, c’est pour protéger.

Samira

Oui, oui, mais c’est ce que je sais, c’est de la bienveillance, mais je trouve que ce n’est pas évident. Avec le recul, ce n’est pas évident et moi, ça me laisse un petit goût de l’inachevé. Il y a des choses qui dit je me suis, je me suis retrouvé à la croisée des chemins. Il est peut être pas très le bon chemin.

À ce moment-là. Alors à cause du bégaiement.

Mike   

Et avant d’arriver à faire ce choix. Donc tes passer par un cursus scolaire. Il y a notamment les oraux. Comment ça s’est passé pour toi ?

Samira

Alors en fait, j’ai eu le bac moi, c’était le premier oral, c’était au bac et en fait, j’ai eu de la chance parce que malgré que je n’avais pas de document de la MDPH ni quoi que ce soit, moi, mes parents n’ont pas fait de reconnaissance enfant handicapé ni quoi que ce soit. Et là, aujourd’hui encore, j’ai, je n’ai toujours pas.

Mike   

À l’époque ça n’existait pas.

Samira

 Ceci existait déjà, ça existait avec un autre nom, mais ce n’était pas la MDPH qui était un autre terme. Existait encore, mais par contre on m’a, on m’a accordé immédiatement un tiers temps. Donc j’ai eu un tiers temps à chacun de mes oraux. C’était à la fois aidant parce que j’étais rassuré. Mais en même temps, c’était frustrant de me dire que moi j’avais d’autant plus alors que mes camarades, ils en avaient pas besoin.

Samira

Et ça, c’était hyper exigeant avec moi-même et tout. Et donc j’avais l’impression que c’est un échec. En fait, ça.

Mike   

A c’était tout le contraire parce que moi je n’avais pas le tiers temps, parce que je ne savais pas que ça existait.

Samira

J’ai entendu.

Mike   

Ça, mais je sais que moi je dis aujourd’hui c’est qu’on doit faire en sorte que cette information arrive auprès des personnes qui bégaient et ce que moi aujourd’hui, j’espère vraiment que ça soit noir sur blanc. Que les profs devraient être plus sensibilisés à ce sujet quoi. Donc toi le tiers temps en plus c’est un avantage, mais tu la vécut comme un échec.

Samira

Oui parce que ben oui, en fait, c’est à dire que tu es.

Mike   

on retire du coup.

Samira

Non, il ne faut pas ça, c’est mon sentiment. Non, mais en fait, ça a encore à voir avec la rage, comme si j’avais la rage à cet âge-là. C’est ça, en fait, c’est me dire c’est pas normal que j’ai besoin d’un tiers temps alors que les autres n’en ont pas besoin, alors que j’ai les connaissances, les compétences pour avoir mon oral.

Je sais ce que j’ai à dire en fait, et j’ai juste besoin de temps pour le dire et l’exprimer. Et ça, ça m’énervait.

Mike   

Où est passée cette rage aujourd’hui.

Samira

Je suis devenue maman, donc ça a changé énormément ma façon de voir les choses par rapport à ça. J’ai mis énormément de. Je l’ai mis après tout le reste en fait. Donc aujourd’hui, je n’ai pas la rage. Je l’ai eu un temps quand mon fils a bégayé. Là, j’ai eu la rage. Là, c’est revenu violent.

Mike   

C’est la double peine.

Samira

Ouais, c’est ça, c’est exactement ça. En fait, j’ai deux garçons et donc le premier ne bégaie pas. Donc quand on est maman et qu’on bégaye, dès que ces enfants acquièrent la parole, on est à l’affut. Ça, c’est clair ce que vous êtes, ça a l’air dans la classe.

Mike   

Et je comprends ce que.

Samira

Je comprends parfaitement.

Mike   

Et j’ai vraiment cette pression vraiment qui est assez énorme parce que moi, le bégaiement dans la famille y on a. J’ai ma sœur qui a un bégaiement, qui avait un bégaiement très très léger. Mais le bégaiement, ma famille était déjà très présente. Et puis il y a un truc que j’ai lu aussi qui n’a pas rassuré, c’est que les garçons sont plus touchés que les frères et de.

Statistiquement et en plus on me rajoute une coche en me disant que quand tu es bègue a plus de chance d’avoir un enfant qui bégaie. Et forcément moi je fais attention aux mots, comment ils s’expriment, etc. et des fois je suis et après ça l’enfant est speed.

 Là, j’ouvre bien l’oreille, essaie de faire la différence.

Samira

Est-ce que c’est grave ? Excitation, excitation.

Mike

Etc. et du coup je suis un peu dans une limite que.

Samira

Je vois.

Mike   

Bien. Et et franchement, c’est l’une des grosses frustrations aujourd’hui. Parce que moi, quand je vois tout ce que j’ai dû traverser dans ma vie.

Samira

C’est exactement.

Mike   

Ça. Personne n’a personne et je voulais tellement la vie que la si et cette double peine. Honnêtement, je croise les doigts. Je n’espère pas la vivre. Honnêtement, moi je ne sais pas comment je réagirais. Et toi, comme tu le dis du coup.

Samira

En fait le premier n’a pas bégayer, donc très bien s’exprime pas la très bien. C’est des petits garçons qui vont très vite à qui la parole normalement avec du vocabulaire je sais pas lié, mais c’est hyper important qu’ils parlent bien, c’est hyper important. Très vite que je leur parle normalement. Pas le pas, le langage des bébés, tout ça est hyper alerte là-dessus.

Et en fait. Et donc ensuite mon petit garçon était arrivé dans trois ans d’écart avec le grand. J’ai eu très très peur, j’ai vraiment été hyper à l’affut et tout avec le petit. Je pense que je l’étais un petit peu moins. Tu vois, j’avais d’autres préoccupations à ce moment-là, il se passait autre chose dans ma vie.

Et en fait donc il a eu deux ans et demi, je crois. Il avait deux ans et demi, il parlait depuis un petit moment déjà, il parlait bien, il parlait vraiment bien, il faisait des phrases construites et tout. Et un jour, on était en vacance à la mer, en famille et ça allait très bien. On était vraiment, c’était super et tout.

Et d’un coup un matin, mais. Mais vraiment, ça s’est passé comme ça. Le matin, il s’est mis à bégayer. En tout cas, je l’ai entendu. Ça a été un effondrement psychiquement. Pour moi, ça a été un effondrement. C’était vraiment toutes les craintes que j’avais, toutes les angoisses que j’avais. Puisque ce que tu dis de  ne pas avoir envie que ses enfants y vivent, ce que n’ont fait que douloureux les ressentis d’isolement.

Je n’avais pas envie de me plonger à moi en tant qu’adulte et de le voir à travers mon enfant. Mais c’était impensable. D’autant plus que quand j’ai eu mon fils, j’avais 30 ans. J’étais passé après la tristesse, la colère et tout, c’était fini. Même si le bégaiement était encore là, je le disais plus ou moins bien, quoi. Donc là, en fait, j’ai revécu moi toute mon enfance et je l’ai vu dans mon fils et je me suis projeté en lui.

Le truc à ne pas faire. Mais c’était au-delà de ce que c’était incontrôlable. Donc moi, ça a été très très compliqué pour moi à ce moment-là. Du coup, il rentrait à l’école un mois après. Il y a la l’école, donc la première chose que j’ai fait, c’est demander à la maîtresse un rendez-vous, je dis écoutez, il bégaye et bégaye depuis très peu de temps.

Il faut que je trouve une orthophoniste, donc je vais vous demander d’être hyper en alerte. Je leur ai demandé à eux aussi d’être hyper en alerte toutefois. Mais me dire qu’est ce qu’il bégaie en classe énormément ? Pas beaucoup, avec les camarades ou pas, voilà la manière dont ils le voyaient eux. Donc ça s’est passé très vite. On a pu avoir une orthophoniste, j’ai eu la chance, il a pu avoir une orthotrès vite et en fait donc on est allé au rendez-vous avec mon mari, mon fils.

Mon premier rendez-vous d’orthophonie. En fait, c’est moi. Elle s’est occupée de moi. En fait, elle s’occupait de moi parce que je me suis écroulée dans son bureau. Toute la culpabilité que je portais, tout le mal être que j’avais gardé en moi depuis un mois et demi commençait à bégayer. Toute la crainte que j’eusse les angoisses et tout.

J’ai tout lâché ce jour-là, donc elle m’a aidée à faire le tri, à y voir plus clair. Elle m’a vraiment beaucoup aidée à moins culpabiliser. Et puis après, on a démarré la prise en charge de mon fils et ça a été en fin de course. C’est vraiment. J’avais besoin, moi, de qu’on entende que j’étais pleine de culpabilité, que j’avais besoin d’aide pour aider mon fils.

Elle a été à l’autoplus de jour et ensuite elle a aidé lui. Donc aujourd’hui il bégaye, il ne bégaye pas tout le temps, ce n’est pas le même bégaiement que moi. Moi j’avais un bégaiement très très marqué qui était là-dessous tout le temps, tout le temps, lui non. Il y a des moments où il y a des moments ou tu ne vas pas l’entendre et de ce que je remarque et de ce qu’il me dit.

Et il le vit quand même bien mieux ce que moi je l’ai vécu. En fait, il n’en fait pas un drame, il n’en fait pas quelque chose qui le freine dans les relations. En tout cas pas encore ça. Je suis encore ce que tu dis. Si on est à l’affut, on ne le restera à mon avis toute notre vie ça.

Mike   

Si déjà à cet âge là, il se sent bien qu’il a, qu’il a une bonne positivité. Donc c’est déjà un plus. Oui, le contraire, c’est ça. Et je pense que les choses peuvent aller de mieux en mieux.

