Le Bégaiement au Quotidien
Dans ce nouvel épisode de NOIR & BÈGUE 🎙, on va aborder le thème du bégaiement au quotidien, ainsi que les épreuves qu’une personne bègue peut rencontrer dans sa vie.
L’utilité principale de cet épisode est de vous plonger en immersion dans la vie d’une personne bègue.
Pour les personnes non-bègues, aller acheter une baguette ou dire bonjour à son voisin le matin sont des actions presque anodines auxquelles on ne réfléchit pas. En revanche, pour une personne bègue, cela relève de l’effort. Les tâches quotidiennes deviennent de réelles épreuves qui vont se transformer en source d’angoisse et de stress.
Le bégaiement entraine un éternel travail sur soi et une constante réflexion. Les personnes bègues se demandent constamment si elles sont à la hauteur.
Chaque interaction nécessite un temps de travail et une préparation aussi bien physique que mentale en amont.
De plus, l’appréhension du regard et du jugement d’autrui est plus que présent, et par-dessus tout, le sentiment de faire perdre son temps quand on parle est plus que proéminent. Beaucoup doivent faire face à des moqueries ou bien des rejets.
Cela est dû à un manque de connaissance du bégaiement encore trop répandu, si davantage de personnes étaient sensibilisées sur ce sujet, beaucoup de situations comme celles-ci auraient pu être évitées.
Retrouvez les notes de l’épisode sur noiretbegue.fr
🎧 Bonne écoute
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Mike
Bonjour et bienvenue à tous dans ce nouvel épisode de Noir et bègue qui s’intitule le bégaiement au quotidien. Bonjour Mazarine.
Mazarine
Bonjour Mike. Pour ce nouvel épisode.
Mike
Parti je suis chaud.
Mazarine
Alors aujourd’hui c’est un trouble qui est encore méconnu par la majorité d’entre nous.
Mike
Je confirme.
Mazarine
Mais on sait tous que le bégaiement a un grand impact dans la vie quotidienne. J’imagine que ça n’a pas été facile pour toi ou ce n’est pas facile pour toi. Est-ce que quand tu as commencé ce parcours, ce chemin, tu pensais arriver à ton objectif un jour ?
Rêve autorisé
Mike
Honnêtement, je me suis autorisé à rêver, mais ce que je vis aujourd’hui va au-delà de mes propres expériences. Je pensais que j’allais améliorer mon bégaiement. Je pensais que j’allais mieux vivre avec. Mais aujourd’hui, je ne pensais pas que j’allais me sentir libre. C’est énorme la sensation de liberté que j’ai aujourd’hui, que je n’ai pas eue toute ma vie.
C’est pour ça que je dis souvent que j’ai la chance d’avoir une seconde vie. J’ai la chance de faire ce que je fais. J’ai la chance d’avoir le métier que je fais. J’ai la chance de pouvoir m’exprimer quand je veux, quand je peux et j’ai la chance d’aller vers les gens. Enfin, j’ai découvert une nouvelle vie que pour moi et cette sensation de pouvoir parler.
J’ai appris, j’ai appris à aimer. Avant, je détestais parler. Aujourd’hui, j’adore parler parce que ça me fait un bien. Et ce bien-là, c’est une sensation, une sensation de bien être que je ne connaissais pas. Pour moi, parler, c’est un peu comme quelque chose de nouveau. Un peu comme un gamin qui découvre une sucette, qui connaissait c’est quoi la sucette, ni qui n’en avait pas. Et là on lui donne moi c’est pareil.
Chanceux
Mazarine
Et est-ce qu’aujourd’hui tu te considères comme chanceux ? On va dire d’être parvenu à avoir une parole fluide ou non, d’avoir atteint cet objectif.
Mike Est-ce que je me considère comme chanceux ?
Mazarine
Parce qu’on sait qu’il y a plein de mecs aujourd’hui qui n’y parviennent pas, malheureusement ?
Mike
Oui, je dirais que je me considère comme chanceux aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir m’exprimer librement. J’ai cette chance là de faire beaucoup plus de choses que je ne pourrais pas faire avant. Oui, dans ce cas, oui. Je me considère comme chanceux. Maintenant, ce qu’il faut mettre aussi en parallèle de la chance, c’est tout le travail qui a été fait, toute cette motivation, toute cette rage de vivre.
En fait, je suis allé chercher au plus profond de moi-même cette petite lueur d’espoir qui allait me permettre d’avancer. Je suis arrivé aujourd’hui là où je suis par instinct de survie. Tu sais, quand tu veux vivre quelque chose, je développe des choses que tu ne peux même pas soupçonner. Et moi, c’est un peu le cas. Il fallait à tout prix que je puisse vivre.
Mazarine
Tu as voulu autoriser, arriver et forcément il a fallu aller le chercher. Ce rêve, il a fallu travailler pour l’atteindre.
MIKE
Déjà, pour moi, le rêve, c’était de découvrir une réalité parallèle à la mienne. Le rêve, pour moi, c’était une échappatoire. Rien que le fait de penser à ce rêve-là, ça me donner une petite énergie, une autre sensation. Et au fur à mesure, j’ai commencé à y croire. Donc je me suis vraiment autorisé à rêver. Je me suis dit que je peux essayer de faire de mon rêve une réalité.
Et de toute façon, si je n’y arrive pas, je n’ai plus rien à perdre. Donc il fallait tenter et je me suis battu corps et âme par instinct de survie.
Mazarine
Du coup, ton rêve, c’est ce qui a motivé et c’est ce qui donnait la hargne d’arriver là. Aujourd’hui, c’est un combat que tu as mené pendant près de dix ans. Mais il y avait également toutes les épreuves que tu as pu affronter au quotidien. Est-ce qu’aujourd’hui je peux nous faire part de certaines épreuves de la vie quotidienne qui peut être compliquée pour un bègue, mais pas pour une personne non bègue ?
Des épreuves au quotidien
Mike
Tu sais, pour nous en tout cas pour moi en tant que bègue, des épreuves au quotidien, il y en a beaucoup, il y en a énormément. C’est que même les choses les plus simples sont les plus compliquées pour un bug. Par exemple, moi, je me souviens qu’on appuie sur le bouton de l’ascenseur, je priais et personne dedans.
Parce que forcément, quand la porte s’ouvre, le fameux mot le bonjour, il doit sortir le bonjour et il y a des fois il sortait pas, je passais un peu pour un impoli était gêné cette sensation-là que les gens de peu regardent.
