Le begaiement fond au soleil

Melissa Bronsart – Le Bégaiement fond au Soleil

Dans ce nouvel épisode de NOIR & BÈGUE 🎙, je reçois Melissa Bronsart, réalisatrice du documentaire Le bégaiement fond au soleil.

Melissa nous raconte son parcours de réalisatrice, retrace les différentes étapes de sa vie avec le bégaiement.

Elle nous raconte également les épreuves qu’elle a rencontrées durant son enfance en tant que personne bègue et grâce à sa persévérance elle a réussi à dompter son bégaiement.

Aujourd’hui, Melissa a réalisé un documentaire sorti en juin 2022 sur le Concours d’Éloquence du Bégaiement où elle a suivi plusieurs candidats durant toutes les étapes du concours jusqu’à la grande finale. Ce documentaire met en pleine lumière le bégaiement.

Le documentaire est disponible en replay sur France TV

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Retrouvez les notes de l’épisode sur noiretbegue.fr
🎧 Bonne écoute

Podcast disponible sur :

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Mike    

C’est seulement dans les ténèbres qu’une bougie peut faire l’expérience de sa propre lumière. Je suis Mike Muya, noir bègue et entrepreneur, fondateur de Snacking, agence de création de contenus. Dans noir et bègue, je vous raconte des histoires inspirantes de femmes et d’hommes qui, malgré les obstacles de la vie, parviennent à avancer.

Bonjour et bienvenue à tous sur ce nouvel épisode de Noir et Bègue. J’ai le plaisir et l’honneur d’accueillir aujourd’hui Mélissa Bronsart.

Mélissa           

Salut, bonjour !

Mike    

Salut, Mélissa, comment tu vas ?

Mélissa           

Ça va et toi ?

Mike    

En tout cas, merci d’avoir accepté mon invitation

Mélissa

Avec plaisir.

Mike 

Est-ce que tu peux te présenter qui tu es réellement.

Mélissa           

Réellement.

Réellement ?

Je m’appelle Mélissa Bronsart, j’ai 31 ans, j’habite à Paris, je suis née à Paris. Je suis réalisatrice de documentaires et je suis bègue. Je suis une personne qui bégaie. Je pense qu’on va revenir dessus. Qui a bégayé plus qu’elle bégaie aujourd’hui ? Mais ça fait partie de ma vie. Je. J’aime les documentaires, le cinéma, les poupées et plein d’autres choses.

Enfance bégaiement

Mike    

Est-ce que tu peux nous parler de ton enfance en tant que bègue ?

Mélissa           

Oui. Alors chez moi, le bégaiement, je ne m’en souviens pas. Mais selon ce que me dit ma mère, il est apparu vers l’âge de quatre cinq ans. Mais moi, j’en ai vraiment un souvenir. Le moment, je me suis rendu compte qu’il y avait entre guillemets un problème, en tout cas que c’était quelque chose dans ma vie qui a commencé à poser un problème.

C’était au CP avant ça. Du coup, à la maternelle, je ne l’avais pas. Je ne m’étais pas rendu compte ou alors on ne me l’avait pas renvoyée violemment du moins. Du coup, mon premier souvenir reste un souvenir d’enfance, même pas en CP, en CE1, je devais avoir six ou sept ans. Un souvenir de lecture, donc. 

Le grand classique quand on est bégueule, la lecture à voix haute en classe, on lit à chacun son tour et le tsunami se rapproche au fur et à mesure que, de rangée en rangée, ça va être notre tour.

Et c’est ce que je me rappelle comme si c’était hier. C’était un tout petit texte sur un escargot. C’était l’histoire d’un escargot rose. Je vois, quand je ferme les yeux, je vois encore la photo du truc que je me rappelle ou j’étais assise dans la classe. Qui était la maîtresse ? Je me rappelle tout.

Mike

Énorme.

Mélissa

Et parce qu’évidemment je pense que c’est un truc qui a un peu cristallisé, tu vois.

Et c’est quand c’est arrivé à mon tour, je le sentais, je le savais déjà que ça n’allait pas passer.  Avant même de commencer à parler, je me suis dit là, il va se passer un truc et c’est à mon tour de lire. Et impossible quoi ? 

Ou alors deux mots et je ne bégayais peut-être pas toutes les syllabes, mais presque ou tous les débuts de mots.

Je ne me souviens pas de ça, je ne me souviens pas.

Mike    

C’est un gros choc, j’imagine.

Mélissa           

Ouais, du coup, là, vraiment. Et en fait, ce qui m’a surtout choqué, c’était la réaction de la prof parce qu’en fait, c’est ça qui a été violent, c’est qu’il y avait une incompréhension totale. 

Je pense qu’elle n’était pas du tout au courant de ce que c’était quoi ? Et du coup, elle m’a dit, elle m’engueulait devant tout le monde. Elle m’a dit Mélissa, arrête ton cirque.

C’était ça la phrase « Arrête ton cirque » genre tu fais exprès, tu te fais, tu fais intéressante. Allez, maintenant, c’est bon, tu lis. 

Mais moi, j’avais beau essayer de bien faire parce que j’étais très juste, un peu élève, tête d’ampoule, très bonne élève, je voulais toujours bien faire et être la première de la classe. Mais pour certains trucs à l’oral, pour moi c’était l’enfer.

Quoi donc ? Ouais, c’est mon premier souvenir d’enfance. Tu vois vraiment ou je me suis dit là, je sens que dans certaines circonstances, ça va poser un problème.

Mike    

Est-ce que tu diras aujourd’hui que c’est une expérience traumatisante ?

Mélissa           

Ouais, franchement, oui. J’y dirais que moi j’y pense. Je n’ai pas pensé non plus tous les matins, mais avec le recul, je me dis dans mon petit cerveau d’enfant, mon cœur d’enfant de petite fille de sept ans, c’était violent. 

Je trouve que c’était un peu traumatisant parce que je me suis sentie humiliée. Je me suis sentie, je ne me suis pas sentie comprise.

On avait un an, on a essayé de me faire comprendre que je le faisais exprès, alors que j’étais complètement impuissante en fait, par rapport à ce qui se passait. Donc oui, non, ce n’est pas un bon départ, c’était une bonne base.

Mike    

Tu as essayé d’en parler à tes parents, par exemple.

Mélissa           

Ouais, mes parents étaient au courant. En fait de moi, mon père est bègue. Du coup, c’était le bégaiement. Dans la famille, ce n’était pas du tout un truc inconnu, d’accord. Et du coup, j’ai parlé de cet épisode-là. En rentrant, j’en ai parlé à mes parents.

Mike    

Ils l’ont vu comment eux ?

Melissa           

Et en fait, je sais, je sais. Ils sont venus après à l’école, parler avec la maîtresse. En fait, ils ont, ils sont allés voir le proviseur et du coup, je ne me souviens pas des détails. Mais je sais qu’il y a une intervention en mode, mes parents, le proviseur, la maîtresse et mes parents ont dit voilà en fait Mélissa, quand elle parle comme ça, c’est parce qu’elle bégaie ta tata.

Il y a eu un petit, il y a des choses en peu été mises au clair et voilà.

Mike    

Après cela, ça s’est amélioré ou pas.

Mélissa           

Après ça, je n’ai pas de souvenir. Je pense que je n’ai pas d’autres souvenirs de truc traumatisant comme ça. Donc je pense que la maîtresse m’a un peu laissé tranquille. Peut-être pas à la lecture, je ne me souviens pas trop et, mais globalement, à part cet exemple-là, je suis quand même tombé sur des professeurs assez bienveillants malgré tout.

Des fois, même s’ils ne connaissaient rien, le fait de leur dire, ils essayaient, il n’avait pas trop les solutions, mais ils essayaient de faire quelque chose de moins bon. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’est une bonne solution de moins interroger un élève. J’avais un prof de français quand je. 

Cinquième lecture à haute voix Les Fourberies de Scapin, je me rappelle exactement, pareil c’est mon tour de lire, il n’y a rien qui sort. Du coup, le profil est un peu en mode ‘déstabilisé’, il me dit OK, OK, élève suivant, il m’arrête de lire et me dit : Tu viens voir à la fin du cours et du coup je vais le voir. 

Et je lui explique que comme je ne levais jamais la main. Il n’avait pas deviné que je bégaie parce que moi, moi, je parlais mieux, je me portais quoi ? Du coup, je lui ai dit et il ne savait pas trop quoi faire. 

Il m’a dit « Est-ce que ça te va si je ne t’interroge plus jusqu’à la fin de l’année? », alors pour moi, c’était génial, j’étais hyper contente, il n’y a pas de problème. Ça ne m’empêchait pas de bavarder avec mes copines, mais je me faisais plus interroger.

Avec le recul, je ne sais pas si c’est une bonne solution, mais en tout cas c’était bienveillant de sa part. Pour ne pas me brusquer à l’oral, quoi ? Donc je dis qu’il reste un peu.

Mike    

Et comment ça s’est passé par la suite à l’adolescence ?

Au collège et au lycée ?

Melissa   

Le collège, tu veux dire plus dans la scolarité ou en général?

Mike    

Dans la scolarité et puis en général aussi ?

 

Adolescence

Mélissa           

Moi j’avais très honte de mon bégaiement. Je le dis, je l’ai vraiment mal vécu. Je dirais que ça a commencé à aller mieux en fin de, en fin de lycée et encore à la fac, il y a eu un peu un retournement de situation. 

Je pensais que j’en étais un peu débarrassé entre guillemets et il est revenu en force quand je suis arrivé en licence.

Donc ça, je l’ai mal vécu. Mais avant ça, je dirais les années les plus compliquées. C’est quand même le collège, c’est quand même. Même quand on n’est pas bègue, c’est franchement une période noire, c’est chaud.

Mike    

Les souvenirs.

Melissa           

Ça ne m’étonne pas du tout parce que franchement, c’est là ou ça, les gens ne pardonnent pas quoi ici ? Et puis on essaie de savoir qui on, mais on se cherche, on veut rentrer dans le moule ou au contraire sortir du moule, mais pour les bonnes raisons, pas pour les mauvaises raisons. Et du coup, moi j’avais très honte de mon bégaiement.

J’avais un bégaiement. Je ne dirais pas qu’il était sévère, mais il était là et il était bien là. Mais c’était un genre de bégaiement qu’on peut masquer, donc moi je me masque beaucoup de bégaiement. 

Franchement, je réduisais mes interventions orales au minimum syndical et quand j’arrive, j’arrivais à détourner mes phrases, à trouver des synonymes pour pas qu’on entende des blocages et tout des fois on les entendait.

Mais j’arrivais quand même avec des personnes proches quand j’étais en mode avec une ou deux personnes. Ça, ça, c’était quand on était en groupe ou là, je me faisais le plus discrète possible. 

Je n’avais jamais la main en cours alors que j’avais tout le temps la bonne réponse. Sans ça, le grand classique propose une question personnelle devant toi, tu as la réponse, mais tu ne dis rien, tu préfères faire Genre tu ne sais pas. j’ai entendu que toi aussi c’était ton cas.

Mike    

C’est exactement ce que je disais, moi je me faisais passer pour un con.

Mélissa           

Tu préfères ça, c’est moins. C’est moins douloureux que de bégayer devant tout le monde. Le choix est vite fait.

Mike    

Et comment tu te sentais à l’époque ?