Samira

Je le souhaite. Après, je sais aussi que là, il a dix ans. C’est l’âge ou il va commencer à entrer dans la préadolescence. L’adolescence, ce n’est pas un âge évident. Quand on a une différence à tout âge. Là, on aime bien être comme le groupe, entrer dans le moule, ne pas être différent. Il y a pas trop d’écart, donc le bégaiement, ça risque.

Mike   

Et si ce n’est pas une question indiscrète, comment a vécu ton mari ? Tout ça.

Samira

Alors ? En fait, mon mari l’a vécu bien mieux que moi. C’est normal aussi. Il n’est pas, donc il n’a pas ressenti ce que j’ai ressenti moi même s’il était inquiet pour notre enfant. Pas la question. Mais en fait, il avait un recul que moi, que moi je n’avais pas et il m’a été d’une grande aide par rapport à ça.

 Parce que parce que du coup, il ne regardait pas notre enfant comme moi, je le regardais à ce moment-là, je le regardais, j’étais, j’avais les larmes aux yeux alors que lui, il regardait comme il doit le regarder. En fait, comme un enfant, comme tout le monde. Il m’a énormément aidé à prendre du recul par rapport à ça.

Et puis, ce qui m’a toujours dit, c’est quand même dit toi, tu es là adulte, tu vis avec et tu vis très bien ce que me disent les gens de mon entourage. Et je pense que tu as déjà entendu ça. Oh, mais on l’entend presque plus. Ton bégaiement, ça rend plus compte. C’est une phrase que je n’aime pas, mais bon, on me l’a dit plus de plein de fois et du coup il me disait On s’en rend même pas compte que même lui, on ne s’en rendra pas compte pour lui, ne sois pas inquiète.

 Donc non, non, il a vécu avec énormément de tout recul, ce qui est bien parce que moi je n’étais pas du tout en capacité de prendre ce recul. Pas du tout.

Mike   

Et aujourd’hui, ton bagage émotionnel, il se porte beaucoup mieux qu’il a allégé un peu.

Samira

Je pense que oui, oui, oui. Je pense qu’aujourd’hui, je le vis beaucoup mieux. Alors il y a eu un avant et un après le concours aussi. Moi, par rapport à ça, il faut être honnête, je ne le vivais pas de la même manière avant le concours. Aujourd’hui, c’est effectivement, j’aimerais bien ne pas bégayer ni moi, ni mon fils.

Si on peut un jour me dire écouter, on a un traitement pour ça, c’est bon, je prends, mais, tu vois, je sais plus aussi. Je ne le vois plus du tout comme un frein avant et avant c’était vraiment un frein, mais un frein long. C’était quelque chose de. Je le portais en moi. C’était lourd. Aujourd’hui, non, pas super agréable.

C’est fatigant au niveau émotionnel, il y a des moments ou c’est plus ou moins compliqué. Mais ça va quoi.

Mike   

 Et si je te disais que c’est toujours un frein ? C’est juste que c’est toi qui a changé tout ça.

Samira

Moi, je suis d’accord avec.

Mike   

Toi plus forte.

Samira

Je ne sais pas si je suis plus forte. Je pense que c’est juste la perception. C’est ce que je disais dans un truc que j’ai fait, il y a pas très bon temps si je parle de la perception de ce qu’on vit et la perception des choses en général. Et moi, je sais que le bégaiement avant je le perçevais comme quelque chose comme ça.

Samira

C’est un handicap, mais  je le vivais comme un handicap lourd. Tu vois. Alors qu’aujourd’hui, je le perçois tout petit, quoi, dans mon être à moi. Enfin, avant, c’était il y a Samira qui est comme ça. Il y a le bégaiement qui fait à peu près cinq mois, donc trois quarts de la personne, c’était ça. Aujourd’hui, non, c’est 1/10 de tout ce que je suis en fait.

Et ça, c’est moi et c’est mon regard qui change. Donc je ne crois pas que je sois moins forte ou plus forte. Je pense que je le regarde autrement.

Mike   

Est-ce qu’il y a eu un déclic ? Tu as dit tout à l’heure que j’ai eu à la voir après le concours ? Oui. Est-ce que tu penses que c’était ça le vrai déclic ?

Samira

Et il faudra que je fasse une thérapie pour ça. Mais non, je crois qu’en fait, je pense que non. Je pense qu’il y a eu un déclic parce que je me suis inscrite au concours. Je me suis inscrite donc déjà, ça veut dire que j’avais encore un besoin de traiter ça. Tu vois alors qu’en fait, moi, ce que je disais, c’est que quand je me suis inscrite donc, j’avais 39 ans et ça faisait plus de 20 ans que j’avais arrêté tous les soins.

J’ai fait de l’orthophonie et ensuite pendant onze ans, une psychanalyse par rapport à ça, au bégaiement, ça ne m’a pas aidé par rapport à d’autres choses, ne pas par rapport au bégaiement. Et du coup, après la vingtaine, j’arrêtais. Je n’en avais marre, ça ne se réglait pas, ça ne soignait pas. Donc j’ai laissé tomber et j’ai appris à vivre avec mes blocages tout ça.

Mais tu vois, je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas pourquoi. À 39 ans, j’ai eu besoin de traiter ça en pas, de t’aimer, de mieux confronter, parce que je me suis inscrite à ce concours par hasard. C’est ce que je dis à chaque fois, mais je ne sais pas trop. C’est ce pas. Je pense que dans un coin de ma tête et de mon esprit, il y a encore la frustration de me dire je bégaie encore.

Si je peux m’en débarrasser, ça serait bien.

Mike   

Est-ce que tu  savais que tu allais gagner ou pas ?

Samira

Non, vraiment pas. Mais alors vraiment pas. En fait, je me suis inscrite à ce concours en me disant que c’était un petit concours. Quoi, c’est vraiment. En fait, il y a eu des éditions précédentes, mais je n’en avais pas eu d’information ni quoi que ce soit. Moi, je n’avais pas de carte, c’était ce qui avait eu lieu avant.

Je ne savais pas du tout comment attendre, mais vraiment pas. J’avais lu une annonce de Mouna sur un réseau qui disait qu’il restait encore des places pour un concours par rapport au bégaiement. Tout ça, j’ai dit OK pourquoi pas ? Je vais envoyer un mail et j’ai envoyé un mail à Mouna et le soir même il m’a rappelé. On a discuté de tout.

Il ne m’a pas parlé d’un grand concours qui allait se terminer à Bobino. Quoi. Il ne m’a pas parlé de ça.

S’il m’avait parlé de ça, je pense que je n’y serais pas allée sincèrement.

Mike   

Et tu avais peur ?

Samira

Ah oui.  

J’ai pris la décision de participer à un concours.

En fait, j’ai pris les gens, peut être pas. Parfois, on a du mal à me croire. Mais c’est vrai, j’ai pris la décision de participer à un concours d’éloquence du bégaiement qui n’avait pas de vocation à être médiatisé. Quoi, toi, c’était entre nous. En fait, c’était vraiment entre personnes qui bégayent. C’est un milieu très très fermé en soi.

On n’était pas connu, c’est vraiment fait. Il n’y avait aucune raison que je m’inquiète.

Mike   

Aujourd’hui tu es médiatisé ?

Samira

Après ça, oui.

Mike   

Je tape bégaiement sur Google. Je vois ta tête.

Samira

Ce n’était absolument pas prévu, mais vraiment pas. Je ne m’attendais pas à ça. C’est vraiment au fur et à mesure du concours que je me suis rendu compte qu’on se passe quelque chose en fait. Quand il y a eu , quand on est passé à la, en fait, on a fait la demi-finale au social bar et là j’ai vu, il y avait du monde et tout et des réseaux.

Il y a des gens qui ont commencé à me demander en ami sur Instagram que moi, d’habitude on ne demande pas mon entourage à moi qui ami avec moi. Il n’y avait aucune raison qu’on me demande et j’ai reçu des messages doux de gens qui me disaient oh là, là.

Je vous ai vu dans le site, pas le pas sur le site, la page Instagram d’éloquence du bégaiement. J’ai hâte de voir le reportage. Le reportage est toujours là, là, les marketings, et je me suis rendu compte qu’il y avait de la maîtrise. Il y avait des gens qui étaient qui, ce sont ceux qui se sont  retrouvés peut être un peu de tout dans mon histoire.

Mais ce n’était pas prévu.

Mike   

Et pour en venir à ton fils ? Et quand tu te dis que tu as gagné, est-ce que c’est le courant qui a participé à un concours d’éloquence.

Samira

Alors qu’en fait je ne l’ai pas caché, mais je n’en ai pas tout à fait un fait. Des tonnes en fait. Tu vois, je me suis inscrite à ce concours, c’est entre nous. Comme je te disais, il y a eu des six semaines de préparation, puis ensuite le premier et deuxième tour. Au début, ils me voyaient absente, ils croyaient me préparer un concours pour un travail pour le travail quotidien.

Et enfin, quand j’ai gagné les deux demi-finales, je leur ai dit je passe un concours pour le bégaiement. On était 30 dans tout ça. Et en plus, à ce moment-là, il y avait les caméras d’Envoyé spécial qui m’ont demandé est ce que j’accepte  qui tournaient un portrait, apparemment. Du coup, il fallait que j’explique à mes enfants.

Donc je leur ai dit et je l’ai dit aussi à ce moment-là à mon entourage, mon mari, il savait, mais mes frères et sœurs, eux, ne savaient pas. En fait, en plus ils n’habitent pas Paris, donc ils savaient que je préparais un concours, mais ils ne savaient pas de quoi il s’agissait.

Mike   

La télé, tu vois, ils comprennent ça.