Et j’ai détesté et j’ai détesté prendre l’ascenseur, qu’il y avait du monde. Et quand je vois qu’il y a du monde, je préfère laisser passer mon tour. En tant que bègue souffrant de troubles de la communication, forcément d’interactions sociales en prend un coup, et notamment le fait de devoir dire bonjour, d’aller vers les autres et dans la continuité.
Le fait d’aller acheter son pain, par exemple dans la boulangerie. Et c’est difficile. Ce n’est même pas tant le fait de donner l’argent qui est difficile, c’est le fait de pouvoir choisir déjà ce qu’on veut, le pouvoir de s’adresser à la personne et lui dire ce que l’on souhaite. Et aussi la sensation d’être regardé et d’être observé, d’être jugé aussi, ne pas avoir des remarques désobligeantes.
Il peut y avoir aussi cette impatience-là. Et après, tu peux tomber sur des personnes de bon cœur, une mauvaise journée ou d’autres qui vont s’impatienter, qui ne savent pas forcément c’est quoi le bégaiement et et des fois on peut et on sait, mais déjà arrivé qu’on considère que j’ai des problèmes mentaux par exemple parce que j’ai du mal à m’exprimer.
Il y a d’autres situations un peu plus embêtantes. Quand une personne te demande par exemple un renseignement ou toi même quand tu dois demander un renseignement parce que c’est moi à mon époque, ce n’est pas Google MAP, c’est devenu après Waze, Google Maps, etc. ça nous a bien aidés, mais à l’époque c’était vraiment à l’ancienne. Tu devais demander ton chemin ou tu sortais une carte.
Et c’est vraiment l’interaction sociale, le fait d’aller vers les autres, dialoguer avec les gens qui était super difficile. Et après moi, comme je dis toujours la fameuse guillotine, ça restait le téléphone. C’était vraiment le summum un peu. En tout cas, moi, pour ma vie de bègue, le téléphone, c’était quelque chose de vraiment, de vraiment très difficile. Je te raconter une petite anecdote est ce que ça te dit de.
Mazarine
Je suis toute ouïe.
Appel téléphonique
Mike
Un jour appel administration publique ? Déjà il faut être patient. Bien être veut bien prendre son mal en patience. Et tu as la fameuse sonnerie d’attente, la fameuse musique qui donne envie de mourir deux fois. Et là, l’appel en attente qui dure au moins un quart d’heure.
Au moins.
Au moins c’est systématique. D’attente, etc. non. Du coup dans ma tête faut pas que tu bégaies, je m’entraîne, je répète tout ce que j’ai à dire en boucle dans ma tête, mais énormément, vraiment.
Comme un sportif de haut niveau. Je montre, je dois te dire ça, je dois te dire ça, je trouve ça un échauffement. Et sauf que le truc, c’est que la sensation qui est désagréable, la surprise.
Alors je n’étais pas prêt. Et ce, même si j’attendais. Et du coup, ça m’a déstabilisé. Le fait d’être déstabilisé, le bégaiement est là, trop gros, gros, gros blocage. Tant bien que mal, j’arrive à sortir les premiers mots dans la conversation.
J’ai la tranquillité qui m’entend plus et là je me bloque, je me contracte mes muscles, je n’en pouvais plus.
Je, je tiens la chaise, mes bras qui poussent la table et là, qu’est ce que je fais ? Premier mot qui sort ? Je me dis que je me suis déplacé. Est-ce que vous m’entendez mieux là ?
Alors que j’étais.
Toujours au même point, au même endroit, les mots ne sortaient pas et j’avais la 4G a été full radio était top. C’est ce que ma voix, le corps, tu sais quand le corps est refusé, refuse.
Et moi je me suis dit écoute mon gars, le mot, là, j’ai recommencé, tu vas le sortir. C’est à l’époque ou je me battais vraiment contre mon bégaiement.
Par exemple, cette situation de téléphone où je dois sortir des blagounettes comme ça ou essayer de faire passer mon bégaiement pour un problème de réseau.
Ça, je l’ai fait constamment toute ma vie, mais vraiment toute ma vie, parce que j’avais aussi cette honte, cette honte d’annoncer que je suis bègue. Si j’avais vu, j’ai eu cette honte toute ma vie de dire tiens, je suis différent, etc.
Et c’est que récemment que je commence à accepter le fait que j’ai un handicap, mais à l’époque c’était beaucoup plus difficile et il fallait combattre quoiqu’il en coûte.
Techniques de Mike
Mazarine
Il est vrai que toutes les situations qu’il vient de nous énoncer, que ce soit acheter du pain, monter dans un ascenseur ou juste passer un appel, c’est des actes qui sont assez anodins pour nous, les personnes non bègues. On n’a pas besoin de s’y préparer au préalable ou quoi que ce soit dans est ce que pour toi ça va être tout en un processus comme tu le dis ?
Tu as dû trouver un moyen de faire des blagues ?
Mike
Ouais.
Mazarine
Et aujourd’hui, ce que tu veux nous partager davantage de méthodes ou techniques à utiliser pour apprivoiser tout bégaiement.
Mike
Pour mieux apprivoiser mon bégaiement, par exemple, j’ai mis en place quelques petites techniques au fur et à mesure des ans. Avant, j’avais un débit de parole très rapide, donc j’ai d’abord vraiment commencé à ralentir mon rythme de parole pour pouvoir bégayer moins et faire beaucoup moins de blocages. Et j’ai travaillé énormément ma respiration parce qu’il est souvent arrivé que je parle et que je m’arrête en plein milieu d’une phrase parce que j’ai plus d’air.
C’était tellement la course, c’était et il n’y avait pas de coordination entre mon cerveau, mais mes poumons et tous les autres membres. C’est un peu la fiesta là-dedans. Il fallait arriver à faire un peu le ménage et le fait de ralentir à mon débit, ça m’a aidé. Ça m’a permis aussi de mieux gérer ma respiration et de mieux construire mes phrases.
Aussi, j’avais des blocages que j’arrivais aussi à anticiper, notamment les tout ce qui est avec les attaques fort, les coups, les bonjours. Quand j’ai appris l’orthophonie, c’était de hacher un peu le B, de dire bonjour et dire bonjour. Ça me permettait de moins faire ces attaques très fortes qui ne demandaient plus d’efforts au niveau de mon élocution. Autre chose de taille super importante, c’est qu’avant, je pensais constamment au bégaiement, tout le temps, même sans bégayer comme ça, je pense.