Melissa           

À la fois ? Je vais, j’ai eu une chance. C’est que je n’ai jamais subi de harcèlement par rapport à mon bégaiement, j’ai déjà subi des moqueries, etc., mais si on est très loin, ce n’est pas du tout des moqueries vraiment insistantes ou du harcèlement ou un isolement. 

J’ai toujours eu des copines, je n’ai jamais été rejeté par les autres élèves à cause de mon bégaiement ou autre, donc j’ai toujours été entourée.

Donc ça, c’est une grande chance, franchement. Et, malgré ça, je me sentais quand même seul, je me sentais très isolée. J’avais l’impression de ne pas réussir à être moi-même vraiment. 

Des fois, j’ai un peu l’image ou tu vois, je ne sais pas. Je passais une journée au collège et c’est un peu comme s’il y avait deux timelines parallèles.

Il y avait celle que je vivais ou j’étais un peu figurante dans ma vie. Quoi, il y avait. Il y avait la journée que j’aurais vraiment pu vivre si j’avais dit tout ce que je voulais dire au moment où je voulais le dire. 

La répartie, la blague. Raconter l’histoire de Machin allait parler à untel ou une tel, prendre la parole en classe et tout ça, je ne le faisais pas.

Donc j’avais un peu l’impression d’être dans une espèce de bulle ou je ne savais pas comment faire quoi j’étais là. Je sens que je n’arrive pas à être moi-même, je n’arrive pas à m’exprimer. Je vis ma vie, j’avance, mais je passe à côté de deux. Ce n’est pas vraiment moi que les gens voient. C’était. C’est ça la pression majoritaire que je garde.

Mike    

Est-ce qu’à l’époque tu aurais pensé que tu allais arriver là ou tu es aujourd’hui?

Mélissa           

Je ne me projetais même pas ? Je me disais, est ce que ça va être toujours comme ça ? Oui, peut être non. Mais franchement, je me disais rien. Je me disais. Je me disais ni je vais tout faire pour que ça change, ni ça ne changera jamais. 

Je suis foutu. J’étais un peu au jour le jour, je pense, et je me disais que je me disais bon, il y avait des jours, ça allait un peu mieux.

Des jours où c’était vraiment là, il n’y avait rien qui sortait, alors je ne parlais pas et puis voilà. Mais en fait, ça a commencé pas mal à changer quand j’ai rencontré mon orthophoniste spécialisé dans le bégaiement. Du coup, Véronique Bakambu, c’était son nom. Et en fait parce que j’avais mes parents du fait que mes parents connaissent le bégaiement.

Ils m’avaient mis chez l’orthophoniste dès le CP à six ans. Mais ce n’est pas une orthophoniste spécialisée, c’est l’orthophoniste la plus proche dans mon quartier. Et du coup, j’allais la voir. Mais on n’avançait pas parce qu’elle n’était pas formée à ça et on faisait des exercices, des trucs de lecture. 

Mais ça servait, ça n’avançait pas. Et après j’ai vu un phoniatre, après j’ai vu un psy et puis j’étais à gauche, à droite, mais il n’y  avait rien qui marchait et arrivée en cinquième, je crois, j’ai rencontré mon orthophoniste, entre guillemets.

Avec qui ça a marché ? Quoi ? C’était le match toutes les deux, on s’est trouvé et là, j’ai commencé à avancer un peu et je l’ai vu. Du coup, toutes les semaines mercredi. Alors de la cinquième à la troisième je crois, je pense qu’on a arrêté. 

Quand je suis passée au lycée, je faisais avec elle des séances individuelles et aussi des séances de groupe, des groupes de parole avec d’autres adolescents.

C’était par tranches d’âge ou de mon âge et ça, ça m’a beaucoup aidé. Je ne voulais pas y aller. Quand elle m’a dit que maintenant, Mélissa, tu vas venir au groupe, je me suis dit, mais elle m’a trahi. On avait instauré un lien de  confiance déjà, elle m’a dit, tu vas venir parler. Je me suis dit, mais déjà je ne les connais pas déjà.

Je n’ai pas envie de parler. En plus, on va tous bégayer. On ne va pas réussir à parler. Genre on va se dire quoi ?

Mike    

Et comment ça s’est passé alors ?

Mélissa           

Et en fait, au début, j’étais hyper réservée, je participais, mais minimum syndical et en fait, c’était plus que nécessaire. Elle a bien fait de me forcer parce que ça m’a fait me rendre compte que je n’étais pas toute seule. 

Et vraiment, ça a l’air tellement bête de le dire comme ça. Mais l’effet que ça a, de rencontrer d’autres gens concernés par la même chose que soi, c’est tout simplement le principe du groupe de pairs de se retrouver entre pairs.

C’est hyper bête, mais je ne dirais pas que c’est magique, mais l’effet est très bénéfique. Ça m’a un peu ouverte aux autres. Et de dire que bon, je ne suis pas toute seule et on va y arriver.

Mike    

Mais bravo pour tout, pour la détermination surtout.

Mélissa           

Ouais c’est vrai que je ne sais pas pour toi, mais ce jeu je ne sais pas à quel âge tu as commencé si tu as vu ou pas des ortho et dans l’enfance adolescence.

Mike    

Mais moi je n’ai pas eu la chance d’avoir vu les ortho , vu que ça n’existait pas quand je suis née à Kinshasa et j’ai vu les ortho quand j’étais au collège.

Mélissa 

OK

Mike  

Donc je pense que le mal était déjà fait.

Mélissa           

C’est plus dur à prendre plus tard.

Mike

C’est ça ? Et moi, ce qui s’est passé, c’est que je n’ai pas accroché du tout avec ma première orthophoniste, mais vraiment pas ça.

Mélissa           

C’est trop important. Quand ça n’accroche pas, ça ne donne pas envie.

Mike    

Nous n’avons vraiment pas accroché. Du coup, j’avais arrêté parce que je ne voyais pas de progrès. Je pense que c’est déjà dans une période noire, mais elle est tellement profonde que je ne voyais pas. Je n’avais pas les résultats et après j’ai repris l’orthophoniste à la vingtaine et pareil  une deuxième orthophonie. Je n’ai pas accroché non plus. C’est une question de feeling et j’ai repris à la fin de la vingtaine.

Et là, j’ai trouvé l’orthophoniste avec qui cela a matché et du coup, je suis resté cinq, six ans, donc cinq, six ans. Et là, j’ai fait des progrès et je pense surtout en tant que bègue, il faut accepter de se faire aider et les premières fois, je pense que je n’étais pas prêt.

Mélissa           

Je pense qu’il faut que ça arrive au bon moment. Quand tu n’es pas prête pour rencontrer la meilleure orthophoniste, si tu n’es pas disposée à faire ce travail, c’est que ça n’a pas marché. Et je me disais aussi à l’adolescence, au collège, c’est un peu l’âge ou tu as envie de tout faire, sauf d’aller toutes les semaines à ton rendez-vous cher l’orthophoniste.

Tu as envie de sortir, ou alors jouer au jeu vidéo, ou alors de faire ce que tu fais dans ta vie. Mais, ça demande quand même tu vas y aller toutes les semaines, il y a des exercices de faire des exercices et tout. Je pense que c’est plus facile à l’âge adulte de te dire que je le fais, pour moi, c’est important.

Alors quand tu es ado, on n’est pas débile non plus, on comprend, mais je pense que j’avais compris que j’étais quand même fatiguée de tout ça. 

Je me disais, il faut le faire et que dès que tu commences à voir un peu des améliorations, c’est encourageant aussi. Donc tu dis ça, je ne le fais pas pour rien.

Mike    

Quand j’étais ado, j’aurais tout donné pour ne plus être bègue. Donc c’est vrai, tu m’aurais dit j’aurais signé tout de suite. Et de fait, comme dit tiens, je vais voir l’orthophonie, j’allais voir l’orthophoniste, donc ça va m’aider. 

Forcément, j’avais mis trop d’espoirs là dedans, j’avais un bagage émotionnel qui était trop important, mais je voyais que je bégayais  toujours autant et toujours autant de blocages.

Et merde quoi. Et là je n’avance pas. Et puis tu perds  très vite espoir, quand on t’a vendu un peu de rêve et que tu arrives tu dis, mais en fait, finalement je ne sais pas si j’aurais avec ça, c’est toujours au même coin. Du coup, c’est là que j’avais arrêté mes séances. Est-ce qu’à l’époque tu disais que tu avais un handicap ou pas ?

Mélissa           

Le terme vraiment « handicap »?

Mike    

Oui, le terme handicap. En tout cas, moi, pour ma part, c’est venu vraiment à l’âge adulte de me dire si ce que j’ai vécu, c’est un handicap invisible, mais c’est un handicap. Est-ce que toi, tu as eu le même ressenti ou pas aujourd’hui, à l’âge adulte ou voire avant ?

Mélissa           

Maintenant, je le dis sans problème. Moi, le terme handicap, je pense que c’est un handicap invisible. Mais c’est handicapant dans la vie, c’est handicap. C’est reconnu par MDPH comme un handicap si on veut rentrer dans les termes. Voilà.

Mike    

C’est récent d’ailleurs.

Mélissa           

Mais c’est assez récent.

Mike    

Là, une vingtaine d’années?

Mélissa  

Ce n’était pas le cas.

C’est vrai, mais je ne sais pas si à l’époque je me disais ce mot-là, mais en tout cas je ne me disais pas que je ne suis pas handicapée. Je me disais bah oui, je me rends à l’évidence. Donc j’ai un handicap. Et ce mot, il ne me fait pas, il ne me fait pas peur.

Je sais que dans le milieu, un peu des personnes qui bégaient, dans les groupes ce que je peux lire, etc. Il y a un peu des fois deux écoles : c’est un handicap ou alors non, je ne suis pas une personne en situation de handicap. Il y en a qui  pour eux c’est clair et net que c’est non et pour d’autres c’est oui.

Parce que ce mot, ça dépend comment on le charge symboliquement. Et moi, j’ai envie de dire être en situation de handicap. Ça arrive à des gens très bien, on ne choisit pas. Donc moi, je n’ai pas de problème à utiliser ce mot aujourd’hui.

Mike    

Pour être tout à fait honnête, j’ai eu les deux phases au même moment, même avec mon orthophoniste, etc. J’avais toujours refusé une longue partie de ma vie de dire que j’ai un handicap. 

Honnêtement, c’est récemment, il y a quelques années, je me disais tout ce que j’ai traversé. Je ne sais même pas comment j’ai fait pour arriver là. C’était vraiment handicapant.

Mais c’est qu’aujourd’hui que j’accepte, que j’ai eu un handicap. Mais il y a dix ans, tu me dis que je suis une personne en situation de handicap et c’est pour moi. Je pense que je n’avais pas encore accepté ce qui m’arrivait et j’ai toujours pensé et j’ai toujours pensé que ça allait passer, Etc. 

Je n’ai pas eu et je n’ai pas eu vraiment saisi tout l’impact que ça avait eu sur ma vie, sur les choix, sur tout ce que j’ai traversé pour moi.

Je pensais que c’était normal, non ? En fait, non, ce n’est pas normal, ça s’appelle un handicap qui est invisible. Et aussi je pense que ce qui a fait que je n’accepte pas, c’était le conditionnement, un peu la société qui te fait croire que le mot handicap est forcément une personne en fauteuil roulant. Moi j’étais focalisé là dessus.