Samira Tu sais qu’il y a gens. Il y a énormément de gens de mon enfance en France à l’adolescence, qui ont allumé le soir de la diffusion d’Envoyé spécial. Ils ont appelé ma mère, il y a ta fille à la télévision, mais on n’en revient pas, mais qu’est-ce que c’est génial ce qu’elle fait. Énormément de gens qui m’ont envoyé des messages, des mails, même dans mon travail aussi.

Je travaille au ministère des armées, donc on a une messagerie, un fait, des gens de  tous de mon ministère, qui m’ont envoyé des messages de félicitations. C’était hyper agréable.

Mike   

Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur le concours ? Non, lors de ces six semaines de Comment ça s’est passé au quotidien ? Est-ce que tu as appris des choses, des frustrations, des moments de doute ?

Samira

Oui, alors que les moments de doute, c’était au début. Moi, c’était vraiment au début. C’est-à-dire que quand j’y suis allé, donc j’y suis allé vraiment. Pas par hasard une fois en me disant qu’on verra.

Mike   

Et tu as gagné.

Samira

Et j’ai gagné. J’ai travaillé, je travaillais énormément. En fait, quand j’y suis allé, donc on a eu la réunion de rentrée. Et dans cette réunion, il y avait toute l’équipe qui nous expliquait donc la master class. Donc on avait des rencontres le samedi où on travaille toute la journée avec des intervenants. Et puis en semaine, on se voyait au moins un soir dans la semaine ou on faisait des ateliers en tout petit groupe.

Donc on nous a expliqué tout, tout ce fonctionnement-là et donc on est à peu près 30. 30 personnes sont inscrites, je crois. Et en fait, à la fin de la journée, on s’est mis, on s’est mis en U en fait toutes. Toutes les personnes se sont mises en U et  on s’est présenté très rapidement.

Et ça, ça a été un moment très très dur pour moi. En fait, je me suis rendu compte des personnes qui avaient autour de moi qui bégayaient avec un bégaiement qui n’était pas le même que le mien. Il y en avait qui avait un bégaiement très marqué et d’autres, au contraire, un bégaiement masqué. On n’était peut-être pas du tout au même niveau de bégaiement ou d’intensité.

Et moi, c’était la première fois de ma vie. Je, je me retrouve avec des gens qui bégayent et ça a été. Je le dis aujourd’hui avec, je le dis, je n’ai pas d’appréhension, je n’ai pas d’a priori, mais ça a été très très dur pour moi. C’était très dur de regarder en face ce que les autres voient en moi en fait.

 Je me suis rendu compte de la manière dont les autres me voyaient, les autres qui ne me bégayent pas. En fait, et j’ai eu très peur, j’ai très peur, je me dis, mais je ne peux pas, je ne peux pas rester, tu ne peux pas rester, ce n’est pas possible, je ne peux pas pas venir toutes les semaines ici et voir et entendre ça.

Du coup, je l’ai dit, soit je l’ai dit à je crois que je l’ai dit à ce moment-là, je dis qu’il y a quelqu’un d’autre qui a eu le même sentiment, qui l’a dit, et j’ai dit écoutez, moi aussi, je pense que c’est très compliqué pour moi d’être là aujourd’hui. Et  Mounah m’a encouragé à revenir en disant, mais revient la semaine, tout.

Mike   

Il a bien fait.

Samira

Ben ouais, il a bien fait parce qu’en fait plus ça allait, mieux ça allait. En fait, plus je venais et je me sentais. Au contraire, quand j’ai fait des rencontres incroyables.

 

La perception 

Mike   

C’était l’effet miroir.

Samira

Ouais, ça, c’était très dur. Oui, parce que parce que, en fait, c’est encore une fois quand on bégaye, les gens y voient que ça arrive, en tout cas au début. Et moi je vois et moi j’ai besoin qu’on voie autre chose. En fait, ce que j’ai plein de choses à donner à transmettre, à exprimer. Et sauf qu’on voit que ça en fait au début.

En tout cas, moi, je n’ai vu que ça et je me suis. Je me suis dit que les gens, en fait, me voient de cette manière. Là aussi, j’ai eu un sentiment de j’ai très peur.

Mike   

Est-ce que pour toi, le bégaiement, c’était une vulnérabilité ?

Samira

Oui. Ah bah oui, enfin moi en fait, c’est de la rage, tu vois, elle est là aussi. Parce que, en fait, le bégaiement, c’est de là. C’est vrai, c’est que le bégaiement, il met en lumière toute la vulnérabilité qu’on a de n’importe qui. Il n’y a pas que nous qui sommes vulnérables. L’être humain est vulnérable, mais nous, lever le bégaiement, il le met à jour.

Ça, à chaque fois qu’on parle et qu’il y a un blocage, c’est parce qu’il y a une émotion derrière et qu’il y a. En tout cas, c’est y a une émotion aussi et du coup, c’est ça qui met en lumière la vulnérabilité. Moi, par exemple, quand je suis en colère, je bégaie énormément. Donc je ne suis pas crédible quand mes enfants y font des bêtises.

Je ne suis pas très crédible. Je m’énerve toi et ça ça ça m’énerve parce que c’est de la vulnérabilité affichée alors que je n’ai pas envie qu’on me voie comme quelqu’un de vulnérable, non ?

Mike   

Tu veux qu’on te voie comment.

Samira

Comme n’importe qui en fait une femme, j’ai des compétences. Je suis forte, alors c’est, c’est le revers de la médaille du bégaiement, je pense. C’est que le mental après un mental, même si moi je pense que le bégaiement malgré tout, m’a forgé un mental de petite quelque que part, parce que je suis obligée en fait de continuer, parce que ce qu’on disait, c’est que c’est un combat.

Chaque jour, tu te lèves et tu sais que tu vas devoir parler et donc tu vas avoir tout te battre. Donc au bout d’un moment, tu te mets aussi en condition. Il faut que tu sois forte parce que soit tu parles ou tu t’es isolée et on ne peut pas vivre sans parler aux gens. Donc du coup, moi, ça m’a aussi énormément travaillé au niveau du mental, je crois, et ça ne se voit pas avec le bégaiement.

Mike   

Je dirais de quoi tu as un mental de guerrier.

Samira

C’est sur toutes les personnes qui me connaissent le savent. Ça, c’est sûr. Avant je, avant je trouvais pas parce que j’avais le bégaiement qui prenait trop d’espace. Aujourd’hui, je sais que c’est grâce aussi au bégaiement.

Mike   

Et si je te disais que ce qu’on voit, c’est une femme forte, une guerrière.

Samira

Ça me fait du bien de m’entendre parce qu’encore une fois, la perception, moi j’ai l’impression que les gens ne voient que le bégaiement chez toi. J’ai encore malgré tout cette impression-là moins qu’avant. Mais donc du coup, j’ai l’impression que les gens ne voient que la vulnérabilité alors que.

Mike   

Et ça aussi ça joue parce que si toi tu vois la vulnérabilité des gens, la vulnérabilité et sait comment te percevoir aussi, qui fait que les gens vont te voir de cette façon-là, un peu comme une citation que j’ai déjà beaucoup d’idées. Tu vois aux yeux du monde ce que tu vois à tes propres yeux.

Samira

C’est vrai.

Mike   

Du coup, ça a commencé à faire parce que tu as changé ta façon de te voir, parce que tu la dis, que tu es forte, donc tu le ressens, oui. Donc tu sais, ça.

Pas parce que c’est ce que vont ressentir les gens.

Samira

Et c’est ce qui est nouveau.

Mike   

Mais par contre, si tu manques de la faiblesse, de la vulnérabilité que tu souhaites afficher, tout dépend de ce que tu souhaites afficher. C’est ça que les gens vont voir. En tout cas, moi, je te perçois avant qu’une personne forte et surtout qui dégage beaucoup d’énergie et sait mettre de côté, gagner des. Donc il y a eu un avant et un après.

Mike   

Donc ce concours, comment se passe l’après dans le milieu professionnel par exemple, est-ce que tu as gagné en assurance dans ton travaille dans ta façon de s’exprimer ?

Samira

Alors oh, en fait, c’est un peu. Alors oui, oui, oui, j’ai gagné en assurance parce que, en fait, aux concours, on nous apprend aussi à avoir à communiquer avec éloquance. Donc le regard, la posture, la voix, l’intonation, le rythme et tout. Donc c’est des choses que j’ai gardé un petit peu, pas encore tout, mais encore un peu de verticalité.

Samira

La verticalité ? Ouais, souvent, ouais, je pense que je l’ai mieux qu’avant. Je pense que c’est mieux qu’avant.

Mike   

Sur les photos qu’on voit de toi, une verticalité.

Samira

Ah oui, dans la presse, je regarde même du oui. Il y a une assurance, la même qui c’est qui ? Ce qui est là, qui n’était pas là avant, après, au niveau professionnel, ça m’a aussi. Avant le concours, on m’avait fait une proposition de poste à responsabilité. Et je me. Je ne me sentais pas pas légitime.

Samira

En fait, je me dis, mais je ne peux pas y aller. Je ne peux pas faire ça avec mon bégaiement, je ne peux pas. Et là, en fait, après le concours, je me dis, Mais il y a, j’ai les compétences pour la pro. En fait, j’arrive aujourd’hui à me voir avec un petit peu plus de temps, d’indulgence qu’avant. Et aussi, et ça m’a ouvert aussi l’esprit.

Samira

En fait, ça a enlevé. Tu ne sais pas comment, des écrous qu’on peut avoir dans l’esprit ou on se dit non, ça, je ne peux pas y aller. Là, je ne peux pas faire ça. Il y a deux types de dette, des écrous qui se sont enlevés, moi avec le concours. Donc aujourd’hui, j’ai envie de faire énormément de choses au niveau professionnel et je suis en train de mettre les choses en place pour pouvoir les faire.