Il ne faut pas du il ne faut pas que je peux, il ne faut pas que je bégaie. Alors tu es sûr quasi à 90 % que vous allez bégayer ? Aujourd’hui, avec le travail que j’ai fait, je pense plus bégayer. Même si je bégaie, je bégaie, je m’autorise à bégayer. J’ai vraiment fait le gros travail de désaxer, mon intention du bégaiement.
Faux pas.
Le comment
Mazarine
Comment est-ce que tu as fait ça?
Mike
Quand je pense au bégaiement, je vais forcément bégayer. La lourde attraction tu attires ce à quoi tu penses le plus. Et le but, c’était. Et je vais penser à l’objectif. Par exemple, quel est l’objectif de cette discussion ? Quel est l’objectif de ce coup de fil qu’est l’objectif de X ou Y ? Je me concentre uniquement sur l’objectif et je me mets en place que ça.
Et à force, tu vas pouvoir mets ton bégaiement au second plan. Le fait de mettre en bégaiement au second plan ne résout pas tout, mais c’est déjà un poids en moins. C’est une pression en moins. Et tu confonds du coup sur l’essentiel qui va être le fait d’obtenir ce que tu veux. Une faute arrive à mettre ton bégaiement au second plan.
Tu vas arriver à travailler ton degré de sensible, notamment. Qu’est-ce que ça te fait de bégayer ? Ça, c’est une vraie question que je me suis posée. C’est une vraie question que j’ai. J’ai ressenti l’effet qu’est ce que ça me fait de bégayer ? Tu veux savoir ce que ça me fait de bégayer ? Oui, la honte, l’humiliation, le sentiment de me sentir moins bien, le sentiment de me sentir un peu comme une merde.
Le sentiment de me sentir que la vie n’a pas fait de cadeau, le sentiment de me sentir que je n’étais pas à ma place. Et tu dois vivre avec tout ça. Le plus gros travail, c’est d’arriver un peu à se détacher, c’est d’arriver à dédramatiser. Mais toutes les personnes ne ressentent pas la douleur de la même façon. Toutes les personnes n’encaissent pas les choses de la même façon.
Il fallait arriver à un peu à me décharger. C’est un peu comme si tu roules avec une voiture avec un frein à main si la voiture avance, mais elle bloque un peu. Un jour, je me suis dit j’appuie sur le frein à main et de le faire descendre. Je vais continuer d’avancer avec les coups que je vais continuer d’encaisser.
J’ai commencé à prendre, à prendre du recul par rapport à mon handicap. J’ai commencé à prendre du recul par rapport à mon bégaiement. La conséquence de ça, c’est qu’aujourd’hui, je ressens plus la même chose quand je bégaie fortement ou moyennement. Un jour, j’ai découvert une formule E plus R est égale à E, car le gars qui m’a dit c’est pas des maths, je vous rassure, on ne va pas faire un cours de math, E+R=E.
E+R=E
Mazarine
Qu’est-ce que ça signifie ?
Mike
Curieuse ?
Mazarine
Oui.
Mike
Forcément. Heu.
E c’est l’événement ? R C’est la réaction que tu vas avoir face à cet événement. Est égal à E qui est l’effet, l’effet que ça va te produire sur toi. Je vais te donner un exemple simple, je te parle là tout de suite, c’est l’événement. Si je me mets à bégayer, l’événement, c’est que je suis en train de parler avec toi.
Je bégaye. R C’est la réaction que je veux avoir face à la discussion que j’ai avec toi. Je suis gêné, je suis mal, je ne me sens pas bien. J’ai honte de moi. Je me sens humilié. Peut être pas comment tu vas me faire ressentir les choses ou ton degré d’empathie, ou peu importe ce que tu vas faire.
Je suis libre de la réaction face à l’événement qui est en train de se passer l’âge et le choix sur la réaction.
Mazarine
C’est le seul facteur sur lequel tu peux exactement.
Mike
C’est le seul facteur sur lequel je peux avoir de l’emprise, c’est d’adapter ma réaction et ensuite, ça va me produire un effet. Là, par exemple, si je bégaie avec toi, je me dis la réaction c’est pas bien grave, ce n’est pas dramatique, ce n’est pas la première qui bégaye. Et puis alors, je prends du recul, je banalise un peu, ça va, je le prends plutôt pas mal.
Sur mon autre coup, ça ne va pas m’empêcher de vivre. Toute façon, ça ne peut pas me tirer plus bas. Tu sais, dans la vie qu’on est déjà à zéro, tu ne peux pas aller à 0 à 0. Et j’ai pris un peu de la vie sur ce côté-là. Je prends vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de recul par rapport à la situation que je suis en train de vivre.
Et j’essaie tant bien que mal de toujours garder le contrôle. Sur la réaction, je banalise, je prends du recul, je me dis que ce n’est pas grave, je me dis que ce n’est pas le bon interlocuteur ou ou je me dis que demain sera meilleur et je positive. Je positive, je positive et ça m’a permis d’adapter ma réaction parce que ton degré de sensibilité est énorme.
C’est une grande part de ton travail de réduction parce que tu sais que tu ne peux pas accomplir de grandes choses. Si tu te mets à terre, tu tombes, tu te relèves, tu tombes, tu relèves, tu vas toujours prendre des coups. Mais après, ce qui va faire la différence, c’est de continuer d’avancer toujours en prenant des coups. C’est à toi de travailler ce degré de sensibilité là là.
La règle de 5 minutes
Moi, j’ai mis en place une règle que j’appelle la règle des cinq minutes. Tu dois te dire tiens, c’est quoi faire.
Réfléchir.
La règle de cinq minutes ? Sinon, pour moi qui m’autorise à souffrir pendant cinq minutes, c’est une règle pour moi qui m’autorise à avoir mal pendant cinq minutes. Tu suis pas.
Mazarine
pas plus.
Mike
Pour moi qui m’autorise à ressentir des sensations que mon corps ne veut pas, que mon corps rejette parce que ce n’est pas des sensations qui me font du bien. Donc j’accorde cinq minutes maximum aux sensations que mon corps rejette parce qu’aujourd’hui, je connais tellement bien mon corps, je sais ce que j’aime bien. Par exemple, je te donne un exemple tout bête j’adore le coca citron, un coca avec un citron vert top.
C’est une sensation qui me procure du bien. Alors quand je suis mal ou que ou que je bégaie ou que je ne me sens pas bien, ou parce qu’on m’a dit ça, oui, ça me procure une sensation qui est limite désagréable en moi. Non, tu le ressens sur toi et moi, je m’autorise de ressentir cette sensation maximum pendant cinq minutes.