Melissa           

Si je ne suis pas comme ça, c’est que je n’ai pas d’handicap.

Mike    

Et aussi ce que la société te renvoie, c’est qu’on ne prend pas en compte les handicaps invisibles. C’est ça aussi. Et du coup, c’est difficile pour moi de me considérer comme une personne en situation de handicap. Si la société ne me le renvoie pas aussi. Donc, je pense que c’est tout ça qui a fait que je ne me sentais pas en situation de handicap.

Mais aujourd’hui, je le dis et même si j’arrive à avoir une parole fluide, aujourd’hui, je suis toujours bègue et je le serai. Et pour moi, c’est une situation de handicap et d’où cette sensibilisation aussi justement pour faire bouger un peu les lignes.

Melissa           

Est-ce que c’est vrai aussi peut-être d’en parler ? Je me dis peut-être que ce qui n’aide pas, c’est que je sais que moi je me suis souvent retrouvée face à des gens qui minimisaient le truc ou quand tu leur parles un peu de ton bégaiement, ou tu commences à sentir un peu à l’aise pour dire oui, voilà.

Du coup, j’ai un bégaiement et tout. Et moi, ça m’arrive plein de fois que des gens me disent déjà qu’ils me disent non. Alors merci de savoir mieux que moi. Est-ce que merci de votre expertise ? 

Voilà. Non, non, mais toi tu n’es pas bègue maintenant, mais moi aussi je bégaie. Et toi, ça ça va encore à savoir. Ou alors le truc qui m’énerve le plus, c’est alors.

Mais moi aussi ça m’arrive de bégayer.

Ah, mais ça, ça me bouffe parce que je ne dis pas c’est ça le pire, c’est qu’ils ne le disent pas méchamment, mais ou aussi des fois, je bloque et j’ai envie de dire si tu étais bègue, tu crois, moi tu le saurais. C’est pas juste, tu bégaies quand tu as un moment, comme quand tu peux…

Les gens minimisent des fois. Tu dis moi peut être que c’est pas si grave.

Mike    

Et tu n’as pas eu le fameux respire.

Melissa           

Oui, j’adore celui-là, donc doucement   moins vite, et respire.

Mike    

Et des fois, je disais putain, je respire, mais ça ne sortait pas et alors ? Mais après ça, je pense que les gens, au fond, c’est juste une méconnaissance. Et je dirais pas que les gens ils sont mauvais ou quoi. 

Je pense que c’est juste une méconnaissance qui fait que les gens réagissent comme ça. Après, je pense que plus on va faire de la sensibilisation, plus on va leur apporter matière à réfléchir.

Et je pense que ce genre de comportement n’aurait plus lieu d’y être.

Melissa           

C’est que ce que je pense qu’ils veulent aider, qu’ils ne savent pas trop. Voilà, c’est un peu des trucs bateaux qu’on sort enfin. 

C’est la solution évidente, respire parle moins vite, machin, mais c’est effectivement ce qu’ils n’ont pas les outils pour avoir les infos pour tout, c’est pour cerner le truc en espérant que ça ira vers le mieux.

Mike    

Et est-ce qu’aujourd’hui moi, c’est une question que je me suis encore posée à quelque temps ? Est-ce que tu te considères toujours comme une personne bègue ?

Melissa           

Oui. Alors, c’est un peu comme l’histoire du mot handicap. Moi, je trouve ça un peu l’expression deux écoles. 

Il y a les gens qui disent, je suis ancien bègue ou ancienne bègue et des gens qui disent qui disent toujours je suis bègue. Moi je dis que toi je ne sais pas ou tu m’as dit que toi, tu te considères toujours comme bègue. Mais tout simplement comme le titre l’indique, moi je me considère comme bègue parce que même si on va dire que maintenant je suis fluide 90% du temps, il y a encore des moments que je bégaie, devant  ce micro ? 

Non, mais ça arrive, ça m’arrive encore dans la vie, ça me pose moins de problèmes qu’avant, mais j’ai encore des blocages des fois que je n’arrive pas à désamorcer, des fois ça bloque, ça bloque.

Et surtout, déjà, je ne sais pas si c’est possible de se dire que je suis, j’ai l’assurance que je ne bégaie plus jamais. Je pense qu’on n’est jamais à l’abri, l’abri, ce n’est pas la bonne expression, mais le bégaiement, il peut se voir, il peut toujours être là, c’est frustrant. Moi, je trouve que son caractère fluctuant, c’est hyper frustrant.

On ne comprend pas pourquoi là, ça va, deux secondes plus tard, ça passe plus. Aujourd’hui, ça allait bien. Là, j’ai décroché le téléphone, c’était la catastrophe. Moi, je me considère toujours comme bègue parce que le bégaiement, il a aussi façonné ma personnalité, quoi. Et même si maintenant ma parole, elle est fluide, on va dire que j’ai que mon iceberg.

Le haut de l’iceberg. Il a bien fondu et le bas de l’iceberg aussi. Mais pas tout à fait. J’ai encore plein de réflexes, on va dire dans ma vie, dans mes réflexions, dans la psychologie plein de réflexes qui ont été forgés par mon bégaiement que j’avais avant, donc que par exemple, avoir du mal à s’affirmer, avoir du mal à prendre la parole, même si je ne vais pas bégayer, prendre la parole devant tout le monde, c’est des réflexes pour arriver à dire non.

Arriver ce genre de choses, la confiance en soi aussi. Enfin l’iceberg, ce n’est pas mon but de le faire disparaître à 100%. Ça fait partie de moi maintenant, maintenant ça m’arrive encore quand je bloque devant des gens que je ne connais pas et que je vois un peu qui a le sourcil, qui se qui se met en circonflexe en face, je leur dis.

Mike    

ils essaient de comprendre.

Melissa           

Oui comprendre, ils essaient de décrypter. Voilà, ça fait 20 minutes, elle parle très bien et là elle nous fait un blocage ou il y a un grand blanc ou quoi ? Du coup, maintenant, je m’explique, il n’y a pas de malaise ou même ça m’arrive des fois. Moi, ce qui me pose encore pas mal problème aujourd’hui, c’est le téléphone.

Ça, c’est toujours. Je ne vais pas mentir. Si je peux éviter de passer un coup de fil et passer par mail, je passe par mail. S’il y a des jours, je me dis allez, je passe tous les coups de fil qu’il faut et des jours où je suis un peu plus faible entre guillemets ou un peu moins courageuse.

Ou j’ai une fatigue, une flemme, j’essaie de faire autrement.

Donc ouais.

Mike    

Est-ce que tu penses toujours constamment au bégaiement ou pas ?

Melissa           

Constamment, non. C’est vrai qu’avant, je me rappelle quand j’avais mon orthophoniste. Quand je la voyais, je devais avoir quatorze ou quinze ans. Elle m’avait dit de faire la liste. Un peu de mes problèmes dans la vie. Qu’est-ce qui me m’inquiétait le plus dans la vie ? Et sans aucun doute, le bégaiement était en number one.

C’était je ne sais pas, je me souviens plus, mais c’était le bégaiement. Après le.

Bégaiement.

C’était genre un bégaiement, deux, je ne sais pas, mes problèmes avec mes parents. Trois, les cours, un problème d’ado parce que j’avais encore la chance, je n’avais pas d’autres problèmes majeurs. 

Et aujourd’hui, si je devais refaire cette liste, ce n’est plus du tout le cas. Donc j’y pense quand même souvent et depuis que je travaille dessus, là évidemment, j’y pense tous les jours, mais je l’ai mis à distance.

J’y pense pour autre chose, pour essayer de comprendre. J’écoute beaucoup de récits de personnes qui bégaient. C’est de voir comment elles vivent les choses, mais je ne le pense plus. Voilà, au premier degré, vraiment comme mon bégaiement. Maintenant qu’il est à distance, il est beaucoup moins présent dans mon quotidien.

Mike    

Et qu’est-ce que ça te fait aujourd’hui d’avoir cette parole dite fluide à 90 % alors que d’autres n’ont pas cette même chance que toi ?

Mélissa          

Oui, franchement, je trouve ça. Des fois, je trouve ça injuste. Je ne vais pas mentir, je trouve. Je me dis après bon, j’ai fait, j’ai déjà décidé pardon. Je réfléchis en même temps que je parle. Mais les gens me demandent, mais comment ? Comment tu as fait  ? Et en fait, il n’y a pas de méthode miracle, si on le savait.

Je pense que c’est une combinaison de plein de choses qui a fait que moi aujourd’hui, ma parole, elle est comme ça. Déjà, j’ai la chance d’avoir pu être suivi en orthophonie longtemps et tout, même si au début ça ne marche pas forcément. Mais bon voilà. J’ai un entourage qui est présent, qui me soutient. J’ai pu prendre part à des groupes de parole.

Ça m’a beaucoup aidé. Et après, je me suis mis les coups de pied au cul classique dans ma vie perso professionnelle, de faire des trucs qui me faisait peur, d’essayer d’aller vers les autres, d’être parce que j’étais vraiment quelqu’un, une enfant et une ado très timide et réservée. Enfant limite ma mère  m’a appelé, genre belle sauvage. Quand quelqu’un venait à la maison, j’aime me cacher.

C’était j’avais peur de l’inconnu, je n’allais pas vers les gens et du coup, c’est tout un. Une combinaison de trucs qui ont fait qu’aujourd’hui, ça va mieux quoi. Et, mais il y a des gens pour qui ça ira encore plus vite. Il y a des gens pour qui ça sera beaucoup plus long, pour qui le bégaiement va rester. Mais ils vont trouver un niveau de fluidité qui leur convient parce que le but ce n’est pas de le faire disparaître à 100 %.

Donc c’est chacun qui met en même temps. Des fois quand je me disais alors si tu pensais un jour que tu serais là comme ça ? Pas du tout et du fou. Des fois, j’y pense. Je me dis quand même c’est fou, je ne l’aurais pas cru.

Mike    

Moi, si un jour on avait dit il y a une vingtaine d’années tiens Mike, dans 20 ans, tu vas faire un podcast, je te dis , mais tu es un malade. Qu’est-ce que tu as fumé pour pouvoir dire ça ? Mais même si je reprends même récemment, il y a cinq ans déjà que j’avais cette parole fluide, etc., et moi, ce qui me passe, si même pas ce qui me dérange, c’est qu’auprès d’autres bègues, j’ai eu l’impression de combattre et gagner un peu une légitimité de dire tiens, je suis bègue.

Mais quand je suis venu à ton avant-première, par exemple, il y a un bègue qui m’a dit tu bégaies pas.

Melissa           

Là et.

Mike    

Du coup, tu dis que je suis bègue sans bégayer et je ne sais pas ce qu’il a. Donc moi, moi, j’aurais tout donné. J’ai dit écoute, je partage tout ce que moi j’ai mis en place. Il n’y a pas de recette miracle, mais ça se trouve. Il y a des pistes qui peuvent aider à améliorer. Moi, comme je le dis souvent, j’ai abandonné de chercher à supprimer mon bégaiement.

Du coup, ce que j’ai fait, j’ai voulu changer, ma personnalité, qui je suis et forcément le fait d’avoir changé le Mike que j’étais. Ça a influencé mon bégaiement et une grande partie de ma vie. 