Mike   

Quand tu as refusé cette proposition, c’était quoi la vraie raison ? Au fond de toi, tu savais que tu avais les compétences ? Elles ne doutent pas. Et pourquoi tu es refusé ?

Samira

Parce que j’avais pas envie de me mettre aussi parce que j’avais pas envie de me mettre pour deux raisons je n’avais pas envie de me mettre en danger par rapport à mon bégaiement et de le vivre de s’exposer en équipe, en responsabilité. Je pense que je n’étais pas pas prête à ça.

Mike   

Au début de ta carrière, tu as fait des choix par défaut par rapport à ton bégaiement et tu arrives à un stade ou tu as l’opportunité d’avoir une promotion, si on peut dire, et tu refuses de nouveau à cause du bégaiement, c’est-à-dire que le bégaiement était toujours présent dans tes choix, parce que là de la raison qui va l’exprimer, c’est une ouais qui était le bégaiement et non pour X ou Y.

Samira

Alors c’est la raison numéro une parce que c’est celle que j’ai mis en avant, parce que justement je n’avais pas encore enlevé mes écrous et en fait, la raison numéro deux, c’est que parce que ce n’est pas mon plan de carrière, c’est pas un poste qui m’interesse en soi. J’ai d’autres ambitions et aujourd’hui, je m’autorise à aller vers d’autres ambitions qui sont encore plus risquées que le poste qu’on me propose.

Mike   

Avec plus d’exposition et plus d’exposition.

Samira

Exactement, tu as remarqué. Aujourd’hui, tu vois, je me l’autorise. Avant, c’était même pas je me. Non, je me permettait était pas.

Mike   

Et c’est Véro. On en a tous qui évolue en fonction de la vie, en fonction du temps de conditionnement, qui est la moyenne des cinq personnes qui fréquentent le plus le social va jouer les gens avec qui tu traînes. Etc. et le bégaiement ? On met une couche bien cimentée par quand ça existe à toute casser, de casser le béton.

Mike    `

C’est là, c’est et au début je me dis je deviens entrepreneurs, et prendre le téléphone, c’est mort. J’ai assez, je sais que tu as eu le job et évolué. Du coup le bégaiement va tout, peut être revenir, etc et c’est pas évident qu’on ne peut pas changer du jour au lendemain. Me faire sauter toutes les étapes ça peut prendre des décennies.

Mike   

Et même et moi souvent, j’ai des méthodes comment a fait ? Ouais, mais sauf que c’est un travail d’une décennie. Et puis le mental, ça se travaille. C’est ça le train de vie. On part guerrière du jour au lendemain, claque des doigts, etc. Tu t’es pas inscrite au concours, tous les verrous ont sauté. Ils avaient commencé à faire ce travail.

Mike   

C’est ça en amont et que ça, si c’est une pièce du puzzle qui vient se rajouter.

Samira

C’est ça en fait, et je crois, je crois vraiment que le concours, il est arrivé au bon moment aussi parce qu’en fait, je pense que si ça avait été quelques années avant, je n’étais pas prête. Tu vois, j’ai pas traversé tout ce que j’ai traversé avant, qui ont aussi joué sur le mental. Comme tu dis, si tu veux aujourd’hui, c’est il n’y a rien qui me fait peur vraiment, à part perdre mes enfants, y a rien qui me fait peur.

Samira

C’était avant, j’avais peur de tout. Tu me revu il y a quelques années, j’étais frêle, je n’étais pas du tout dans le même état d’esprit. Mais voilà, la vie a fait et je pense que le bégaiement, c’est que comme tu dis, le ciment de ce mental là, mais avant je ne le voyais pas et c’est et c’est le concours à est d’arriver au bon moment de ma vie ou j’étais prête à l’assumer.

Samira

En fait de ça, j’étais prête à lâcher et en plus le feu, le fait que je gagne, voilà qu’on me dise que tous mes discours étaient bouts po était un stupide tyran, que j’étais là, que tout ce qu’on m’a renvoyé. C’est ce que ca fait aussi que je me suis dit, mais en fait je bégaie. Il n’y a pas que ça les gens, ils ne voient pas que ça y est, c’était la première fois de ma vie ou des gens inconnus parce que qu’avant c’était que des gens qui même qui me disait il n’y a pas de bégaiement, il n’y a pas que ça en toi. On te connais est intéressant plutôt là. J’avais des gens inconnus, j’avais des pros aussi de l’éloquence, qui sont venus, qui m’ont dit non, il y a un truc allez y quoi ?

Samira

Et donc je me suis. J’ai eu besoin d’autres moments, pas besoin de moi. J’ai eu besoin de la légitimité et de la validation de ces gens là pour me dire oui.

Mike   

Et un truc super intéressant. Tu as dit Il y a deux choses. La première, c’était que tu as peur de rien. La seule chose dont tu as peur, c’est de perdre des enfants. Moi, c’est pareil. Et pour la peur quand tu supprimes la peur, tu peux faire énormément de choses. C’est ça qui m’a vraiment aidé en fait. Qu’est ce que la peur ?

Mike   

J’ai plus peur, donc je fonce, je fonce.

Samira

Et puis, et puis le fait que ce soit une épreuve ou que ce soit un handicap comme ça, moi, ce que je me suis rendu compte au mon expérience à moi, c’est que tu vois le bégaiement, je vis avec, c’est super compliqué au quotidien, c’est fatiguant. Il y a des jours ou je pense que tu sais, il y a des jours, on est crevés, tu es crevé, ne serait ce que de parler.

Samira

Moi, je fais un métier où je parle au quotidien avec les gens, donc c’est des moments ou je suis naze de soi. Et donc en fait, c’est fatigant tout le temps, toute la vie. Et puis à côté, ça aussi, la vie normale. Il y a des épreuves que tu traverse ou tu dis, mais je peux pas et je ne peux pas y arriver.

Samira

Je ne vais pas arriver à le faire, je peux dire et en fin de compte, tu te rends compte. Ah bah si je l’ai fait, je m’en suis même pas rendu compte. Mais je l’ai fait et je suis. Ça a mis énormément de temps, moi pour moi, parce qu’il y a des jeunes qui mettent beaucoup moins de temps à ça et c’est très bien.

Samira

J’ai vécu presque la moitié de ma vie d’un moment, je peux te le dire, presque la moitié de ma vie, avec en faite et je m’en sortais pas trop mal. En fait, j’ai fait des choses intéressantes et j’ai dit et exprimé de peu des choses importantes. Donc en fin de compte, je peux y aller encore.

C’est con, mais je peux y aller encore. Avant, je me disais pas pas ça. Je me disais Non, non, tu peux pas, t’as pas le droit de te parler comme ne peut pas prendre la parole publiquement. Et tu ne peux pas tout, tu peux écrire. Moi, j’ai beaucoup écrit. Par contre, j’ai écrit toute ma vie, mais prendre la parole, c’est autre chose.

Samira

C’est bien de mettre les mots par écrit, parce que du coup, ça permet de structurer la pensée, de revenir dessus, de l’approfondir. C’est tout. Mais par moments, tu as besoin, c’est d’exprimer spontanément ce que tu ressent. Et ça, c’est quelque chose qui m’a manqué toute ma vie et je sais que je ne veux plus de ça. C’est terminé. Je sais que ça c’est fini.

Samira

Le bégaiement, pas de bégaiement, c’est pas grave.

Mike   

Est ce que depuis le concours, tu as eu des prises de parole publiques ?

Samira

Oui.

Mike   

Comment ça s’est passé ?

Samira

Bah bien, j’ai fait ce que j’aurais même pas imaginé, même dans un rêve. J’ai fait un TEDx, une coupe de conférence de 19 minutes sur scène.

Mike   

Comment est venue l’idée de faire un Tedx ?

Samira

En fait, c’était après le concours.

Mike   

Par hazard ou pas ?

Samira

Pas vraiment, non. Là, c’est moi. Tu vas laisser à mon initiative, à.

Mike   

La fac.

Samira

Volontaire. Là, c’était bien. C’est ça que ce.

Mike   

N’est pas ça.

Samira

Il s’est passé quelque chose.

Mike   

Vous avez été reboosté à bloc, c’est ça ?

Samira

Enfin, en fait, il y avait la page Instagram de TEDx qui lance et lançait un appel à candidature par rapport à leur aux têtes qui devait arriver au mois de mars et dont le thème était en quête,  en deux mots. Et du coup, je me suis dit Tiens, c’est marrant, c’est un thème qui, en ce moment me parle énormément dans ce qui se passe dans ma vie.

Samira

Et j’ai envoyé Mail. Je dis ce que j’ai fait dernièrement un concours, je. Est-ce que ça vous intéresse de me rencontrer par rapport à ça ? Et donc ils m’ont rappelé. On a fait un entretien et  la nana que je lui avais dit il faut qu’on prenne. Il faut que vous fassiez un peu un TEDx avec nous.

Samira

Et du coup, j’ai fait un TEDx avec eux au milieu de’autres personnes que je vois plus que ce que que sur les réseaux. Fabien car qui voilà qui est hyper célèbre, boosté, hyper fier quoi.

Mike   

Tu es célèbre, tu as gagné.

Samira

C’est le monde à moi.

Mike   

Et comment ça s’est passé quand tu étais sur scène ? Est-ce que tu avais le trac ?

Samira

Oui, ben oui. J’avais le trac, je suis arrivée, j’étais hyper stressée, hyper stressée. Alors là, tu vois  par rapport aux concours ou à Bobino ? Moi, j’avais dit à tout le monde qu’il y avait la finale. Il y avait tous mes proches qui étaient venus, mes enfants, mon mari, ma sœur, des copines, des collègues et tout.