Après, faut que je libère plus, je la garde en moi. Ça revient à ce que je lui disais tout à l’heure le frein à main. Et ça m’empêchait d’avancer. Il faut que j’arrive à la libérer et moi, pour libérer cette sensation là, c’est le travail quotidien de se détendre. La méditation, la relaxation, le fait de penser à autre chose, de continuer à rêver, de banaliser ce qui vient de se passer, de prendre du recul.
C’est un ensemble de choses qui font que j’arrive à appliquer cette règle de cinq minutes.
Mazarine
Et cette règle des cinq minutes. Elle s’applique seulement aux bégaiements ou dans la vie de tous les jours, dans tous les sujets.
Mike
Non, mais cette règle, c’est une règle de vie. C’est vraiment quelque chose qui me permet d’avancer et qui va au-delà du bégaiement. Il n’y avait pas que le bégaiement dans ma vie. Il fallait arriver à trouver cet équilibre de vie. Il faut arriver à trouver cette raison de vivre. Il fallait que j’arrive à me construire. Au-delà du bégaiement, c’est ça.
En fait, il fallait que j’arrive à le construire, au-delà du bégaiement. Que ma vie ne se résume pas qu’à bégayer.
Mazarine
Je pense que c’est une bonne règle, voire même une bonne philosophie de vie.
Mike
Et j’essaie.
Mazarine
Aujourd’hui, si j’avais suivi cette règle, je pense depuis des années, ça m’aurait évité bien des galères.
Mike
Tu peux l’appliquer dès maintenant.
Mais si.
Mazarine
Tu donnes crédits à chaque fois et aujourd’hui. Du coup, pour continuer sur le bégaiement au quotidien, comment est-ce que tu le gères, notamment au travail ? Je pense que c’est peut être ça peut être assez compliqué ou assez de challenge pour toi.
Le bégaiement au quotidien
Mike
Ça fait une dizaine d’années que je suis entrepreneur et mon bégaiement a également évolué depuis toute cette période-là. Au début, quand je me suis lancé, c’était super difficile parce que tu dois pouvoir aller devant. Tu dois pouvoir aller chercher des deals. Tu te vois pouvoir te mettre en avant. Et là, c’est une vraie remise en question de savoir si j’ai fait le bon choix.
Mike
Est-ce que j’ai choisi le bon métier ? Moi j’ai préféré, moi, j’ai préféré privilégier le langage écrit, c’était les emails et la prospection par mail, etc. donc je faisais très peu du phoning parce que parce que je n’avais pas encore cette confiance en moi. Malgré que j’étais déjà entrepreneur, je n’avais pas les épaules pour affronter le regard des gens ou la sensation de me sentir encore humiliée une fois de plus.
J’ai essayé de développer des techniques alternatives et rester dans une nouvelle zone de confort. Je me suis moi-même créée parce qu’on est. Quand j’ai décidé de faire ce métier-là, je suis sorti d’une zone de confort. Tiens, je suis arrivée, je veux faire un métier de challenge. Une fois que je suis dans la réalité, tu rattrapes de plein fouet, tu te dis.
Mazarine
De quelle façon.
Mike
La réalité rattrape de plein fouet, par la condition réelle de ce que tente de vivre, de te dire que tu n’as pas de deal, tu ne décroches pas de nouveaux marchés, tu n’arrives pas à prospecter les gens, ne viens pas vers toi, tu n’arrives pas à conclure, tu n’arrives pas à mieux te présenter, tu n’arrives pas à convaincre.
Tu n’arrives pas expliquer ce que tu vas faire pour les gens et toute cette somme de situations fait que ta boite est ralentie, qu’elle a du mal à avancer et pendant plusieurs années c’était comme ça que ma boite développée un petit petit à petit et par rapport aux ambitions que j’avais, par rapport au potentiel que j’avais j’étais, j’étais un peu triste.
Si j’ai vraiment été triste de dire Tiens, j’ai un peu honte de moi, j’ai la chance de faire un métier. Tout ce que je vends, c’est d’abord dans ma tête.
Services ?
Mazarine
Qu’est-ce que tu vends ?
Mike
Une stratégie ? Je vends de la comm, je vends de la réflexion, je vends des idées. En fait, c’est de la réflexion d’abord et de la réflexion. Tu dois pouvoir l’exprimer et pour l’exprimer, il te faut la parole. Et si tu la pas, c’est compliqué de se faire comprendre à quelqu’un. Mais qui va ? Mais qui va payer X montants.
Mazarine
Parce qu’elle est passive peut-être?
Mike
Oui, c’est ça, c’est un sinon par écrit. Mais sauf que pour mieux tout vendre à l’oral, c’était des présentations, etc. quoi donc que je me souviens c’était en 2012, 2013, j’ai fait à un salon d’entreprise, j’ai pris la parole, c’est horrible. Quand j’ai réécouté la vidéo, j’avais froid dans le dos. Je peux te dire j’ai froid dans le dos.
Je me suis dit comment je faire pour pour arriver à débloquer la situation ? Si la vraiment que je me suis lancée à fond dans le développement personnel, c’est là que je me suis lancée à fond dans le fait de me reprogrammer, de dire qu’il y avait quelque chose qui m’a changé littéralement ma vie. C’était à partir de ce petit point de détail.
Si j’arrive à parler face.
À ma classe.
.
Sans bégayer, alors je peux le reproduire. Le constat a été fait. À partir de là, je me suis dit jour et nuit tous les jours que si j’arrive à parler face de ma classe sans payer et je dois arriver à le reproduire, tu sais pourquoi j’ai réussi à le reproduire ? Non, parce que je savais que c’était possible, parce que je le faisais.
Mais en face, en face, le gars que je voyais dans la glace, c’était moi. Maintenant, il faut que je publie en face de moi. Ça va être une autre reprogrammation mentale en face de moi, c’était moi, un enfant en face de moi, ça va être quelqu’un d’autre. Je me suis dit tous les jours, tous les jours, que je peux arriver à le faire.
Aujourd’hui, j’ai vraiment la chance de faire un métier que j’aime et ça n’a vraiment pas été évident. Toute ma vie, j’ai réfléchi à faire un métier qui ne va pas m’exposer ou je ne serais pas obligé de prendre constamment à la parole. À la base, j’ai fait des études de comptabilité, finance des entreprises, je vais faire de l’alternance et je n’ai pas trouvé d’employeur tant mieux d’ailleurs, parce que sinon, je ne serais pas là ou je suis aujourd’hui.