Quand j’ai repris l’orthophonie, quand j’ai repris l’orthophonie, je bégaie encore. Et moi, l’orthophonie m’a aidée parce que j’avais cette démarche où j’étais volontaire pour apprendre des choses.

J’ai fait laboratoire, etc. J’essaie de combiner un peu tout ce que je pourrais prendre pour l’améliorer. Hier, j’étais dans la technique technique. Si je dis je ne bégaie pas, je ne vais pas bégayer. Mais par contre ça me demandait des efforts de fou et de malade parce que chaque mot est calculé, etc., et c’était moins naturel. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus dans le subconscient.

J’accepte de bégayer. Par exemple, quand la semaine dernière, je devais faire une déclaration au niveau de l’état déjà c’est le truc qui me stresse la paperasse, je n’aime pas ça. Et là, je reçois un coup de fil et je suis stressé. Donc j’avais la pression, etc et donc les journées étaient assez chargés et j’ai vraiment eu de gros blocages.

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Et quand j’ai raccroché et j’ai ma femme qui me dit tien, Mike, tu as beaucoup bégayé et en fait moi, c’est ce que j’ai mis en place et ce sont des alertes. Je dis toujours à ma femme ou à mon entourage proche, même à mes collègues. Si vous remarquez une période que je bégaie beaucoup. Dites-le-moi et moi, ça me permet, avec tout le travail que j’ai fait, de dire OK, qu’est-ce qui ne va pas ?

Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui je bégaie plus, et exactement je dois maîtriser mon bégaiement ? En fait, je dois me connaître par cœur. Je sais quand est ce que je bégaie, quand qu’est ce que je ne bégaie pas ? Etc. Et après ? Le plus dur pour moi, ça a toujours été le fameux téléphone, un peu comme toi et le travail que j’ai fait.

Je me suis dit tiens bon, le téléphone, il sera toujours là, je ne vais pas changer, je serai toujours bègue. Maintenant, je vais changer ma perception du téléphone et je me suis rendu compte que je ne bégaie pas de la même façon en fonction de qui j’appelais.

Melissa           

Et si c’est toi qui appelle ou si on t’appelle  exactement ?

Mike    

Et moi, en tant que bègue, pas la surprise de Nana, je ne décroche pas, je rappelle après. Et en fait, c’est le challenge que moi j’aimerais lancer, c’était d’arriver à me reprogrammer. 

Et si j’arrive à parler, par exemple à Mélissa, sans bégayer , je peux parler à Aurélie sans bégayer. Il fallait juste arriver à le reproduire. Du coup, je me suis dit c’est pas une question de physique, donc c’était mental, c’est neurologique.

Tout ce qu’on veut, c’est ancré dans ma tête, donc c’est un trouble de la communication. Pour bégayer, tu dois être deux et moi, le challenge, c’était d’arriver à le reproduire. Donc c’est ça qui m’a mis un peu disant c’était le côté de challenge, arriver à les reproduire. Et il y a aussi un truc qui m’a beaucoup aidé. Moi, c’était je.

Quand j’appelle limite, je m’en fous un peu.

Melissa           

Ouais.

Quand ? Détente enfin, dans le sens que tu ne veux pas plaire ou prouver quelque chose.

Mike    

C’est excusez moi pour le mot, mais le mot, c’était rien à foutre avec tout ce que j’ai vécu dans ma vie, puis merde, cela ne sert à rien, ça, c’est à côté du pipi de chat. Et du coup, ça me mettait dans une autre posture. Et le fait d’avoir cette posture-là, je bégaie beaucoup moins.

Melissa           

Des fois, j’ai un peu ce truc aussi ou je me dis le rien à foutre. Je le comprends parfaitement, mais moi, je me le dise dans le sens ou en fait je me dis je vais simplement être simplement être moi-même. Une fois, je me dis c’était une fois. J’avais entendu. Pendant le concours d’éloquence, il y avait les orthophonistes qui faisaient des exercices avec les candidats.

Ils devaient venir piocher un petit papier et dire la phrase à haute voix en faisant bien des pauses. Et tout ça, c’est un exercice et il y avait un petit papier, c’était j’ai le courage d’être simplement moi-même et c’est une phrase au milieu, dans le panier, là, avec plein de phrases et cette phrase, elle me restait en tête et je vous dis, mais en fait, c’est ça.

Il faut que j’aie le courage d’être. Je le répète, parce que il faut le dire, c’est le courage d’être simplement moi-même, c’est-à-dire que je parle à quelqu’un d’important ou un proche. Moi, ma parole, elle est comme ça. Donc je vais juste être moi même, avec plus ou moins de bégaiement. Mais s’il y a un souci, je l’ai, je l’explique.

Maintenant, je sais en parler. Je sais désamorcer le truc, tranquilliser. Mais en fait, ce que je trouve de difficile avec le bégaiement, je ne sais pas s’il est d’accord, mais c’est qu’en fait, même quand tu veux montrer une image de toi, que tu maîtrises le bégaiement, il te force à montrer une vulnérabilité que tu n’as pas envie de montrer.

Donc, c’est-à-dire que, par exemple, si tu es dans un rapport professionnel ou même un rapport de séduction avec quelqu’un ou juste tu veux, tu voudrais contrôler l’image que les gens ont de toi ? Le bégaiement, il va arriver sans rien te demander, sans demander de l’autorisation. Tu vas bégayer devant des gens et du coup ils vont voir une facette de toi ou tu es en position de vulnérabilité alors que tu n’as pas choisi.

Et c’est ça que moi je trouve vachement frustrant, que je trouvais vachement frustrant à gérer. C’est que tu ne peux pas décider de ce que je veux montrer. Les gens, ils ont accès à mon intimité tout de suite parce que moi, le bégaiement, c’est mon intimité, c’est mon histoire de vie. C’est plein de douleurs plein tout ce qu’il y a derrière.

Je n’ai pas envie que tout le monde ait accès à ça. Si j’ai envie d’en parler, c’est moi qui en parle. Mais je n’ai pas envie que les gens, ils le voient tout de suite. Sauf que là, je ne peux pas choisir parce que c’est le bégaiement qui choisit. Mais du coup, maintenant, je me dis bon, ben on peut essayer d’être moi-même ?

Et si je montre ça, ça et basta quoi ?

Mike    

C’est vrai, c’est ce que j’essaie de faire avec moi. Je l’ai vécu aussi notamment comme un point faible pour moi, la suivante et ma faiblesse. Et c’est quelque chose que j’aimerais cacher. 

Généralement, quand on est dans un rapport de force, de rapport, de séduction, bah tu essaies de montrer un peu les bons côtés et que moi le bégaiement, vu que quand je mettais le mot bégayer au bégaiement, c’était forcément quelque chose de négatif par rapport à mon existence, par rapport à tout ce que j’ai traversé.

Donc pour moi, ce n’était pas quelque chose dont j’étais fier et limite même. J’avais honte, moi, mais quand je bégayais ? La première sensation, c’était le sentiment de honte ou je me dis qu’est-ce que va penser la personne ? Etc. Donc tu remets un peu tout en question. 

J’ai fait beaucoup de développement personnel et un jour je suis tombé sur une formule qui disait E plus R est égal à E .  E c’est l’événement. R C’est la réaction que tu vas avoir face à l’événement. E c’est l’effet que ça va se produire. Là, je parle avec toi, je bégaie ma réaction. Ah ouais, ouais, je n’aurais pas dû. Qu’est-ce qu’elle va penser ? J’ai fait un gros blocage. Je me sens gêné, forcément. Le résultat, ce que je ne suis pas bien.

Et donc ça, je vais le ressentir sur moi. Aujourd’hui, avec tout le travail que j’ai fait, ce que j’adapte, ma réaction, je bloque, je bloque au téléphone, je bloque dans la rue, peu importe, je ne suis pas là, ce n’est pas la première fois, mais ce n’est pas grave. L’essentiel c’est que j’arrive à sortir mon message, etc., et donc le résultat, ce que je me sont toujours bien.

On ne m’a rien retiré. Bien sûr, je suis resté humain, ça va me faire, ça va m’embêter quelques minutes ou une seconde ou deux, mais ça va passer. Je fais plus de cet état-là. Passager, à un état permanent. Voilà, c’est aussi ça qui demande ce que je t’ai dit. Moi, j’ai décidé de changer, mais le bégaiement, je savais qu’il allait toujours être là.

C’est comment je le prévois ? Donc demain ? Si je bégaie, ce n’est pas grave. C’est le recul que je vais avoir face à ça. Et chose que la plupart des bègues n’ont pas forcément, c’est tout à fait normal parce que tu as un bagage émotionnel quand tu bégaies depuis gamin. Mais quand, tu es arrivé à la vingtaine, tu as déjà quinze ans de souffrance dans le dos, de moqueries, de frustration, etc. donc, mais c’est un sentiment de faiblesse qu’on n’aimerait pas montrer.

Mélissa           

Donc tu as attaqué l’iceberg par le bas. Moi je pense que c’est un peu ce que j’ai essayé de faire aussi, même si avec l’orthophoniste on travaillait les techniques vraiment. À l’époque, il n’y avait pas la technique Counter Down qu’il y a aujourd’hui, que je sais qui est la plus utilisée. Il y avait d’autres trucs, mais on faisait les exercices vraiment techniques.

Machin. Mais en fait, j’ai l’impression que ce qui m’a le plus aidé, c’est d’attaquer, pas par le haut comme ça, mais par le bas en fait. Et du coup, avec la même parole comment tu la perçois, comment tu l’interprètes ? Ça change tout. Surtout, notamment la honte. Moi, je sais que j’avais très très honte de bégayer. Ça me semblait.

C’était vraiment associé à de l’humiliation pour moi. Et aujourd’hui, je ne vais pas mentir. Aujourd’hui, quand j’ai vraiment un gros blocage devant quelqu’un avec qui je veux faire une bonne impression, j’ai toujours un moment de putain. Ça fait chier quoi ? Mais ça ne dure pas toute la journée, ça va durer cinq secondes et après je vais me dire bon, ce n’est pas grave.

Mike    

Moi le cap, ce que tu dis, c’est très intéressant mon ex, moi le cap aujourd’hui je bloque. Je n’ai plus le sentiment de honte ni de gêne.

Ça, tu vois, entre la honte et la gêne qui est énorme, c’est clair. C’est vrai. Et déjà si tu arrives à plus ressentir une gêne, une gêne qui est logique, une gêne qui est normale, je ne suis pas un robot, je bégaie. Il n’y a personne en face de moi. Forcément, ça se ressent. Mais si c’est une gêne, tu ne vas pas en faire un drame.

Si c’est une honte, ça t’affecte beaucoup plus. Maintenant, c’est à toi de décider. En fait, je veux que ça soit une gêne ou une honte. Et ça, c’est un gros travail qu’il faut faire.

Melissa           

C’est clair. Dit comme ça, ça a l’air simple. Mais c’est vrai que c’est un truc que tu fais au compte-gouttes, plusieurs années à chaque fois, à chaque jour. Une petite victoire, un petit truc, ça me fait penser. J’ai entendu une métaphore récemment, je ne sais plus ou au.

Mike    

Québec, non.

Melissa           

C’est non.