Là, je l’ai dit à personne et je l’ai dit à mon mari. J’ai dit Voilà, j’ai fait ma tête, je ne sais pas, mais je n’avais pas envie de le vivre avec tout ce monde là. Encore une fois, ce n’est pas pour ne pas partager. Ouais, mais je sais, mais je ne sais pas. J’avais envie de le vivre que moi.

Et puis lui, j’ai envie de partager avec lui. Je l’ai dit à quelques membres du groupe éloquance bégaiement qui sont venus donc très très peu de monde. En fait, ils sont venus et c’est tout. Je l’ai dit à personne et je suis arrivée. En fait, moi mon problème à moi. Et je pense que c’est parce que c’est vraiment l’entrée en scène qui est stressante.

La première minute est très, très compliquée. Je bégaie énormément à ce moment-là. Et puis après, ça va mieux. Après. Et donc j’étais stressée. J’étais énormément stressée. Mais en fait, je me suis rendu compte très vite que les gens étaient très attentifs. Ils étaient hyper intéressés parce que j’avais à dire à mon message et je m’en suis rendu compte à la fin aussi avec les applaudissements tout ça.

Donc j’étais super fière quand c’est encore un truc ou là je me dis, mais toi je peux pas pas rester à ne rien dire, j’ai des choses à dire et il y a des gens en face qui ont envie de les entendre. Donc il faut que j’ai.

Samira

Mes prochains challenges. Tu vois, là, c’est tout  nouveau. Mais je me suis. C’est la première fois de ma vie que je m’engage dans une association et je me suis engagée avec l’éloquence du bégaiement. Donc, je suis membre du conseil de l’administration et je vais prendre un rôle au niveau de la com.

Mike   

Super.

Samira

Tu représentes bien en fait le bégaiement et en fait l’objectif c’est de le développer avec les partenariats qu’il peut y avoir. Le sponsoring, tout ça, c’est quelque chose que je ne maîtrise pas du tout.

Mike   

Et ça, ça pour toi, c’est un nouveau challenge qui va en apprendre davantage sur le handicap, sur bégaiement, sur apporter un travail de sensibilisation. En plus.

Samira

Ouais. Oui, parce que enfin, à côté de ça, j’ai très envie de mettre en œuvre aussi, c’est de participer à la sensibilisation dans les écoles et collèges par rapport au bégaiement. Parce que je trouve qu’en fait, c’est ce qu’on disait tout à l’heure. Que les profs soient en alerte par rapport à ça très tôt.

Samira

Qu’il sache ce que c’est que le bégaiement, la manière dont ça fonctionne, la manière dont on le vit quand on bégaye parce que je pense que ça, c’est un aspect qui ne manque pas ici et du coup, la manière dont il traite le bégaiement d’un enfant dans la classe, ça n’est pas toujours très adapté parce qu’ils ne savent pas qu’on ne sait pas, pas ce qu’ils veulent, pas parce qu’ils savent pas quoi.

Samira

Donc je pense qu’il y a énormément de choses, de choses à dire par rapport à ça. Et avec Mélissa, on aimerait bien effectivement faire des projections de documentaires dans les lycées pour pouvoir parler aussi avec les jeunes par rapport au bégaiement, mais aussi en général,  toutes ces choses là. Quoi apporter un petit peu ?

De faire un petit peu de prévention par rapport à ça, quoi ?

 

Aider les autres 

Mike   

Pourquoi tu a envie d’aider les autres ?

Samira

Ça, c’est une question. Alors moi, c’est mon métier. Donc si tu veux, c’est en moi, ça, c’est vraiment quelque chose de je. En fait, je peux pas envisager ma vie sans apporter quelque chose aux autres. Alors on dit souvent que les femmes, et ça, c’est ancré dans les gênes des femmes depuis des millénaires. Elles ont voué leur vie aux autres, aux enfants, aux maris.

Tout ça et c’est en elles. Alors peut être qu’il y a aussi de ça en moi, mais il y a aussi énormément. J’ai trop besoin d’être utile. J’ai fait un métier que j’ai choisi, alors j’ai choisi mon métier. C’est un métier que j’ai fait par défaut, mais j’ai choisi le métier d’assistante sociale pour aider les gens, pour accompagner, pour être enfin là, pour apporter aussi ma pierre à l’édifice.

Samira

Donc, je ne peux pas concevoir de vivre ma vie sans aide et avant tout maintenant. Après, c’est normal que j’ai eu mes enfants. Mais avant, j’étais très occupée dans mon métier et mes enfants, c’était amplement suffisant. Aujourd’hui, je sais qui me manque un peu autre chose. Donc le bégaiement est arrivé à ce moment-là aussi. Le retour qui a eu du concours.

Samira

On m’a dit Tu as quelque chose à transmettre, tu peux y aller. Aujourd’hui, je ne me vois pas, ça s’arrête pas à ça, quoi ?

Mike   

Est-ce que tu penses que le fait d’être bègue, ça a donné de l’empathie envers les autres ? Cette sensibilité peut être plus importante qu’une personne, certainement.

Samira

Moi, je pense en tout cas peut être d’empathie et aussi peut être de l’écoute. En fait, quand tu es bègue, tu parle moins et tu observes énormément. Tu analyses énormément et tu écoutes. Moi, je suis quelqu’un qui est toujours écouter les autres, que ce soit mes amis, ma famille, dans mon entourage, ça a toujours été le cas.

Samira

Et dans le métier en plus. Et et donc c’est c’est forcément lié parce que moi tu prends la parole et plus tu laisses la place à l’autre et plus tu es quelqu’un qui, qui peut, qui développe cette qualité de compréhension de l’autre, tout ça.

Mike   

Et tu fais un métier où tu es exposée. Tu la prends la parole tous les jours.

Samira

Ouais.

Mike   

Moi, quand j’ai fait de l’orthophonie, on me disait que tu devait annoncer ton bégaiement. Est-ce qu’aujourd’hui, quand tu rencontres une personne pour une nouvelle fois, tu as l’autre ? Que tu bégaie ou pas ?

Samira

Pas forcément. En fait, alors je fais un métier ou je prends la parole tous les jours. Mais ce qui est bien dans mon métier, c’est que c’est à huis clos, donc c’est dans mon bureau. C’est plutôt  intimiste, donc je me mets pas trop en danger. Donc en général, les gens, ils le voient très vite que je bégaie.

Samira

Donc uand je vois qui a besoin de dire, je le dis à ce moment-là, quand je vois que la personne est bloc là-dessus, tu vois, il y a des moments ou tu ressens que la personne est écoute pas trop. Elle écoute plutôt ton bégaiement à te regarder. Donc là, je le dis, on passe à autre chose.

Mike   

On essaie de comprendre. C’est peut être.

Samira

Oui, elle essaie de comprendre aussi. Ou alors parfois aussi, elle va regarder tes mimiques. Parce que quand on bégaye, on a beaucoup de mimiques aussi. Et je vois bien dans le regard des gens. Après, voilà, ça fait partie de l’observation, mais je le vois bien quand la personne écoute mon message ou quoi, elle me regarde mon bégaiement, c’est pas la même chose.

Samira

Tu vois bien que il y a quelque chose entre vous qui passe moins bien en fait. Donc du coup, à ce moment-là, je le dis, je le dis, je dis effectivement, je bégaye, ça fait longtemps, vous vous inquiétez pas. Par contre, si vous avez besoin que je, que je reformule, qu’on me le dit, il n’y a pas de mal.

Samira

Et tout ça, ça, c’est quand on est en individuel. Ensuite, quand j’ai eu des entretiens d’embauche, il y a eu plein de moments ou je me suis pris des murs à cause de ça. C’est pas toujours des bons souvenirs. Mais voilà, je me suis pris des murs à cause du bégaiement, alors que alors que c’est injuste, encore une fois parce que j’avais des compétences et en fait de plus en plus, je l’ai dit d’entrée de jeu, quand il y a un enjeu, en fait, je le dis pour être pour m’en dégager aussi.

Samira

Quand tu vois, et puis le moment ou c’est le plus compliqué. Mais là, je n’ai pas encore de solution pour ça. C’est ce que je disais au téléphone et moi je fais un métier en plus, on prend tout le temps, tout le temps le téléphone. Alors quand il faut appeler une administration, on décide de stresser que ça fait quinze minutes que tu n’as pas le bon numéro.

Tu cherches la bonne personne ou.

Mike   

La musique d’attente, ça.

Samira

La liste d’attente. Et ensuite ? En fait, très souvent, il y a des numéros de dossier à donner. Cela c’est le pire. Et moi, pour moi, donner un numéro, c’est très compliqué. Donc quand il est long, je te raconte pas. Ou alors un mail aussi quand je dois donner mon adresse mail est super longue. Ce n’est pas un outil que je trouve hyper agréable, mais j’ai été habitué, habitué à l’utiliser.

Samira

 Quand je ressent que la personne en face n’écoute plus, je le dis.

Mike   

C’est une situatioon qui me fait pas rire à l’époque. Il me fait plutôt sourire aujourd’hui. C’était quand j’ai dû appeler un numéro d’accès. Je me dis ça va coûter cher.

Mike   

Encore pire parce que je mets plus de temps, etc. Et c’est vrai quoi, le téléphone est pendant pour une grande grande partie de ma vie. Au début c’est dur, mais en fait je me suis dit je suis toujours accepté d’avoir mal. Une phrase de Rocky Balboa Stallone dans Rocky Balboa qui disait C’est cette incapacité à encaisser des coups tout en avançant.