Ça m’a permis de vraiment de réfléchir, de me dire est ce que c’est la comptabilité que j’ai vraiment envie de faire ? Et là, je me suis autorisée à rêver une nouvelle fois, je me suis dit mon rêve, c’est faire de la vidéo. Mon rêve, c’est de faire du cinéma. Et là, j’ai décidé que j’allais faire des études de cinéma.
..
Et puis, au fur à mesure des, je suis devenue communicant et être la personne que je suis aujourd’hui, c’est vraiment un choix de vie qui m’a permis de sortir de ma zone de confort. Je me dis que plus je vais avoir un métier ou je serai exposé à prendre la parole. Et à force de parler, à force de parler et je répète et à force de parler, bah tu peux que tu améliorer.
C’est vraiment à force de faire la même chose que tu finis par être bon. Et donc j’ai repris pas mal d’entrainement et plus je parle et plus je m’améliore. Et à chaque fois que je prenais la parole et je me disais toujours que tu dois faire mieux que la précédente fois, je n’ai pas eu une parole fluide du jour au lendemain.
Là, vous m’entendez parler ? Oui, mais c’est plus de dix ans, ce n’est pas dix ans. Je suis assise sur une chaise et non, c’est dix ans d’épreuve. C’est dix ans de douleur, dix ans de tristesse, dix ans de ressentis. Et disons aussi ou tu subis certaines humiliations. Tu dois malgré tout continuer d’avancer. C’est une étape après l’autre, une étape après l’autre.
Dans mon parcours, j’essaie de ne pas regarder tout l’escalier. Je me suis concentré sur une marche après l’autre, tout simplement.
Mazarine
C’est faire les choses de manière progressive.
.:
Mike
Et exactement faire les choses de manière progressive. Et au fur et à mesure, j’ai commencé à l’améliorer, mais c’est un travail quotidien, c’est un travail ou j’applique ma fameuse formule un peu plus et aujourd’hui c’est moyen, demain c’est moyen, après-demain c’est un peu moins moyen et vice versa, etc. tu continues. Je continue d’avancer. Il faut juste cette sensation qui est hyper importante de dire que je fais un pas de plus qui est il y a quelque chose qui m’a frappée il y a quelque temps, c’est que je discute avec mon frère et.
Et là, je bégaye. Et là, il était tellement étonné. Il me dit ça fait tellement longtemps que je ne t’ai pas entendu bégayer, c’est fou. Et c’est là que je me suis rendu compte que j’ai fait beaucoup de progrès. En fait.
Mazarine
Je constate les travaux qui ont été faits.
Mike
C’est ça ? C’est à travers le regard des autres que je me suis rendu compte que j’avais énormément progressé. C’est à travers le retour de mon entourage, de mes amis qui m’ont connu dans les différentes périodes qui m’ont fait remonter, que de dire waouh, le travail que tu accomplis. Mais moi, pendant ces dix ans-là, moi pendant cette dizaine d’années, je ne réfléchis même pas.
Est-ce que ça y est, j’atteins les niveaux ? Je ne me pose même pas la question. Je charbonne, je suis focus. Tiens, je suis au combat. En fait, je me bats, je me bats, je me bats et ils atteignent. Ouais, mais tu sais, en cas de contact, le bac, mais tu as gagné la bataille.
Les salles, ça, c’est vraiment. C’est que c’est à travers le regard des autres que je me suis rendu compte que j’ai réellement progressé. Et ça, ça m’a fait énormément plaisir. Et là, par exemple, quand j’ai Bégué avec mon frère, on avait une situation de famille assez difficile, etc.
J’avais beaucoup, beaucoup de choses en moi et forcément ça influence mon bégaiement.
Mais il y a une chose que je tiens à dire, c’est qu’aujourd’hui, là, avec mon frère, je me suis laissé aller. Je me suis autorisé à bégayer. Avec le niveau que j’ai aujourd’hui, j’aurais pu avoir ce contrôle sur mon bégaiement et là, ça devient mathématique. Chaque mot, chaque émotion, je dois tout gérer. Mais c’est une force, c’est une énergie qui me demande énormément de concentration et ça m’épuise.
Avec tout le travail que j’ai fait, je suis en mesure de contrôler mon bégaiement par rapport aux différentes techniques, le rythme de parole, etc., et par moments, j’ai juste envie d’être moi. Et si je bégaye, ce n’est pas bien grave et E+R=E. Et puis voilà.
Mazarine
Et puis cinq minutes de souffrance.
Mike
Vous savez maintenant un peu moins. Parce que vu le nombre de trucs que je vais encaisser dans la journée, et ça deux fois X, ça commence à faire beaucoup.
Mazarine
Il faut réduire chaque jour, on retient dix secondes chaque jour.
Mike
Tu sais, cette règle-là, je l’applique tellement dans ma vie qu’il y a très peu de choses, du coup, qui me ralentissent ou qui me font mal. Parce que je prends beaucoup, beaucoup de recul par rapport à la vie, il y a des choses beaucoup plus graves. Et quand tu dis qu’il y a beaucoup, il y a des choses, c’est beaucoup plus grave.
Mike
Je prends beaucoup de recul par rapport à ça et ça m’aide. Et j’essaie toujours de positiver, positiver et positiver. Et je vois toujours la vie du bon côté des choses. Il faut, il faut, ça m’aide au quotidien, ça m’aide à gérer mes émotions, ça m’aide à maîtriser aussi comment. Bégaiement. Le bégaiement, pour moi, n’est plus la fameuse chose qui fait mal aujourd’hui.
Le bégaiement fait partie de moi.
Mazarine
C’est plus un obstacle toujours gênant pour toi.
Obstacle éternel
Mike
Non, je ne peux pas dire que c’est plus un obstacle. Le bégaiement a toujours été un obstacle, ça le restera, mais ce n’est plus le même. Ça n’a plus la même ampleur. Parce que si le bégaiement n’était plus un obstacle pour moi, je n’aurais pas fait ce podcast.
Mazarine
J’imagine.
Mike
Le bégaiement était toujours un obstacle dans la mesure ou j’ai dû me battre. Le bégaiement est toujours un obstacle à la maison. J’ai dû développer des techniques, même si je peux avoir une parole fluide.
Mazarine
Il est beaucoup moins proéminent aujourd’hui.
Mike
Il est beaucoup moins présent grâce à tout ce que j’ai fait. Mais je m’autorise à payer comme mon corps le demande ou quand mon corps se laisse aller, ou parce que je reste humain. Et si je bégaye, ce n’est pas bien grave.