Plus les autres excellents podcasts que j’écoute ou quelqu’un me disait T’as un verre d’eau, un verre d’eau, un grand verre d’eau. Voilà, tu le tiens dans ta main. C’est qu’un verre d’eau, c’est que ça ne pèse pas 25 kilos, ça pèse 300 grammes, voilà. Mais si tu prends, tu prends notamment dans dix secondes, tu te poses, tu ne vas pas être fatigué.

Si tu prends deux verres d’eau, tu me tiens dans la main toute la journée, pendant 24 h, il va te peser, il va peser lourd. Il va te gêner. 

Le bégaiement, c’est pareil ou peu importe ce que tu mets à la place de bégaiement, si c’est quelque chose auquel tu penses toute la journée, tu t’y accroches. Ça devient vraiment le poids que tu portes, du moment que tu te lèves ou tu te couches.

C’est épuisant. Enfin, on est humain. C’est épuisant de bégayer vraiment. Et si tu penses, voilà, si la honte va vient avec, etc. alors que si c’est quelque chose que tu décides de lâcher de temps en temps, et bien je n’arrive pas à filer la métaphore jusqu’au bout. Mais tu as compris.

Est-ce que tu.

Mike    

M’autorise de la nuance et de la métaphore ? Je reprends ton exemple du verre d’eau et sauf que tu es dans le désert. Donc c’est normal que je ne lâche pas ce verre d’eau  parce que si je lâche, je ne sais pas de quoi ça sera fait de ma vie. Donc c’est normal parce que pour moi, je suis dans un désert.

Et du coup, je me raccroche à la seule chose qui me maintient en vie. C’est un parallèle à ton verre d’eau

Melissa

Tu veux dire de s’accrocher au bégaiement ?

Mike    Parce que, en gros, c’est une partie de nous ?

Melissa           Oui, OK.

Mike    

C’est quand on s’est construit avec le bégaiement.

Melissa           

Tu n’arrives pas à t’en dissocier.

Mike    

parce que toute ta vie, en fait, était bégaiement. C’est que je n’imaginais pas ma vie. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas changer de vie. Non, forcément, j’ai toujours ce verre d’eau. 

Je ne peux pas déposer le verre d’eau, prendre une tasse en me. La vie ne m’a pas donné ce choix là et du coup, c’est normal que je rêve toujours avec ce verre d’eau là.

Melissa           

Parce que c’est devenu ton identité dans des forums par ci, par là.

MIKE

Parceque qu’on n’a pas choisi ?

Moi, je n’ai jamais eu honte de me dire tiens, on me demande de refaire une vie tout de suite, je, si tu me le retiens le bégaiement, moi avec ce que j’ai traversé tout de suite, je ne réfléchis  pas deux fois.

Melissa           

On m’a déjà posé cette question, si on me donne  une pilule et que qui faisait que tu la prends ? Et ça veut dire qu’en fait, sa vie recommence, comme si tu n’as jamais bégayé si tu la prends ou pas.

Mike    

Moi, j’en prends de tout de suite. J’en prends deux, même trois, quatre, mais aujourd’hui, je suis fier de qui je suis. Je suis content du travail que j’ai accompli. Mais honnêtement, ça m’a tellement coûté. 

Je vis avec des séquelles. Il y a des trucs que je ne pourrais jamais reconstruire. Jamais. Pour moi, c’était une vie de vie, de battant, une vie de combat, une vie de chien tout multiplié par dix fois 100.

J’ai eu le courage d’arriver là aussi, mais à refaire. Non, franchement, non, je ne le souhaite à personne.

Melissa           

Tout ça, tu quittes. Quitte à ne pas arriver à la hauteur aujourd’hui, que sa trajectoire réelle soit différente.

Mike    

Mais je pense que ma trajectoire aurait été différente. Mais, mais en tout cas oui, si je peux m’épargner ça. Et c’est ça aussi que je fais ce podcast-là de dire si je peux aider des jeunes d’impacter leur trajectoire, je ne peux pas changer leur destin, mais je peux impacter les trajectoires. C’est pour ça que je fais toujours la nuance entre destin et trajectoire.

Donc la trajectoire, ça va être un conseil. Ça, ça va être une façon de parler, d’influencer des gens pour les aider à mettre en place des choses qui vont influencer leur destin. 

Et là, par exemple, avec le podcast, je raconte des histoires, je raconte la tienne, je racontais d’autres histoires de dingue qui sont passées par là et qui, malgré le bégaiement, ont pu avancer.

Et ça, c’est de la motivation, c’est ce que moi je leur donne de dire. OK, on vous envoie de l’énergie positive, mais parce que moi je n’ai pas eu cette chance de recevoir cette énergie positive quand j’étais gamin, parce que je n’avais pas de figure, je n’avais pas d’histoire, j’avais l’impression que j’étais seul au monde. 

Etc. Il y a d’autres personnes comme toi qui sont passées, qui ont souffert, qui ont bavé.

Voici leur histoire. Écoute, inspire-toi, toi aussi tu peux faire mieux, tu peux aller plus loin. Il ne faut pas que ta vie tourne autour du bégaiement. il ne faut pas que ta vie se construise autour du bégaiement, construit ta vie. Le bégaiement fera toujours partie.

Melissa           

Mais le laisse pas décider pour toi exactement.

Mike    

Est-ce que tu peux laisser le bégaiement décider pour toi ? Est-ce que le métier que tu fais, tu l’as décidée par rapport à ton bégaiement ?

Décision par rapport au bégaiement

Melissa           

Euh non. Enfin, oui et non dans le sens. Avant, je l’ai laissé décider pour plein de trucs, car quand j’étais plus jeune, on va dire avant, avant de rentrer dans la vie active. Oui, mais ça allait de quelqu’un que je voulais aborder à appeler. Passer ce coup de téléphone pour avoir un stage pour je sais pas quoi faire si j’évitais plein de choses.

Mais aujourd’hui, je ne vais pas maintenant quoique je dis ça. Mais il y a quelques années encore, il n’y a pas longtemps, je travaillais comme je faisais des petits contrats comme chargé de com pour un festival. Donc c’est quand même ironique. Chargé de communication face à la rose, il y a pire que ça, je ne sais pas et je l’ai fait pareil.

Au début, je me suis tâté à le faire. Je me suis dit bon, j’avais besoin de travailler ou proposer ce truc-là. Mais c’était vraiment tout ce que je détestais quoi ? Je ne devais pas être au téléphone toute la journée. Je m’occupais en fait des journalistes de toute la couverture presse du festival. Donc je devais recevoir les gens, aller parler à la radio pour parler du festival, passer des coups de fil.

Et je l’ai fait. Je l’ai fait trois, quatre ans et ça m’a coûté. Franchement, si je n’étais pas à l’aise dedans, j’étais au bout d’un moment, j’ai arrêté, je me suis dit bon, je l’ai fait entre guillemets. Je me suis prouvé que je pouvais le faire. J’ai bien fait mon travail. L’équipe était contente de moi, j’ai fait ce qu’il fallait, mais je ne vais pas non plus me dire qu’il faut que je continue parce que ça me sort de la zone de confort, alors je vais le faire pendant des années.

C’est bon, je l’ai fait, j’ai vu, voilà, mais je ne sais pas. Moi, je ne vais pas mentir, je n’étais pas à l’aise. Ce n’était pas mon travail de cœur. Si je peux me l’épargner, je me l’épargne. Et aujourd’hui, je n’ai pas choisi mon métier par rapport au bégaiement. Mais en revanche, je pense que ce que le bégaiement a fait de ma personnalité, ça m’a fait aller vers ce métier dans le sens ou quand tu ne parles pas, t’observe beaucoup, t’écoute beaucoup.

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Et moi, ce que j’adore dans les documentaires, c’est observer et écouter les gens. Et du coup, c’est le moment que je pourrais que je déteste dans mon métier, c’est quand il faut parler, quand il faut aller piger, quand il faut appeler des gens, quand il faut tout ce côté, la communication. Mais quand on est par exemple dans le vif du sujet, sur un tournage ou quoi ?

Moi j’adore me faire toute petite derrière la caméra et observer ce qui se passe, quoi et après ensuite écouter les gens et ensuite les interviewer. Donc là, il faut parler, mais j’écoute plus que je parle et en fait peut-être que ça a développé ce truc-là chez moi. Un sens de l’observation qui n’est pas non plus là.

Mais en tout cas, ça me plaît. J’ai l’habitude de faire ça et donc peut-être que je suis allé vers ce métier inconsciemment pour ça aussi.

Mike    

Et dans ton métier de réalisatrice ? Pas forcément. Tu as beaucoup d’interactions avec les gens. L’équipe technique, les figurants ou les personnes que tu vas recevoir en interview. Et est-ce que ça te demande de l’effort pour parler ? Est-ce que tu te prépares ou du coup, pour toi, parler devient naturel et le bégaiement est en second plan.

Melissa           

Gérer le bégaiement est en second plan. Mais quand je suis, je me dis toujours quand même un petit peu gère ton débit quand même, puisque des fois j’ai tendance à quand je vais parler trop vite, je me dis voilà, tu es tranquille, prends ton temps dans le sens, tu as le droit à l’erreur. Je ne sais pas forcément si tu bégayes, ce n’est pas grave.

Soit posé. Je sais que des fois je peux avoir tendance à trop accélérer et là je perd un peu, je perd un peu le contrôle ou surtout je deviens moins claire dans ce que je dis. Mon message passe moins bien. Donc des fois je me dis OK, sois toi même, pousse-toi. Si le bégaiement il arrive, tu te dis tout simplement, mais non, non, je me fais pas maintenant.

C’est assez naturel quoi. Bref, pas par rapport au bégaiement. J’essaie juste de dire soit posé.

Mike    

Moyen, un truc qui m’a beaucoup aidé quand j’ai repris l’orthophonie, c’était le débit. Un peu comme tu viens de dire non le débit de parole. J’avais tendance à débiter à Max. Pourquoi ? Parce qu’il fallait que dès que j’ai un peu de souffle, le mot  sortir, débiter tout ce que je peux sortir. Parce que je ne sais pas quand est ce que le blocage va arriver.

du coup, une fois terminé, je suis libre et des fois je parle, et je suis bloqué en plein milieu parce que j’ai plus d’air. Donc j’avais un problème de coordination entre les mots que je dois sortir, ma respiration, donc le débit. Avec mon orthophoniste, on avait travaillé vraiment de mon débit de parole. Avant, j’ai refusé uniquement. Je dois sortir les mots, pas dans la communication.

Elle m’a appris à communiquer avec, de tenir compte. Quand tu communiques ça a deux mois, je ne communiquais pas, je sortais les mots et les premiers mots sortir, j’ai sortez et basta. J’ai fait mon taf de débrouille toi. Il faut aussi arriver à tenir compte de l’autre. Elle m’a appris quelque chose aujourd’hui. Si je t’appelle par exemple. Salut Mélissa, comment tu vas ?

Je suis dans le speed, dans ton inconscient. Tu vas t’adapter à mon débit de parole grave. Tu laisses les gens influencer donc leur débit de parole. Et moi, ce que je fais aujourd’hui, c’est que c’est moi qui donne le tempo. C’est ce que j’ai appris et je le fais tout le temps. Si je tapais dans le journal, ça, comment tu vas automatiquement ?

Tu vas t’adapter à mon débit de parole.