Samira

C’est ça, c’est ça. Mais si j’ai.

Mike   

Commencé, c’est des coups pendant plus de dix ans, tous les jours, j’encaisse des coups, mais c’est pas la. L’important n’est pas de recevoir des coups, mais je vais toujours.

Samira

C’est la manière ou c’est.

Mike   

Ça, c’est ça. J’ai reçu des coups, j’ai connu une avancée et il y a un truc que je raconte souvent. Il y a un déclic avec le téléphone qui s’est passé chez moi. J’ai eu mon premier garçon en 2016 et à partir de 2017 2018. Et j’avais commencé vraiment à faire ce travail là avec le téléphone, je prenais la photo de mon fils et je mettais sur mon bureau.

Mike   

Et quand j’appelle, je désactive mon attention du bégaiement. Mais là, je me dis pas, faut que je voulais chercher.

Samira

L’argent là.

Mike   

Et enfin être là, c’est tellement beaucoup plus grand que moi. Est-ce que je me dis Ecoute, petit.

Samira

Je veux.

Mike   

Que je paye tes études à la fac. On achète les autres pour mettre à l’abri. Et là, tu reviens un peu sur la servitude. La prothèse génétique, c’est ça ? Tu vois, tu dois protéger trois gamins et ça te donne à un sursaut d’énergie. Et du coup, j’ai commencé à ressentir ces sensations là. Et à chaque fois que je me concentre sur le fait de pas payer, combien d’argent je gagnais, c’est fou.

Mike   

Mais ça va faire que j’ai cherché ce deal.

Samira

Et les gens.

Mike   

À faire, que j’arrive à convaincre cette personne. Et du coup, j’ai développé d’autres sensations. Ça a été une énergie parallèle et ça, ça m’a beaucoup aidé. Mais avec le temps, et il y a aussi un truc que je disais dans un épisode, c’est la spirale. Au niveau du débit, j’ai appris un truc quand moi j’appelle, c’est moi.

Samira

Qui fixe le debit.

Mike   

Et du coup avec le temps j’ai un tempo plutôt pesé.

Samira Ouais c’est vrai.

Mike    Et je vais moins bloquer que je vais être plutôt là. Bonjour Samira, comment tu vas ? Je posais le cœur et du coup les gens, ils vont s’adapter à moi bêtement. Quand j’ai un pote qui m’appelle.

Salut Mike.

Samira

Qui se rendra à son rythme à lui, j’en sais rien. C’est lundi. De plus, il se crée avec l’idée que quelqu’un qui bégaye justement, c’est effectivement . La personne avec qui on parle  sache que si elle a un débit rapide, malheureusement, on risque de se calquer au sien par pas réflexe alors qu’il faut pas. Donc en fait ce qui est important que les gens sachent et c’est aussi pour ça que je trouve ça important parler dans les écoles du bégaiement, c’est pour que les gens y comprennent que eux aussi ont un impact sur la manière dont on peut ou pas nous bégayer.

Samira

Il n’y a pas que eux. Mais non, en fait, inconsciemment, on va se calquer sur le débit de l’autre. Donc si on prend pas, si on prend pas le contrôle effectivement de débits de parole, on est perdu. Et moi je suis pas quelqu’un qui prend le contrôle très vite, donc très vite. Mais si la personne enfin en face, elle le fait, ça, elle peut réadapter elle même son propre débit et nous mettre à l’aise après.

Samira

Derrière, tu vois. Et ça c’est hyper aidant, je trouve. Et pour les enfants notamment, je trouve ça hyper important que les profs en ce moment. Je pense aux profs parce que il y a des profs qui parlent très lentement et qui parlent très vite, naturellement. Et si on ne ferait que cette formation là ? Eh bien, ils peuvent aider un petit peu un enfant à le mettre un peu plus à l’aise.

Samira

C’est juste ça quoi. Ils sont importants les profs et même les jeunes entre eux. Tu vas y faire quoi ?

Mike   

C’est de la bienveillance.

Samira

De la bienveillance et ça, c’est un cercle vertueux après ? Non.

Mike   

Il y a deux écoles chez les bègues, ceux qui n’aiment pas qu’on finisse leurs phrases. Tu as ceux que ça dérange pas, toi ? Tu es dans quelle école, toi ?

Samira

Moi, en général, je n’aime pas qu’on termine les phrases parce que c’est encore une fois un échec. C’est à présent d’être assisté. Tu as. Mais en même temps, moi j’ai aussi le problème. Ce que tu vois là, je viens à peine de reprendre la thérapie. Et puis donc, je suis encore d’être si fluide. Le problème, c’est que quand je bloque, je ne m’arrête pas.

Samira

Au lieu de lâcher prise, je n’y suis pas encore. Tu vois, au prise, mais ça va venir. Et donc du coup, en fait, c’est fatigant parce que tu es en apnée et la peu la personne qui est devant toi, aucune envie est aidée. Donc voilà, je suis là dedans, mais en même temps c’est pas très agréable pour quelqu’un. Je termine mes phrases à moi.

Mike   

C’est vrai que moi je faisais partie également de cette école et qu’on termine les phrases pour rebondir de ce que tu disais au niveau de la plaie. Et j’avais tendance à débiter, à débiter, m’arrêter en plein milieu d’une phrase.

Samira

Pile et solidaire.

Mike   

Et en fait, c’était un peu dans une spirale. C’est tant que je peux sortir des mots.

Samira

Je bloque.

Mike   

Ça, je me suis agressé. Et pour moi, le bégaiement, je le dis quand je le dis vraiment, c’est physique.

Samira

Physique, mais clairement et mentale clairement.

Mike   

Et l’impression très sévèrement. Je sors d’un match un mec.

Samira

Complètement, mais c’est vraiment ça. Et là, c’est très compliqué, pas compliqué, mais il y a des moments ou les proches ne le voient pas pas. Ça donne pas un jeu. Dans mon métier, je parle toute la journée, alors déjà il y a une charge émotionnelle importante. Parce que si je dis des gens qui viennent avec deux petits problèmes et tout, mais en plus, parce qu’on parle, on y est, on élabore avec des plans d’action, ça, et je parle toute la journée, donc c’est très fatigant.

Samira

Et le soir, quand j’arrive à la maison. Je n’ai plus trop envie de parler, tu te rends vide et voilà. Mais en même temps, on a aussi une vie de famille, donc il faut que les gens puissent le comprendre aussi. Ça très très fatigant vraiment très fatigant. Par contre, moi, ce qui est nouveau depuis quelques années, je me suis mise au sport et je trouve que ce que ça m’apporte en plus une, une énergie plus forte en fait par rapport à ça veut dire que la fatigue du bégaiement est peut être moindre maintenant que je me suis mise au sport.

Samira

Donc en fin de compte, c’est un équilibre un peu aussi.

Mike   

Tu vas fortifier ton corps.

Samira

Aussi exacte  et ça aide.

Mike   

Et qui encaisse mieux les charges ?

Samira

En plus je suis encore plus forte et menteuse mentalement et physiquement.

Mike   

C’est bien moins mentalement. Je pense que je suis fort physiquement. Faut bien reprendre le sport, ça aide.

Samira

Ça aide.

Mike   

Et le fast food ? Et de se faire plaisir, je dirais. Je mettrais ça sur le dos du confinement.

Samira

C’est tout ça.

Mike   

Tu as accepté de participer à épisodes d’honneur et bègue. Pourquoi tu accepté cette invitation ?

Samira

J’ai fait ce que je veux aujourd’hui, c’est que c’est de ne pas me taire par rapport à mon bégaiement. C’est-à-dire que pendant trop longtemps, je ne voulais pas en parler. Alors ce n’était pas tabou. Mais ce n’était pas non plus un sujet que tu vois. Et en fait, non, c’est, il faut en parler. Il faut que je puisse vous dire la manière dont je le vis, ce que je ressens, ce que la façon dont je vis avec, pour que d’autres puissent aussi s’en imprégné se dire qu’ils sont passés de là à avoir telle émotion, telle que telle ressenti.

Samira

 Et puis il y a aussi le fait, en fait, ce que je trouve avec le concours, je me suis rendu compte aussi, encore que c’est bien beau, on parle énormément de faire une société inclusive qui accepte toutes les diversités, tous les handicaps, tout ça. OK, super. Et sauf que par rapport aux bégaiement, je trouve qu’on est encore loin du compte.

Samira

Parce que en fait, par rapport au bégaiement, on parle uniquement des stars, de ceux qui sont, qui sont bègues, dont on dit tout le temps. Oui, il y a de telles personnes NPK Et c’est magnifique. Oui, mais en fait non. Bégayer avant et maintenant qu’elle est elle les médecins, disait on n’entend pas bégayer. Donc en fait on est encore pas habitués à entendre dans les médias et dans la vie de tous les jours.

Samira

À part les gens qui sont en lien avec quelqu’un qui a ce trouble. Donc, je trouve qu’en fait, il y en a pas assez. On ne l’entend pas assez. Si à l’époque ou j’étais enfant et ou j’avais énormément de mal être par rapport à ce bégaiement là, si jamais dans les médias il y avait quelqu’un, je ne sais pas, moi, un acteur, une actrice qui bégaye au moment ou elle ou elle est en médiatisation.

Samira

Mais je pense que ça m’aurait aidé. En fait, ça m’aurait aidé à me dire que je suis pas toute seule. Et en plus, même avec le bégaiement, on peut aussi faire un métier extraordinaire. Et et voilà. Et je veux qu’on entende aujourd’hui des gens qui bégayent pas des gens qui ont bégayé, gens bégayer aujourd’hui encore et qui vivent avec les autres.