Mazarine
Et du coup, comme tu as pu nous le dire avec, ton travail, était souvent amené à prendre la parole en public. Est-ce que tu le ressens de la même manière lorsque c’est une personne ou lorsque c’est 40 personnes qui sont en face de toi ou non ?
Mike
La différence est énorme. La différence est de taille. Je pense que c’est une question. Même les non bègues ont la même problématique. Tu ne t’adresses pas de la même façon à une personne qu’à un hémicycle.
Mazarine
Bien sûr.
Films
Mike
Et qu’est-ce que j’ai fait il y a une dizaine d’années ? J’ai fait un film sur les violences faites aux femmes. S’il y a une cause qui me tient à cœur et j’avais fait un court métrage à l’époque qui s’appelle Justice parallèle et le 25 novembre 2011, on a fait une projection dans un cinéma que j’avais loué pour justement promotionner mon film.
J’ai dû parler devant 300 personnes. Je commençais déjà à faire ce travail-là, de parler de moi, etc., mais sauf que parlant de public, je ne savais pas que c’était un travail. Je ne savais pas que ça s’apprend par là, que parler en public. Et c’est tout un art. On est dans une culture franco-française ou à l’école, on n’apprend pas à parler en public, on apprend déjà à bien parler en public, c’est autre chose.
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Et là, je me suis vautré devant 300 personnes. Pas tant par rapport au bégaiement, mais par rapport à l’émotion, par rapport à tu sais quand tu réalises quelque chose, que tu as énormément de personnes qui applaudissent, etc., c’est que comment arriver à gérer ce que tu as à dire ? Comment te tenir sur scène ? C’est des techniques que je ne savais pas, que je n’avais pas, malgré que dans l’ensemble, ça est resté relativement satisfaisant.
Mais pour moi, je n’étais pas fier de moi. Je me suis dit j’aurais pu mieux m’exprimer. Tu sais, en tant que bègue, tu as tellement de choses à dire en toi que tu ne dis pas est forcément ce que j’ai dit. Ce que je dis, c’est à peine 10 % de ce que j’avais envie de dire. Si j’avais eu cette aisance-là, j’aurais pu dire plus de choses.
J’aurais pu le formuler autrement. J’aurais pu être plus agréable à écouter. C’est à partir de là que je me suis décidé que j’allais apprendre à parler en public. J’ai commencé à lire des livres sur l’art oratoire. J’ai commencé à regarder des vidéos. J’ai commencé à me passionner pour les discours et notamment les discours politiques. J’ai écouté beaucoup de radios pour écouter, comprendre, améliorer ma diction.
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Donc il y a un truc qui m’a assez drôle dans mon parcours, c’est qu’en 2012, j’ai eu la chance de faire l’élection présidentielle avec François Bayrou. Du coup, j’ai passé des mois avec lui et je l’ai analysé sa façon d’être parce qu’on m’avait dit que Bayrou est un bègue comme l’homme et moi et moi, quand je le voyais parler, j’oubliais lui aussi ce gars-là n’est pas bègue.
Un peu comme certaines personnes qui vont m’entendre aujourd’hui vont dire et Mike n’est pas bègue et moi. Son niveau, c’était inatteignable. Tu me dis c’est pas possible, mais comment il fait si j’étais bègue d’avoir cette parole fluide ? Et là, tous les jours, j’ai analysé. Mais quand étant en meeting, je regardais ça, ça fait s’exprimer, etc. Du coup, pour moi, au-delà de faire partie de l’équipe de campagne, j’étais vraiment en observation.
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Un bègue qui observait un ancien bègue comme moi, il faisait les techniques qui l’employait, etc. de mon son débit, son rythme de parole, sa.
Mazarine
Posture de.
Art oratoire
Mike
Posture surtout. Et ça, ça m’a et ça, ça m’a énormément aidé. Et j’ai aussi fait quelques masterclass sur Paris. C’est l’école d’art oratoire de Stéphane André qui est super. C’est une fois par mois ou tu montes sur scène et tu as tout un public qui te donne un avis sur la prestation que tu viens de faire et le prof te donne des conseils, des pistes d’amélioration.
C’est comment se tenir la verticalité, etc. comme on balaie du regard. Et je me suis vraiment passionné sur l’art oratoire. Et ça, ça m’a permis aujourd’hui, dans mon métier, quand je fais une présentation, d’être beaucoup plus à l’aise, de mieux m’exprimer, d’aller chercher les personnes, les décideurs qui vont prendre la décision. Tiens, on va travailler avec, incorporer une présentation.
Pour moi, quand je suis dans une présentation, je suis dans un autre état. Je donne tout. Je pense que le bégaiement, je pense, à combien de zéros ? Et après, tu vois, j’ai des actions. C’est quoi le bégaiement à côté ? Plus tard, tu ne vas pas m’embêter. Aujourd’hui, il faut que j’aille décrocher ce marché-là avec les dents. Et là, quand je pense avec tout ça, ça, si on gagne ça X ou Y, ça permet de payer ça, à faire tourner la boîte.
Tu es donc le bégaiement. Du coup, prends une place plus minime dans mon existence et moi. Ce qui m’importe, c’est qu’aujourd’hui, vu que j’aime prendre la parole, j’aime parler. Et moi, ce que j’aime, c’est la sensation que je vais ressentir quand je vais faire une belle présentation. Quand les gens, ils sont contents, le regard des gens. Et quand les gens applaudissent.
Parce que ce que tu as dit est beau et ça, ça me fait plaisir. C’est un peu une reconnaissance aussi de dire que tiens, ton travail est reconnu, il.
Mazarine
Il a payé et surtout.
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Mike
Il a payé. L’art oratoire fait partie de ma vie. Les techniques que j’ai développées me permettent de parler au quotidien, etc., et c’est un ensemble. C’est un ensemble de tout un travail collectif qui fait qu’aujourd’hui je peux arriver à m’exprimer. Mais il y a deux choses. J’ai commencé avec une parole fluide, avec le contrôle ou je contrôler mes mots.
Aujourd’hui, j’arrive à avoir une parole fluide avec mon subconscient. La technique finit par devenir naturelle. Le cerveau, ça s’éduque. Tu fais la même chose une fois, dix fois, 100 fois, 1000 fois, 1 million de fois. Ton cerveau. Finir par l’interpréter comme quelque chose de naturel.
Mazarine
C’est du fordisme. Il faut l’entraîner.