Melissa           

Ouais, c’est clair, mais ça et je me suis fait. Je me suis fait la réflexion il n’y a pas longtemps, ou avec un ami avec qui je travaille et qui a un ami qui lui a un débit de parole, mais y est pas du tout bègue. Il a juste un débit de parole mais hyper rapide. C’est vraiment dans sa personnalité.

Il est très extraverti, il a beaucoup de répartie et il va parler ttttttt, etc. Et en fait, quand je suis avec lui, je me calque sur lui. Sauf que moi, ça ne me convient pas de parler comme ça, ça ne me réussit pas et du coup, je me fais la réflexion quand je vais, je sais qu’on va s’appeler ou que je vais le voir.

Je me dis toujours J’ai le courage d’être simplement moi-même, c’est-à-dire que j’ai mon tempo. Je sais qu’il va jamais se caler sur mon tempo parce que lui, il est à 200 à l’heure, mais il va ralentir. Peut-être qu’il va un peu ralentir. En tout cas, moi, je ne vais pas me caler sur lui et je vais, comme tu dis, essayer de garder mon rythme qui me convient à moi.

C’est clair, il y a vraiment un effet miroir, l’énergie de la personne. Tu apprends sur.

Mike    

Et c’est, c’est énorme. C’est parce que moi je l’applique au quotidien et je me rends compte que les gens s’adaptent à eux. Le tempo que je leur donne, c’est fou. Et là, tu dis que tu as le contrôle. Et quand je vais dans l’administration ou peu importe avec le temps, j’ai développé aussi un style de parole qui me correspond.

Par exemple, quand j’arrivais dans un lieu, je veux dire Madame Bonjour, et je posais le tempo, et du coup,  c’est plus accueillant, plus chaleureux. Et même me répondre. Comment puis je vous aider ? Et et ça, c’est vraiment un échange qui ? Un débit qui me correspond, qui correspond à ma difficulté de m’exprimer moi aussi, à ma personnalité.

Du coup, une personnalité qui est un peu plus apaisée avec le temps. Et est-ce que c’était déjà arrivé de bégayer lors d’un tournage ?

Melissa

Après moi, je ne suis jamais devant la caméra. Donc si je mets entre guillemets, c’est pas très grave. Pour la réalisation du film. Oui, si je bégaie. Donc voilà, mais oui, ça m’arrive, ça m’arrive.

Mike    

J’imagine que le bégaiement, c’est une cause qui tient à cœur que tu a consacrée. Tu as consacré deux documentaires à ce sujet, mais tu peux nous en dire plus dessus.

Melissa           

Ouais, du coup, ce n’était pas prévu. Moi, quand j’ai commencé à faire des documentaires, honnêtement, je pensais j’apprends pas, jamais. Mais je ne pensais tout simplement pas faire un film sur le bégaiement. À la base, ma formation est en réalisation de documentaires animaliers pour te dire qu’on est loin du compte. Là, ça n’a.

Rien à voir.

Mais. Mais du coup, quand j’ai rencontré le concours d’éloquence du bégaiement, une chose en amenant une autre, j’ai commencé à le filmer et du coup, j’ai réalisé plein de dans un premier temps, deux petits films comme bénévole et l’année dernière, un documentaire plus abouti sur le concours d’éloquence du bégaiement et et du coup, ça rentre. Comme je disais,  pas prévu, mais en fait je suis super contente parce que même si bon, ça reste un travail avec tout qui est imparfait, avec tous les défauts qu’il peut avoir.

Ce n’est pas il n’y a pas un film fin et je peux aborder quelques aspects du bégaiement. Je peux faire un truc exhaustif ou j’ai tout expliqué. Voilà, mais j’ai fait. Je pense que j’ai fait map, j’ai fait. Je suis en train de faire ma part dans le sens ou même j’envie les gens qui bégaie, le voient ce documentaire et que je me dis ça n’apportera pas, n’y’a rien de magique, ça n’apportera pas toutes les solutions quoi.

Mais si ça peut juste rendre le voyage un peu moins long et un peu moins douloureux pour les gens qui le verront ou pour les proches des personnes qui bégaient, qui le verront. Pour moi, c’est y gagner quoi ? Parce que je me dis j’aurais voulu voir vraiment le bateau. C’est le truc que j’aurais voulu voir quand j’avais quatorze ans et que je ne voyais rien sur le bégaiement autour de moi, à part les épisodes de tellement vrai ou on mettait un mec bègue dans la rue qui devait aller demander l’heure et qui après aller faire un stage miracle pour se débarrasser du bégaiement en 24 h, tu as vu ce genre de truc ?

Mais je pense qu’on peut faire un truc un peu plus subtil, un peu plus nuancé, en donnant la parole aux personnes qui bégaient et surtout en mettant l’accent sur le fait que le but ce n’est pas de s’en débarrasser à 100 %. Le but ce n’est pas d’arrêter de bégayer. Le but c’est de pouvoir vivre sa vie avec le bégaiement fort.

Et si on arrête de psy des gens qui veulent arrêter de bégayer, qui arrivent très bien pour eux ? Mais il ne faut pas se dire l’objectif, c’est la perfection. L’objectif, c’est juste de pouvoir faire des qu’on veut et de pas se laisser brider par par le bégaiement et du coup en faisant ses documentaires. En tout cas, moi c’est le message que j’essaie de porter dedans, pas à travers mon histoire, mais à travers la voix des personnes que je choisis et que je filme quoi ?

Et et du coup, j’ai l’espoir que ce film le lâche. Quand je dis ce film, je parle du dernier qui est que j’ai fait sept années qui servent à la fois de sensibilisation pour les personnes non bègues qui connaissent le mot bégaiement, mais qui n’ont aucune idée du quotidien de ce que ça implique pour quelqu’un qui bégaie, qui vont tomber sur ce film et qui vont être un peu sensibilisé.

Et peut-être que quand demain y croiseront une personne bègue, ils se diront OK, j’ai déjà vu un truc là dessus, je sais un peu. Voilà peut être qu’ils vont s’intéresser qui vont être un peu plus délicats, qui vont être un peu plus bienveillants avec la personne et pour les personnes qui bégaie, que ça leur montre des exemples positifs.

Mike    

Et comment s’est passé le tournage de ce film ? L’écriture, la réalisation ? Tu peux nous en dire plus ?

Melissa           

Ouais, ouais, ouais. Du coup, j’ai commencé à travailler dessus en solo au moment du premier concours d’éloquence en 2019. Donc, il y a eu trois. Donc j’ai filmé le premier, le deuxième qui a eu lieu pendant le covid  et le troisième cette année. Et en fait, je me suis servi pour écrire ce film-là que je fais cette année qui s’appelle le bégaiement, son soleil.

Je me suis servi des deux premières années, en fait un peu en repérage ou j’ai assisté au concours tous les ans, à toutes les étapes du concours, du premier jour jusqu’à la finale ou j’ai interviewé et discuté avec les candidats. Et évidemment, dans le documentaire, on écrit parce qu’on est, on est obligé, mais le fait est que le principe du documentaire, c’est qu’on ne sait pas ce qui va se passer, c’est que ce n’est pas des acteurs, ce n’est pas de la fiction.

Donc on essaie de toujours de prévoir au maximum. Mais il faut toujours faire avec l’imprévu. Et en fait le film, il ne ressemble jamais à ce qu’on avait écrit sur le papier, on essaie de s’en rapprocher au maximum. Mais, et du coup, je me suis servi des deux premières années comme repérages en me disant voilà, ce ne sera pas les mêmes candidats.

Ce n’est pas le même parcours de vie. Évidemment, ce n’est pas les mêmes histoires, mais je sais à peu près ce qui va se passer. Le concours, il est fait de telle sorte que l’étape, telle étape ou on peut. Voilà, il y a des moments plus forts que d’autres. Il y a le moment de la difficulté, le moment de la libération, le moment de la remise en question, la confrontation, la rencontre avec les autres bègues, la confrontation avec les épreuves.

Donc j’ai essayé de construire une petite histoire comme ça et du coup, je me suis servi des images que j’avais faites les deux premières années pour faire, pour approcher une boîte de production, pour essayer de faire un film produit pour la télévision, plus aboutie pour le troisième. Et donc c’est ce qui s’est passé avec mes images. J’ai trouvé une société de production qui s’appelle La Clairière, qui a vachement accroché au projet, au message qui n’était pas du tout pour lequel les productrices n’avaient aucun lien avec le bégaiement.

Mais elles ont été touchées par la démarche et par le message. Et du coup, on a fait ce film ensemble, qui a été donc coproduit par France trois Paris-Ile-de-France et du coup diffusé en juin 2022 à la télé.

Mike    

Est-ce que pour toi, en tant que bègue, tu as appris des choses ou pas ?

Melissa           

Appris des choses ? Oui, forcément. J’ai adoré écouter tous les récits des candidats ici. J’aurais voulu tous les interviewer, des différences. En 52 minutes, il me fallait trois personnes, trois, quatre, trois personnages maximum. Mais du coup, j’ai énormément écouté. J’ai beaucoup parlé avec eux et surtout, je n’ai pas eu besoin de parler avec eux pour m’en rendre compte.

Mais le fait d’entendre leur histoire ? Oui, je me suis rendu compte que j’étais que j’avais eu un parcours qui avait comporté son lot de difficultés, mais que j’étais privilégié par rapport à d’autres personnes qui n’avaient pas eu accès à l’orthophonie, qui avaient subi du harcèlement, qui n’avaient pas un entourage familial. Des fois qu’il y avait, il y avait des moqueries, des critiques au sein même de la famille, dans la fratrie, des gens qui avaient été coupés, qui avaient arrêté leurs études, qui avaient eu des parcours beaucoup plus difficiles que le mien et qui aujourd’hui étaient là, en train de faire ce concours en train de reprendre le contrôle de leur vie.

Et du coup, j’ai vu et j’ai adoré les connaître et les écouter. Et entendre aussi des gens mettre des mots différents des miens sur le, sur le bégaiement, entendre la façon dont eux en parlaient ou tout ça, ça a été, ça m’a replongé. Forcément, je devais avoir une distance parce que j’étais en train de réaliser un film. J’étais en train de faire ma thérapie, que je garde une petite distance là-dessus, donc j’avais un recul parce que je pensais à.

Je pensais au film, j’avais 1000 choses dans la tête auxquelles je pensais en même temps, au niveau de la technique, au niveau de la narration et tout. Mais des fois, l’émotion reprenait le dessus il à certains moments ou pendant des discours ? Moi, j’ai eu les larmes qui me sont montées ou là, c’était tellement proche de ce que je ressentais, de ce que je vivais où je redevenais Mélissa, pas la réalisatrice.

Mais j’étais en empathie totale avec ce que les gens disaient. Donc je voulais regarder le film pour voir de quoi je parle. Mais je pense qu’il y a des moments qui m’ont vraiment énormément touché.

Mike    Est-ce que tu penses que ces films auraient pu être réalisés par une réalisatrice ? Non, bègue ?

Melissa           

Oui, mais ça n’aurait pas été le même film, je pense.

Forcément, oui.

Je pense que ça aurait été. Il y aurait eu un film, ça, un très bon film, mais peut être que moi, ça m’a fait gagner un peu de temps. Le fait de connaître le sujet, de ne pas avoir besoin. J’ai quand même lu beaucoup de mes recherches, etc., mais bon, j’étais déjà très familière du sujet et surtout je pense que ça m’a permis d’entrer plus facilement en lien et en empathie avec les candidats.