Samira

Qu’on prend des ententes que ce que tu as vu, que tu vas me voir et m’entendre.

Mike   

Et est-ce qu’il y a un épisode qui t’a marqué ?

Samira

J’ai pas encore tout écouté par rapport au tien. J’ai écouté celui de Mélissa et de tout le monde pour tout dire, et j’ai adoré. Et je me dis ça parce que parce qu’en plus ça va un regard, elle, parce que à la fois elle est dedans, parce qu’elle est bègue elle même et à la fois elle a un regard extérieur parce qu’elle est réalisatrice.

Samira

Donc, du coup, elle a un regard un peu plus observateur, avec un angle de vue que nous n’avons pas. Je trouvais ça hyper intéressant dans ce qu’elle, dans ce qu’elle pense, qu’elle te disait par rapport à ce double regard là et et mon âge. Ce qui m’a plu aussi, c’est que c’est encore lui sa meilleure. Il est très et et il a un message hyper positif par rapport au bégaiement.

Mike   

C’est deux supers épisodes, mais celui de Mélissa et ce là. Et si je lui dis que je suis vexé parce que tu n’as pas écouté les miens.

Samira

J’ai pas. Sincèrement, je n’ai pas encore écouté. Je crois qu’il y en a pas mal sur les épisodes. Il faut vraiment que j’ai le temps de le faire. Mais c’est promis.

Mike   

J’aime bien rigoler.

Samira

Donc ce que j’ai plus tard, à avant la fin du mois, là.

Mike   

Tu seras en vacances. Tu seras au Maroc, à la plage.

Samira

Avant.

Mike   

Et si on parlait de ta gestion du bégaiement au quotidien ? Est-ce que tu as développé des astuces, des techniques, des tips ?

Samira

Moi non. Moi, je suis vraiment pas du tout un bon exemple par rapport à ça. Et d’ailleurs, c’est ce que j’ai mal. C’est quelque chose que j’ai mal vécu au concours. Quand je me suis rendu compte que les personnes qui étaient là, elles avaient développé des astuces, comme tu dis par rapport à ça. Elles avaient dit des techniques, tout ça.

Samira

Et moi, j’étais loin de tout ça à moi. Ça faisait très longtemps que je n’avais vu aucun médecin par rapport à ça. Et donc je bégayais. Mais bien normalement, comme quelqu’un qui bégaye à fond. Et ça s’entend et ça se voit, ça avec mes mimiques. Et du coup, moi je n’ai aucun. Moi, je pars de zéro par rapport à ça.

Donc ça, c’est quelque chose que j’ai vécu un petit peu mal. Au début, je me dis Tu vois, tu t’as laissé traîner  des choses très longtemps, alors qu’il y en a qui avancent par rapport à leur bégaiement et pas à toi. Je m’en suis un petit peu. Je m’en suis voulu un peu par rapport à ça.

Mike   

Par exemple, aujourd’hui, toi, quand tu bégaye, qu’est-ce que tu te dis ? Est-ce que je peux faire en sorte de ne pas bégayer ? Prochaine phrase ce que tu anticipes ? Qu’est ce que tu essaies de mettre en place pour fluidifier ta parole ? Est-ce que je ne sais pas si tu comprends bien Maxime ou.

Samira

Je vois très bien ce que tu veux dire ? Enfin je pense. C’est le seul truc que j’ai essayé de me dire aujourd’hui, c’est de ralentir mon débit parce que j’ai vu que ça marchait.

Je fais des exercices. En fait, je pense que je suis as. Je pense que j’ai trop de. Je pense que je suis trop speed et il y a aussi de ça. Pis il y a aussi ça avoir encore avec l’état d’esprit de je vais, je lâche. Rien ne peut pas, lui qui décide de mon débit, quoi faire, moi de décider de mon débit ?

Samira

Mais non, non, pas encore.

Mike   

Bonne guerre.

Samira

Mais c’est exactement ça. Et non, en fait, non, non, je sais donc là, du coup, j’ai repris la thérapie depuis quelques mois. Et c’est ça en fait qu’il faut que je fasse et que j’essaie de faire. Ça prend un peu de temps.

Mike   

Et tu vas chercher la paix avec le bégaiement.

Samira

 Faut vraiment que je sache la faire. Il faut que j’arrête de le voir comme un fait.  Il faut que j’accepte, qu’il n’est pas à ma taille, qu’il n’est pas plus fort que moi en fait. Juste que maintenant le vois comme un adversaire à ma taille. Du coup, j’ai besoin de toi.

Samira

Je suis dans le combat avec lui. Non, il ne faut pas tout ce que je dis, c’est tout. C’est rien, quoi ?

Mike   

C’est une cohabitation.

Samira

C’est une cohabitation. Ce n’est pas le choix. C’est forcé.

Mike   

Vous mettez quelques règles ensemble.

Samira

Moi, je suis pas quelqu’un  qui refuse dans le cadre de tout. Mais par rapport à ça, si là, par rapport à lui, j’ai du mal à me dire non. Ecoute la famille foutue, il faut que tu n’as pas le choix. En fait, pas le choix, c’est la manière de le vaincre.

Mike   

Et qu’est-ce que ça a fait de reprendre l’orthophonie ?

Samira

En fait, j’y suis allée avec, avec au bout. Coup d’espoir au début en disant Je vais arrêter de bégayer, c’est bon. Mais très vite, je me suis. Je me suis dit En fait, je sais pas si c’est ce que je veux pas. Comment expliquer ? Je ne sais pas si c’est mon objectif d’arrêter de bégayer totalement parce qu’il y en a, c’est leur objectif.

Samira

Et là, tu vois, je suis en train de me dire que non. En fait, mon objectif par rapport à ma thérapie, c’est déjà d’être un peu plus fluide, ça c’est sûr. Et d’avoir la maîtrise de mes moments de blocage, c’est ça. En fait, c’est uniquement ça. Après, si je bloque encore, c’est pas grave. Ensuite, je vais pas trop.

Samira

Au début, je me dis c’est bon, je vais arrêter de bégayer. En fait, non, c’est pas vraiment ce que je veux quoi. Ce que je veux c’est avoir la maitrise de mes blocages. Il y en aura. Et puis c’est tout quoi ?

Mike   

Et comment tu vois ton bégaiement dans cinq ans.

Samira

Pas non plus grave. Je pense qu’en tout cas que je serai plus fluide dans ma parole. Mais une fois, je pense qu’il sera encore là. En fait, quand j’ai grandi, je me suis inscrite au concours. On discutait avec un certain nombre de candidats. Il y en avait un qui disait que lui, il avait son objectif, c’était non.

Samira

Il dit Moi, je ne veux pas bégayer, je veux que ça s’arrête pour le reste de ma vie. Je ne veux plus avoir à bégayer. Et moi, je me suis toujours dit que le bégaiement faisait partie de ma vie, que c’était comme ça. En fait, je me suis résignée. Tu vois ça à vivre avec parce que tu es là depuis très longtemps déjà.

Samira

Et quand j’ai commencé la thérapie, j’y suis allée en me disant Peut être qu’en fin de compte, je peux ne pas bégayer. Un jour, j’ai eu cet espoir à un moment, à un moment dissemblable peut être. En fin de compte, c’est possible. Peut être que je peux un jour ne plus, puis plus bégayer. Et là, ça revient d’une autre manière.

Samira

Là, c’est pas de la vie, la résignation, mais c’est plutôt de me dire voilà, j’ai un objectif qui est atteignable. En fait, toi, c’est de maîtriser les blocages. C’est plus illusoire comme ça pouvait l’être encore. Parce qu’il y a la science.

Mike   

Qui dit la science.

Samira

La science, elle dit quand même que c’est neurologique aussi. Et à partir de ce moment là, pour l’instant en tout cas, on ne peut pas agir sur le gène. Déjà le gène qui est impacté et on ne peut pas non plus agir sur la partie. Justement, à part le reconditionnement du cerveau, ce qu’on fait avec les thérapies, on ne peut pas en enlever en fait en totalité le handicap.

Samira

Donc à partir de ce moment là, je me suis dit il sera là quand il reviendra, peut être pas au même rythme qu’il a été avant, mais il sera là.

Mike   

Et qu’est-ce que tu plantes ? Reconditionner le cerveau ?

Samira

Ça, par contre, j’en suis passé. La thérapie, c’est la thérapie que je mène. Elle passe par là. En fait, c’est qui cause ce qu’on disait tout à l’heure, c’est ça, c’est l’auto. Ecoute toutes ces choses là là. Le débit de parole à prendre part, à débiter le moins vite son discours, apprendre à s’arrêter. Le bégaiement, comme on appelle ça le bégaiement volontaire.

Samira

Tu sais en fait d’exercices. Là, elle me demande de bégayer, mais par choix. Là, pour le coup, tu vois que c’est plus lui qui arrive quand il décide. Là, c’est moi qui décide que, à ce moment-là, je vais bégayer. Et du coup, ça permet à ton cerveau aussi de reconditionner un moment et de ne pas voir le bégaiement comme un obstacle, mais comme quelque chose que lui il va pouvoir utiliser, utiliser ou pas ça.

Samira

Il y a plein de petites techniques comme ça que je suis en train d’apprendre en fait, que découvre.

Mike    `

Et tu arrives volontairement parce que moi, je ne sais pas dans ma tête si c’est possible ?

Samira

Eh ben, moi aussi j’ai quand même parlé de ça impossible. Et quand elle m’a parlé de ça aussi, mais je peux pas, c’est pas plus, c’est lui qui décide. Eh bien non, on peut, on plante ça. Oui, c’est fou, c’est fou, mais ça marche. En fait, c’est des exercices qui fonctionnent.