Continuité
Mike
Il faut l’entraîner. Je me suis entraîné le temps qu’il fasse 1 million de fois sur dix ans. Mais aujourd’hui, aujourd’hui, chez moi, je ne pose plus les questions. Dans la continuité de mon amélioration, de mon rythme. Avec mon orthophoniste Claire Hilaire, que je salue d’ailleurs, on avait travaillé ce qu’on appelle les mots facilitateurs. C’est des mots de remplissage si on veut.
C’est des mots qui n’apportent pas grand-chose dans ton intervention. C’était donc cette idée ? D’accord, c’était dehors. Faites. Mais ça, c’est quelque chose qui ne m’avait jamais traversé l’esprit parce que j’aime écouter, pas parler. On a travaillé ensemble l’auto écoute du coin, mais elle me disait enregistre toi, écoute-toi. C’était horrible, mais c’était horrible. C’est la pire des choses que j’ai dû faire dans ma vie.
C’est tellement de temps de parler déjà. Déjà, parler déjà. C’était difficile de parler. Et là, tu touches, tu vois, j’entends ta respiration, tu sais que la tu me bloquer, donc ça te fait revivre en même temps, la sensation, le fait de m’écouter bégayer, c’est comme si je bégayais encore. Ça me faisait une mauvaise idée, une.
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Mazarine
Prise de conscience un peu. Des que je pouvais avoir, je commence à formuler des phrases.
Mike
Là, non ? J’ai dû prendre du recul par rapport à ça et me focaliser sur des petites choses qui n’ont rien à voir avec le bégaiement. En fait, les d’accord, c’est des petits mots comme ça qui gênent un peu la communication. Un temps en temps, ça va. Mais quand on 1234, rien que le fait qu’Emma a pris l’auto Écoute, ça m’a fait un déclic de prise de conscience.
Ça veut dire que, à chaque fois que je veux parler, je m’auto écouter un peu pour justement améliorer mon allocution. Il ne suffit pas d’avoir une par le Alfred, ça, c’est un problème qui peut toucher aussi des personnes non bègues. Et moi, dans le but, ce n’était pas simplement de devenir une personne de fluide ou de parler normalement. Le but, c’était de parler d’un mur, façon possible, donc améliorer tout ce qui tourne autour de la communication.
Donc j’ai travaillé mon bégaiement, mais j’ai aussi travaillé ma communication. Et un jour, à l’agence, vous avez lancé un défi ? C’est de supprimer un peu mes mots facilitateurs. J’avais dit à chaque fois que je dis en fait ou donc je mettais 1 € à l’euro. Donc je peux dire que le cochon a vite grossi. Donc en fait, en fait, ça partait d’une.
Mazarine
Épargne.
Mike
Ici.
À ce rythme là.
Et ça m’a fait encore une deuxième prise de là. Le portefeuille, là, va falloir aller mollo avec les banquiers, en fait. Et ça m’a permis aussi de mieux m’éduquer comme ça. J’ai demandé à ma compagne si par moments, tu remarques que je bégaye beaucoup plus, j’ai besoin que tu me signales. Ça me permet d’avoir une vraie prise de conscience, de dire tiens, qu’est ce qui se passe ?
Pourquoi cette période ? Je bégaye beaucoup plus. C’est peut-être parce que je ne suis pas bien. J’essaie de trouver des éléments qui vont faire en sorte que je vais atténuer mon bégaiement. Donc c’est hyper important de bien se connaître, de bien connaître son bégaiement, de bien connaître. Qu’est-ce qui fait que je bégaie plus à telle période que telle période ?
Et aussi, du coup, ça te permet d’agir sur ce qui fait que ça influence. Ça, c’est des alertes qui sont très importantes et ça te permet justement de continuer d’avancer dans le terrain d’éducation, dans ta prise en main. Il n’y a vraiment rien au hasard. J’ai vraiment pris le temps d’analyser qui je suis, comment je bégaye, comment ça fonctionne.
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Qu’est-ce qui fait que ça marche ou ça ne marche pas ? Et non, tu essaies, tu essaies, tu améliores et ça s’améliore. Mais pour améliorer quelque chose, tu dois savoir tout. Tu pars. Qu’est-ce que tu as amélioré ? Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui je bégaye moins ? Là, je te donne un exemple. Je vais avoir une part plus fluide, mais je n’aurais pas la même parole fluide.
Si je suis triste, je n’aurais pas la même parole fluide, si je suis angoissé encore. Avant de faire ce podcast ce matin, j’ai dû faire de la méditation. Mon fils a passé sa nuit aux urgences. Pas forcément comment je me sens ? Je me sens angoissé, je me sens inquiet, etc. J’ai très peu dormi. Ça va influencer mon bégaiement. Avant de commencer l’enregistrement de ce podcast.
Je me suis détendue. Petite méditation. J’ai bu de l’eau. J’essaie de retrouver une sensation d’équilibre. Donc ça va au-delà du bégaiement.
C’est émotionnel ou.
Émotionnel, c’est lié. Du coup, je vais faire ce travail-là pour avoir cette parole fluide. Et c’est la même chose quand je vais faire un appel d’offres ou je dois faire une soutenance ou de la parler en public, ça me demande un degré de concentration, un bègue, pour moi, c’est un sportif de haut niveau. Moi, quand j’ai à prendre la parole, quand j’entrais dans un endroit, c’est le mindset.
Cette concentration, concentration, état d’esprit. Comment je faire pour aller arriver là ? Donc je me dis même pas, il ne faut pas que je bégaye, je dis ça. Bon, il faut que je sois excellent, il faut que je gagne. Et le fait de dire ne pas bégayer, même si je bégaye, ça ne va pas m’empêcher de gagner. Donc j’ai toujours essayé de passer au-delà du bégaiement.
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Mazarine
Mais en tant que personne, non bègue. Mais j’ai trouvé que c’était le changement très intéressant parce que ça m’a permis de voir en fait et de découvrir. Mais avant toute chose, de comprendre ce qui se dit, on va dire qui se cache derrière le bégaiement, que ce soit les combats, le travail qu’il y a à faire pour retrouver une parole fluide, ce n’est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain et ce n’est pas non plus un trouble qui est linéaire.
Mike
Tu comprends mieux pourquoi je ne le souhaite à personne.
C’est vraiment.
Mazarine
Vraiment, si c’est vraiment une découverte pour moi, parce que je n’ai jamais eu l’occasion d’interagir avec une personne bègue.