Parce que quand quelqu’un vient de filmer déjà, c’est agréable pour personne ça on rentre dans son intimité. Et quelqu’un qui dit bon, alors tu vas faire le truc qui est le plus difficile pour toi ? Tu bégayes, tu ne vas pas mal en public et moi je vais te filmer et je vais te dire de me dire qu’est-ce que tu ressens.

Et machin, c’est hyper intrusif. Donc je pense que le fait de partager ça avec eux, ça met en confiance tout simplement. Et je me dis pour une fois que le bégaiement, il sert à quelque chose, on ne va pas se priver de s’en servir.

Mike    

Et l’empathie qui fait toute la différence et.

Melissa           

L’empathie qui est là pour le coup, ils sont de quoi je pense, ne pas sentir juger quoi, de pas sentir qui n’est pas un œil voyeur, un œil de jugement fin. On n’est ensemble là-dedans, donc à différents stades de notre cheminement. On n’a pas le même âge, on n’a pas la même vie, mais on sait de quoi on parle et on vit.

On a ça en commun.

Mike    

Et aujourd’hui, qu’est-ce que tu souhaites pour ton film ? Quelle carrière tu le souhaites ?

Quel impact ?

Quel est ton rêve par rapport à ce film ?

Mélissa           

Des fois, je me dis J’aimerais la terre entière puisse le voir que dans le sens ou la terre entière puisse entendre les candidats et ce qu’ils ont à dire et ce qu’ils disent dedans. J’ai envie qu’ils parlent de leur offrir comme un haut-parleur et que tout le monde connaisse leur existence et écoute ce qu’ils ont à dire.

Et des fois, je me dis s’il y a ne serait ce qu’une personne isolée dans son bégaiement, qu’il le voit et que ça lui donne un peu d’espoir, c’est déjà assez. Donc c’est un peu ce que c’est un peu contradictoire. Je me dis que tout le monde le voit. Et puis s’il y a que trois personnes qui le voient, ça va.

Le but, c’est de te faire des projections en milieu scolaire parce que je pense que c’est vraiment là qu’il y a besoin, autant pour les élèves que pour les professeurs, de sensibiliser à ce niveau-là. Et j’espère peut être ça, ça ne dépend pas de moi, mais peut être quelques projections en festival pour le faire découvrir au public plus large.

Parce que là, c’est vrai que ça circule beaucoup dans notre milieu, entre guillemets, entre guillemets. La pub, les orthophonistes, etc., mais le but, c’est de l’amener auprès d’un public, ce public-là. Qui qui ne connaît rien, qui ne connaît que le bégaiement dans les blagues, dans les grosses têtes et j’en sais tout quoi, qui sait, qui ne savent pas vraiment ce que ça implique.

Voilà donc double objectif, on va dire, mais.

Mike    

Ça que je trouve très intéressant l’idée de diffuser dans le milieu scolaire. En tout cas, moi, c’est clair que quand j’étais gamin, si, si, on aurait pu avoir ce genre de documentaire durant notre scolarité, ça aurait pu ça. Ça n’aurait pu nous éviter pas mal de moqueries aussi, sensibiliser les autres qu’on avait cette méconnaissance de notre souffrance. Donc pour moi, c’est en tout cas j’espère que ça va se faire.

Et j’encourage le nouveau ministre de l’Éducation nationale, s’il écoute le podcast, qu’il fait une petite dépêche en interne, que les films peuvent être programmés. Et puis je souhaite plein de succès, en tout cas à ton film, lors des tous les festivals en tout cas, qui puisse avoir le rayonnement qu’il mérite. Et moi, j’ai eu le privilège de le voir en avant-première et j’ai vraiment apprécié.

J’avais l’impression de vivre enfin, de revivre des choses qui se sont passées dans ma vie parce qu’il y avait vraiment de l’émotion. Il y avait des points communs, donc avec d’autres personnages. Et le fait que tu es dans une salle et que j’entende le bégaiement a résonné et pour moi, ça a redonné vraiment sur moi. Et je dis je ne suis pas tout seul pour moi, c’est comme si je communiquais un peu avec eux.

Donc il y avait cette énergie-là que j’ai vraiment appréciée. Et les portraits ? J’ai vraiment trouvé excellent les personnes qui, les personnes qui se surpassent. Ça, c’est parce que ce n’est pas il y a dix ou quinze ans. Tu peux prendre tous les candidats de dire que tu vas faire un concours d’éloquence, ce n’est pas quelque chose qui leur est travers, qui aurait traversé l’esprit.

Et c’est vraiment une vraie preuve de courage, de bravoure, de dire que je passe au-delà de mon handicap. Et c’est ce courage-là, cette motivation-là qui ressort à travers ce film. Et c’est ça qui est intéressant. Ce n’est pas un documentaire ou un film où on pleurniche. Le bégaiement, c’est dur et notre vie, elle est terminée. Le bégaiement, c’est dur.

Certes, on fait un constat, mais c’est qu’on est tellement forts qu’on arrive à passer au-delà. Et c’est un peu ce message-là que moi j’ai retenu et que j’ai ressenti. Et. Et moi, en tout cas, c’est ça un film que je recommande aux personnes de voir quoi ?

Melissa           

Et c’est vrai qu’il fallait trouver un équilibre là-dedans, dans le sens.

Ou.

En fait, on l’a mis par petites touches. On évoque dans le film à travers ici, au détour de quatre, cinq phrases ou on comprend que le bégaiement, c’est dur dans la vie, on s’en doute. Mais bon, il faut le dire parce que c’est un fait. Mais je ne voulais pas insister là-dessus, parce que pour moi, le film y va plutôt vers la lumière que vers l’ombre.

Mais il y a un moment, il y a un candidat qui nous dit au bout d’un moment tu craques, tu baisses les bras, tu ne peux plus sortir de chez toi, tu es sur ton ordi, tu as peur de parler aux gens ? Tu t’arrêtes les études de goût, c’est suggéré. Mais je pense que c’est quand même important de le dire parce que c’est une réalité.

Le bégaiement, c’est dur, ça peut te foute ta vie en l’air, ça peut te donner des idées noires. Ça peut tourner en dépression si ce n’est pas si tu, si tu n’arrives pas t’en sortir, ça fait mal. Il ne faut pas non plus être dans une naïveté. Donc je le dis quand le bégaiement, il arrive à qui il est à un stade, il est très prononcé quand on bégaie sur chaque syllabe ou qu’on ne peut pas dire un mot.

Et voilà, il ne faut pas être naïf, quoi. Ça peut des proportions très graves, donc il faut le dire. Mais là, ce n’était pas le propos de ce film. Donc je voulais quand même que ce soit évoqué sans insister lourdement là-dessus. Mais j’ai envie de dire des fois moi je me sens un peu aussi en imposture. Je me dis moi, je suis là, je vais en parler au micro.

Mon bégaiement, là, je ne vais pas de René Dieu alors. Mais du coup, je me dis c’est une réalité, ce n’est pas ma réalité à moi aujourd’hui. Mais il faut le dire que c’est que si ça peut aller très loin et il y a autant de bégaiement différent que de personnes, mais il y a des situations qui sont urgentes, qui sont très graves, d’autres qui le sont beaucoup moins, mais elles existent.

Mike    

Et ce film, il est disponible sur France Télévisions.

Melissa           

Oui. Du coup, je ne sais pas quand tu diffuseras l’épisode. Il est en replay jusqu’au début du mois de juillet sur France TV. Vous tapez bégaiement, font soleil ou bégaiement. Il sort. Voilà, il est disponible gratuitement en replay, mais à la suite de ça, il sera. Je pense qu’il faudra peut-être se tenir au courant sur les réseaux sociaux, sur mes réseaux sociaux peut-être.

S’il y a des projections organisées, c’est le but de que les gens puissent venir le voir après la fin du replay.

Mike    

Donc je mettrai une description, un lien qui en ouvrira vers Instagram et différents réseaux. Donc, pour toutes les personnes qui souhaitent être tenu au courant de la vie du film et qui souhaitent le voir, donc vous pouvez cliquer directement, peu importe la plateforme. En un clic, vous tomberez sur le profil de Mélissa et vous poserez toutes les questions.

En tout cas, pour moi, je souhaitais vraiment tout féliciter pour ce beau documentaire. Et moi, j’ai eu le privilège d’avoir vu le premier parce qu’avant le deuxième, un premier et le premier qui était déjà bien et franchement le deuxième, il est vraiment, vraiment au niveau supérieur. Et donc c’est un film très émouvant que je vous recommande de regarder et j’avais une petite question pour toi.

Qu’est-ce qui t’a poussé à accepter cette invitation dans mon podcast ?

Melissa           

Franchement, franchement, j’ai même pas hésité. Je me dis qu’il y a tellement qu’on a besoin d’initiatives comme ça. Il y a tellement peu de choses là depuis quelques années quand même, il y a plusieurs choses qui se mettent en place au niveau des films, des podcasts, des, des groupes de parole, le concours d’éloquence, etc., mais des fois je ne sais pas, je ne me rends pas compte.

C’est comme moi je suis dans ces journaux de petit microcosme ou on a l’impression qu’on en parle beaucoup. Et je pense que c’est ça, parce que je rends vrai dans le résultat des gens. Ça, pour arriver à ça, ça arrive à eux et c’est encore un peu une autre histoire. Donc il faut des initiatives comme ça. Je trouve que ton podcast là-dessus, tu.

Comme je le disais alors, tu le fais avec sérieux et légèreté. Tu rentres dans le vif du sujet, tu ne fais pas de passe, pas par quatre chemins pour dire des trucs et c’est vraiment une ressource hyper important. De quoi ? Le bégaiement, quand il est représenté dans les médias, c’est toujours un peu pareil. Quoi, c’est les bons, mais ça se discute à l’ancienne.

Tellement vrai. Les blagues, c’est toujours le bègue, c’est toujours un peu l’idiot du village, celui dont on se moque, celui qui n’est pas très futé, chute, etc., et on n’entend pas les vrais vécus des personnes qui vivent avec ça. Donc ton podcast il est là pour ça et je ne parle que de tout ce que je dis depuis le début, évidemment, c’est que ce n’est que mon point de vue et c’est que mon ressenti.

Mais si ça peut aider des gens, je viens avec plaisir.

Mike    

Est-ce qu’il y a un épisode, un thème qui a marqué lorsqu’on abordait une partie, un sujet qui t’a fait penser à quelque chose ?

Melissa           

Il y avait un moment, c’était dans l’épisode bègue à part. Tu disais que par rapport au milieu, au milieu professionnel, tu sais qu’il n’y a pas de poser la question avec l’animatrice. Est-ce qu’il y a des métiers qui ne sont pas accessibles pour les bègues ? Est-ce qu’on peut tout faire ? Est-ce que du coup, je n’ai pas de réponse ?

Mais je réfléchis ça à ça et je me disais évidemment enfin, on doit pouvoir tout faire pour peu que si vraiment il y a un besoin, la personne face l’employeur peut être ou puisse s’adapter, mettre adapté les choses. Mais après je me dis, mais naïvement, je me pose même la question est ce qu’on peut, on peut tout faire, mais est ce qu’on doit tout faire ?