Mike   

Elle doit donc être en train de me dire que tu veux, tu peux bégaie volontairement. Mais est-ce que tu as les mêmes sensations que quand tu bégaie ?

Samira

En fait, non, non, non, tape pas les mêmes, mais c’est pas le but que rechercher. Euh. Le but c’est que ton cerveau dit Ah, c’est moi qui maîtrise le bégaiement, c’est plus lui qui vient, c’est plus lui qui maîtrise ce que je veux dire. C’est juste un sac qui ? Qu’est qui est recherché, mais non pas les mêmes, pas le même stress qui arrivent.

Samira

T’as pas ça parce que c’est toi qui décide à savoir.

Mike   

Est-ce que toi, tu arrives à sentir que tu vas bégayer ou.

Samira

Pas ? Oui.

Mike    Donc elle est.

Samira

Alerte. Ouais, je sais, je le ressent, se ressent dans les mots. Je sens que je sais pas comment l’expliquer. Je pense que tu sais ce que je veux dire, mais je ne saurais pas l’expliquer. Je ressent le mot aussi va être fluide, pas.

Mike   

Ce que je dis parce que moi je le sentais, mais alors que je le sentais. Au fond, c’est comme.

Mike   

C’est neuf et elle est là. Il y a web depuis plusieurs années. Du coup, ce que j’ai fait, dès que je le sent, je coupe les moteurs, ça et ça fait bizarre parce que là, tu discutes et si tu arrêtes tant qu’une personne est elle un peu gênée, il se passe quoi en fait ? Maintenant, ce que j’ai fait, j’ai coupé les moteurs et je recommence.

Samira

Et c’est ça, mais y’a pas de secret, c’est ça que je vais faire. Tu as raison.

Mike   

Au début, ça m’a déstabilisé, donc je passe. Moi, je me dis que je sais quoi faire. Je préfère au lieu de bloquer, je coupe le moteur, je recommence ta phrase et j’ai commencé à le faire au fur et à mesure. Après, y avait une technique aussi en orthophonie qui m’a beaucoup aidé, c’était de commencer en douceur, ça oui.

Mike   

Par exemple le bonjour, moi j’avais les super jours et des fois je disais bonjour .

Samira

C’est pas pareil. Vraiment, je savais pas de choses.

Mike   

Mais ça me permettait de vous faire. La communication entre en douceur et aujourd’hui, c’est vrai que j’ai légiféré, je l’applique toujours. Du coup, de façon un peu automatisée, avec tous mes attaques, je fais rarement des attaques fortes. C’est un plus douceur. Mais des mots comme le bonjour, je n’aurais pas la même portée sur le bon du jour en jour, mais je commençais toujours en douceur.

Mike   

Après, ça fait partie aussi de tout le travail que j’ai fait. Mais c’est vrai que c’était difficile de m’arrêter et recommencer. Et je me suis dit pour moi, être fort, c’était pas forcément de foncer.

Samira,

Mais oui, tellement vrai.

Mike   

Que j’ai la poussée de recommencer le combat.

Samira

Mais oui.

Mike   

C’est moi, je le voyais un peu comme ça. Donc je suis dans un temps inverse. Un jeu vidéo, je meurs.

Mike   

Et du coup, tant qu’on me dit pas stop et sort de la pièce, je suis toujours là.

Samira

Ainsi. Mais ça en fait tellement ça. Et c’est ce que je dois moi faire, en tout cas moi, et que j’ai encore un petit peu de mal à faire. En fait, il y a des moments. Tu vois ou je vais être un peu, je sais pas pourquoi ça, je sais pas encore l’analyser. Mais il y a des jours ou je vais être beaucoup plus en alerte par rapport ça ou je vais prendre plus mon temps,  être plus fluide dans ma parole parce que justement je fais attention à mon de débit.

Je lâche les blocages un peu plus rapidement et à d’autres moments ou non. Non, je danse, j’y vais.

Mike   

Est-ce que tu connaiis ton bégaiement par cœur ?

Samira

Je pense. Ouais. Alors je croyais le connaître. Et en fait, avec ton phonie, je me suis rendu compte de petites choses que je n’avais pas identifiées. Elle m’a aidé à  identifier des choses.

Mike   

 Est-ce qu’aujourd’hui on a mis en place des alertes pour savoir à quel moment que bégaie le plus ou pas ?

Samira

Alors ? Non, c’est pas vraiment des alertes, mais. Mais disons que je ressent des moments ou je suis le plus touché par une émotion très forte. Tu vois que ce soit de la fatigue ou de la ou de la tristesse, non, pas la tristesse même. Je ne crois pas que ce soit l’émotion qui me fasse le plus bégayer.

Samira Mais par exemple, la fatigue, la colère ou l’excès de notation. Là, par contre, je vais bégayer et je le ressent, et du coup, je le gère mal, très mal, encore. Alors après, dans le cadre professionnel, c’est pas le cas. Ce que tu te dis là, c’est bon dans ma vie privée. En fait, quand je suis bien, que je n’ai pas de toit, je n’ai pas le contrôle.

Samira En fait, je suis à l’aise parce que quand j’ai le contrôle, en général, je gère. Toi, j’essaie de faire en sorte que mes émotions prennent pas le pas. C’est pas le cas dans ma vie privée et je le ressens. Mais je n’ai pas de pas de. Je n’ai pas de solution encore.

Mike    Et moi je ne sais pas pourquoi. Mais il y avait un truc, mais qui est assez bizarre. Si que je bégaye pas de la même façon avec telle ou telle personne. Je bégaie beaucoup moins avec ma femme et avec certains amis, etc. et des fois je me dis, mais pourquoi j’arrive à reproduire la même chose et pas si de toi ?

Mike   

Est-ce que tu as des personnages qui étaient beaucoup plus fluides que d’autres ?

Samira

 Ecoute moi, non. C’est ce que te disais un membre du groupe au concours. En fait, il disait que lui, en famille, il bégaye pas du tout, mais alors pas du tout avec sa femme et ses enfants. Mais par contre à l’extérieur, énormément. Je me dis, mais, mais comment ? Il peut ne pas bégayer alors qu’avec nous autant et moi non, moi c’est autant avec les gens avec qui je suis très proche et j’en suis moins proche.

En groupe aussi, je bégaye autant en groupe que en individuel. Donc moi il n’y a pas de fin, je crois pas en tout cas qui le différencie. Le bégaiement est là, il est là, il bouge parce qu’on est.

Mike   

C’est vrai qu’on a le bégaiement, mais je trouve qu’on est différent dans la manière, l’intensité contrôlée par le bégaiement. De la même façon, on réagit pas tous de la même façon.

 Donc le bégaiement est tellement variable que moi, en tout cas, je l’avais analysé parce qu’il était rendu compte que j’étais beaucoup plus à l’aise. Et j’essai du coup de comprendre qu’est ce qui fait que je bégaie beaucoup jouer avec ma femme qu’avec telle ou telle personne, donc être à le connaître, etc. à décrypter.

Samira

Alors oui, c’était évident.

Mike   

Oui, oui, c’est ça, c’est ça. Comme quoi on apprend que j’aurais aimé ça.

Samira

En fait, effectivement, par rapport au bégaiement, il y a autant de bégaiement et de manières de bégaiement de manière de bégayer de gens. En fait, on n’a pas du tout du tout les mêmes expériences. Ce que l’on a en commun, c’est le ressenti, le ressenti négatif par rapport au bégaiement. Ça, je crois qu’on a à peu près tous le même à des moments plus ou moins différents.

Samira,

Mais et par contre, la manière dont on vit avec d’autres s’exprime, l’intensité c’est pas du tout pareil.

Mike   

Et ça me fait penser au fameux iceberg.

Samira

C’est ça exactement ça. Mais ça, c’est vraiment une image. Quand j’ai vu des images, c’est exactement ça. En fait, les gens ne voient qu’un 10ᵉ de que c’est que le bégaiement vrai. En fait, c’est ça qui m’a fait. Je me suis dit enfin, et il y a des gens qui comprennent ce que je je ressens, ce que je vois pas en fait, et que les gens que les gens ne peuvent pas comprendre parce qu’ils ne vivent pas, ils sont pas en moi.

Samira

Euh oui, ouais. Ouais, je pense qu’on peut avec du travail.

Mike    Pas disparaître, mais une bonne partie.

Samira

Une grande partie.

Mike   

Pour ne pas faire couler le Titanic.

Samira

Il vaut mieux pas ne pas calcule. Mais oui. Maintenant je crois qu’on peut le faire fondre en grande grande partie avec le travail, ça c’est sûr.

Mike   

Et pour finir cet échange, si tu devais dire un mot à la petite fille que tu étais, qu’est-ce que tu lui aurais dit ?

Samira

Je te chose. J’aurais d’ailleurs écrit ce que tu n’as pas réussi à dire. Quand tu ne pouvais pas. Parce qu’un jour tu te dis que tu y arrivera.

Mike   

C’est très beau. Tu aimes beaucoup écrire.

Samira

En fait, même si c’était fin d’écriture, c’était magnifique, mais ce n’était pas encore l’aboutissement de ça. C’était pas encore assez bon pour moi, donc je pensais que là, ce que je vis en ce moment, c’est hyper important parce que je sens que tu es encore.

Mike   

En tout cas un grand merci à toi Samira pour échange, j’ai trouvé super intéressant.

Samira

Merci de m’avoir invité et de m’avoir écoutée.

Mike   

Merci beaucoup d’avoir écouté ce podcast. J’espère qu’il vous a plu. Ce contenu a été fait avec beaucoup d’amour et l’amour, ça se partage retrouve également les notes de l’épisode sur noiretbegue.fr à très bientôt.

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