Mike
Et j’espère que cette découverte va être aussi intéressante pour les bègues, notamment d’avoir un retour d’expérience d’un des leurs. Et aussi aux personnes qui bégayent pour mieux comprendre les enjeux et ce qu’on ressent, ce qu’on peut ressentir au quotidien en tant que personnes. Et j’espère aussi que, au-delà du bégaiement, c’est aussi de la motivation. C’est aussi de donner envie de donner l’énergie aux gens, de continuer de croire.
La vie, c’est une succession d’épreuves. Tu vas les combattre une après l’autre, au fur et à mesure que tu vas finir par arriver. Est-ce qu’aujourd’hui, moi, je suis arrivé ? Non, je continue de me battre. Je ne dis pas que, tiens, ça y est, j’arrive à parler fluide et c’est bon, j’ai pas mal à faire. Je vais continuer toujours de m’améliorer.
Je vais continuer d’améliorer ma communication parce qu’au-delà d’avoir paru fluide, j’aime la communication. Je me suis passionné pour la communication. J’aime beaucoup l’écoute parce que pendant toute ma vie, j’ai très peu parlé. Donc j’ai envie que l’écoute. Donc j’ai énormément écouté. Aujourd’hui, c’est à mon tour de parler.
Mazarine
Nous nous a fait part de toutes les techniques et méthodes que tu as utilisées pour retrouver une parole fluide, aussi compliquée soit-elle.
Mike
Retrouvée. Je n’avais pas avant avant. Pouvait pour te trouver.
Effort fourni
Mazarine
Et est-ce qu’aujourd’hui parler c’est toujours aussi physique qu’avant pour toi ? Est-ce que ça demande toujours autant d’efforts ? Non.
Mike
Parler toujours physique. Beaucoup moins honnêtement. Beaucoup moins physique à une époque. Parce qu’avant, parler, c’était physique, physique, mais aussi mental. Mentalement. Aujourd’hui, parler pour moi, ça reste toujours physique et mental, mais dans une moindre mesure que je n’ai plus les mêmes difficultés, j’ai plus la même énergie. Avant, je parlais, je rentre à la maison, j’étais rasé et pendant une longue période de ma vie, même quand j’ai commencé à avoir une parole plutôt fluide ou j’étais dans l’autocontrôle, tout était automatisé, limite.
Mais ça me demandait énormément d’énergie, donc j’étais aussi rincé. Aujourd’hui, je le suis beaucoup moins parce que j’ai cette paix intérieure. J’ai ce tempo, je prends le temps de faire les choses. Je suis beaucoup moins fatigué de parler et que j’ai vu qu’aussi je prends plus, plus de plaisir à parler. Ça me fatigue moins. Tu sais, quand tu prends plaisir à faire quelque chose, ça te demande beaucoup moins d’efforts.
Ça suffit.
Mazarine
C’est -1 corvée, on va dire Ah.
Mike
Oui, c’est moins une corvée, c’est un plaisir. Quand tu, quand tu prends plaisir à faire quelque chose, c’est toujours beaucoup plus sympa et ça demande moins d’efforts. Moi là, c’est non. Aujourd’hui, pour moi, parler me demande beaucoup moins d’efforts. Ça demande toujours une préparation, ça me demande toujours cette concentration. Ça me demande toujours de maintenir plutôt mon équilibre de vie pour que mon bégaiement reste maîtrisé.
Mais après, en fonction des émotions que j’ai à traverser, ma parole peut être beaucoup plus écorchée par moments. Mais il n’y a aucun souci. Je m’autorise à bégayer. Le but pour moi, je ne rêve pas de plus belle. Ce n’est pas un rêve en soi. Je rêve simplement de dire ce que j’ai à dire de la meilleure façon possible.
Conseils
Mazarine
Et bien bravo ! Avant toute chose pour cette belle manière de voir la vie, c’est de très belles phrases. Et avant de conclure cet épisode est ce que tu aurais des conseils pour des bègues ou les non bègues ?
Mike
Pour les personnes qui bégayent, qu’est-ce que je peux vous dire ? Si vous êtes suivi par une orthophoniste, très bien. Moi, pendant très longtemps, je n’ai pas voulu reprendre l’orthophonie parce que je me disais que ça ne servait à rien, etc., mais honnêtement, ça m’a vraiment aidé. C’est vrai que les premières fois que j’ai fait de l’orthophonie dans mon adolescence, ça ne m’a pas apporté grand-chose.
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Je pense que si c’est en fonction de ce qu’on traverse, du niveau de détresse, du niveau d’intensité, de là, on est. On juge que ce n’est pas nécessaire, mais au fond de soi. Si vous arrivez à trouver le bon professionnel qui connaît bien le bégaiement, peut vraiment vous apporter des techniques. Mais après, c’est à vous de les appliquer, à vous de les mettre au quotidien.
Et aussi, je vous invite à faire un travail au-delà. Bégaiement c’est hyper important si tu veux traiter ton bégaiement, traite l’ensemble. Traite-toi d’abord très tôt, assure une vision beaucoup plus globale, une vision focalisée sur ton handicap. Vraiment ? Est-ce que tu héros aujourd’hui ? Qu’est-ce qui te manque ? Qu’est-ce qui fera que demain tu te sens mieux ?
Est-ce que demain, si on te retire ton bégaiement, tu vas te sentir ? Est-ce que c’est ça qui va faire que ta vie soit parfaite ? C’est une question qu’il faut se poser. Et le bégaiement ? Bien sûr que ça influe. Mais travaille l’ensemble et ça va forcément améliorer ton bégaiement. Et puis de continuer les différents efforts que tu fais déjà au quotidien.
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Qu’est-ce que je peux dire aux personnes non bègues ? C’est de s’intéresser à notre handicap, de s’intéresser davantage à ce que nous traversons pour mieux réagir, pour mieux appréhender certaines situations. Et pour finir, arrêtez de nous raccrocher au nez que ça va vraiment, vraiment mal se finir.
Mazarine
C’est l’expérience qui parle.
Mike
Et la rage aussi. Parce que quand tu te fais raccrocher au nez, j’ai arrêté de calculer nombre de fois, mais je peux dire que c’est un appel à la patate.
Mot de fin
Mazarine
Eh bien merci beaucoup Mike pour toutes ces raisons et ce retour d’expérience, pour tous ces conseils, pour ta sensibilité comme d’habitude. Et merci à vous, chers auditeurs de nous avoir écoutés aujourd’hui. Et on se retrouve vendredi prochain pour un nouvel épisode.