Ça m’a fait repenser à une anecdote ou quand j’étais jeune, moi, j’ai fait de la boxe pendant très, très longtemps, toute mon adolescence, et je pense que ça m’a pas mal aidé pour le bégaiement. L’orthophoniste, elle m’encourageait vachement à me dire continue, ça me faisait créer un lien avec des gens, ça me faisait décharger un peu d’anxiété. Je pensais à tout.

Mike    

Évacuer, toute la colère, être.

Melissa           

Évacuée. Je pense que je me rendais pas compte à l’époque, mais évacuer des trucs que.

Mike    

Je n’avais pas être à la place du sac.

Melissa           

Et à l’époque, du coup, j’ai fait de la compétition longtemps. Et entre compétiteurs, on se couchait. Et un jour, mon coach m’a dit un peu en rigolant à un moment, j’ai hésité à t’envoyer dans le coin de ma copine qui boxait parce qu’il m’a dit avec ton bégaiement, est-ce que tu étais la meilleure personne pour être dans son coin ?

Quoi ? Et non, ce n’était pas du tout méchant de sa part et je me suis dit que ça me vexe. Mais en vrai, le combat, c’est trois rounds de deux minutes à l’époque ou tu as une minute de break entre les rounds, ou il faut faire passer un maximum d’informations à la personne, lui expliquer ou a donner des conseils. Une minute, ça passe super vite et en vrai.

Bon, en l’occurrence je l’ai fait, mais c’est ce que j’étais si j’avais un bon bégaiement à ce moment-là, qui était très fort ? Est-ce que j’aurais été la meilleure personne pour être à cette place-là ? Je ne pense pas. Et est ce qu’il faut que je me ? Pour le coup, c’est peut-être un peu vexant sur le coup.

Mais avec le recul, effectivement, peut être qu’il faut que j’aille admettre que je ne suis pas la meilleure personne pour faire certaines choses de par mon bégaiement. Mais est-ce que c’est grave ? Après, si c’est un choix, évidemment, c’est un choix. Mais si on nous met dans une position avec laquelle on pense qu’on n’est pas la meilleure personne pour le faire, est-ce que des fois, il faut aussi se l’admettre pour des gens, je ne sais pas ou non.

Mike    

C’est moi. Je trouve que c’est une réflexion très intéressante ce que tu viens d’aborder. Moi, comme je dis toujours, c’est le choix de la personne. Est-ce que tu acceptes ou pas le défi ? Et si tu te sens capable de le faire ? Why not ? Fais-le. Mais non, c’est juste qu’on ne t’oblige pas à faire quelque chose, mais sur lequel tu n’es pas à l’aise, mais quelque chose qui ne correspond pas à tes valeurs ou ou à tes difficultés.

Après, je pense que de bègues ne vont pas réagir de la même façon, de bègue, n’ont pas les mêmes challenges, etc., mais au moins qu’on te prive pas de la possibilité de le faire.

Melissa           

C’est plus dans ce sens là que ça, c’est toi si toi tu te sens et c’est ton choix, qu’on ne te ferme pas la porte et ça.

Mike    

C’est un peu. J’ai pris un exemple d’un commercial qui veut prospecter s’il échoue et qu’il est prêt à encaisser les coups surtout. Mais, mais qui veut prendre le téléphone alors que le téléphone ? Pour moi en tout cas, ça a été une guillotine ? Lui, lui, s’il veut se faire tuer à chaque fois, à chaque coup de fil, il raccroche.

Il se régénère. Tant mieux pour lui, mais on ne va pas l’empêcher de raccrocher. C’est ça et c’est un peu glauque comme exemple. Mais voilà, ces moments lui donnent la possibilité de faire ce qu’il aime. Aujourd’hui, est-ce que tu as des conseils ? Tu te considères toujours comme tout à fait légitime, fait de ma         

Légitimité.

Melissa           

Mais plus important, je dirais, il y en a plein. Mais pour moi, le plus important, c’est de sortir de l’isolement. Si, si, ces personnes sont dans une situation d’isolement, de casser cette dynamique-là. Je m’explique. C’est-à-dire soit elles sont bien entourées et c’est à dire casser l’isolement en en parlant vraiment. Au début, ça fait peur, mais ça fait peur et on n’a pas envie de pleurer.

Mais il y a un poids qui va s’enlever de leurs épaules de 50 kilos. Quoi de pouvoir que ce ne soit pas tabou, d’arrêter de le cacher, d’en parler à ses amis proches, à son conjoint, à ses parents, à sa famille ? Que ce soit un thème qu’on puisse aborder, en fait, on n’est pas seul avec ça et qu’on puisse en parler.

Et si ça, c’est si on est entouré et si on n’est pas entouré, si on n’a pas la chance d’avoir dans notre entourage des gens qui sont bienveillants, avec, avec notre bégaiement, il faut aller se créer cet entourage-là. Donc, il faut aller chercher des gens qui vont être votre base de repli. Votre si c’est psy, vous n’avez pas la chance que ce soient vos amis, votre famille et tout ou votre conjoint conjoint ou vous.

En outre, de vous, cet entourage-là, c’est à dire prenez contact avec des groupes de personnes qui bégaie via l’APB ou autres. Osez pousser la porte d’un groupe de self help, d’un groupe de parole et créez-vous votre petit team bégaiement vers qui vous allez pouvoir vous tourner et qui vont vous comprendre. Et rien que ça. Après, sans parler de voir une orthophoniste si on veut travailler la fluidité ou pas.

Mais pour moi, c’est ça. En fait, le plus important, c’est de savoir qu’on est, qu’on est entouré et qu’on est soutenu.

Mike    

Et si on avait un mot à dire aux personnes non bègues ? Face au bégaiement.

Melissa           

Je leur dirais d’écouter. Je leur dirais d’être patient, d’écouter, mais vraiment de ne pas essayer d’expliquer à la place des personnes qui bégaie, de les écouter, de les écouter, elles, et ne pas se moquer. Ça va sans dire, mais on a l’impression qu’il faut encore le dire. C’est un peu la base.

Il faut le dire.

Mais ne pas se moquer, ne pas finir les phrases des personnes, juste être patient, prendre le temps de les écouter. Si on est proche de la personne, vraiment que c’est quelqu’un qu’on connaît bien, on peut en parler en disant je ne sais pas quand tu bloques, comment est-ce que je peux t’aider ? Est-ce que tu veux que je te donne le mot ?

Est-ce que tu veux ? Voilà, là, on peut rentrer dans une discussion. Mais si c’est quelqu’un qu’on connaît, ne pas juste être patient et lui laisser la place de s’exprimer et essayer du coup de se renseigner. Voilà, il y a des ressources qui existent maintenant. Un petit coup de Google, un petit documentaire, un podcast, un truc. On essaie de comprendre un peu ce qui se passe.

Mike    

Et pour rebondir à ce que tu viens de dire par rapport au fait de finir ses phrases, c’est vrai qu’en discutant avec d’autres bègues, j’ai remarqué qu’on ne réagit pas de la même façon. D’autres le prennent pas mal. Le fait qu’on aide à terminer les phrases alors que moi, en tout cas, je le prenais mal. J’ai l’impression que je suis un incapable.

C’est comme ça que je ressentais. Je me dis, mais, mais allez sortir les fines herbes, pourquoi tu m’aides ? Et je pense que les gens, au fond, ce n’était pas. Ça reste de la bienveillance en soi, mais qui peut être mal perçu. D’où ce que tu disais que je trouvais intéressant de discuter d’abord avec la personne, de savoir si tu aimerais que je t’aide ou pas.

Ou tu aimerais finir après si il dit oui, OK, non, tu le fais, il te dit non, tu prends le temps.

Melissa           

Je pense. Oui, ça ne part jamais d’une mauvaise intention, mais ça peut-être, ça peut être un peu violent. Donc je pense qu’il.

Mike    

Faut que les peut être.

Melissa           

Proche.

Mike    De la la finir.

Melissa           

Oui, oui ou.

Non, je pense qu’il vaut mieux en parler en amont. Dans le doute, on ne sait pas, on sait pas comment ça peut être reçu. Donc il vaut mieux tout simplement pas la peine d’en faire une discussion d’État. On parle de ça tranquille et la personne, elle, vous dira ce qu’elle préfère. En fait.

Mike    

Tu penses que tu vas réaliser d’autres projets en rapport avec le bégaiement ?

Melissa           

Là, tout de suite, je ne pense pas.

Mike    

Tu fais deux films ?

Melissa           

Ouais, je pense, ça fait bon. Après, pour un documentaire, trois ans, c’est à la fois très long et à la fois pas long. Il y a des gens qui travaillent quinze ans sur un documentaire. Moi je pense que là, j’ai besoin de passer à autre chose. Mais ce n’est pas parce que c’est le bégaiement, mais parce qu’en général, quand je fais un projet qui me prend un an, deux ans, trois ans, j’aime bien après faire quelque chose de complètement différent ou la changer un peu d’air, changer de thématique.

Melissa           

Donc je pense que là, je vais avoir besoin de faire autre chose. Mais Thomas, à l’avenir, je ne sais pas. Et tant que je pourrais, par des témoignages ou par des projections, participer, je le ferais. Mais là, je pense que ça fait trois bonnes années où je pense que mes proches sont soufflés. Je parle de l’éloquence, du bégaiement tous les jours à tout le monde.

Ils en ont marre de voir les films. Je pense que j’ai un peu fait le tour, en tout cas là pour l’instant.

Mike    

C’est vrai que tu apportes ta pierre à l’édifice, notamment avec les deux documentaires. Mais aujourd’hui, est ce que je trouve qu’il y a suffisamment de sensibilisation à ce que le public selon toi ? Quand je parle du public, je de la France entière et assez sensibilisée face à cet handicap invisible ?

Melissa           

Clairement, je ne pense pas. Je pense qu’on est jaloux de dire comme d’hab en France en ce moment elle est toujours en retard sur les anglo saxons. Par exemple, j’ai l’impression qu’en Angleterre il y avait une campagne d’affichage public, il y avait des panneaux publicitaires sur le bégaiement pour sensibiliser qui renvoyait vers des sites internet pour expliquer.

Je sais qu’en Australie, ils sont aussi un peu plus avancés au Canada dont on est un peu à la traine.

Mike    

Et pourquoi, selon toi, alors qu’il y a d’autres pays qui avancent et nous on est toujours à la traine alors que les Anglais c’est nos voisins.

Melissa           

Mais pourtant il y a pas le pas si différent d’eux. Mais bon, apparemment quand même. Le bégaiement, ce n’est pas non plus le bégaiement. Tout le monde connaît le mot bégaiement. Ce n’est pas non plus comme si on disait que je ne sais pas la drépanocytose, il y a des choses un peu ou les gens ne connaissent même pas le mot d’un handicap ou d’une maladie.

Melissa           

Si on parle de maladie ou autres, le bégaiement, tout le monde sait ce que c’est. Tout le monde peut imiter une personne qui bégaie tout le monde de façon très délicate et très tout le monde saurait imiter bêtement quelqu’un qui bégaie. Mais les gens ne savent pas qu’est-ce qu’il y a derrière. Ce que ça implique, est-ce que c’est vraiment ?

Donc donc c’est quand même on a. Ce n’est pas un truc de complètement ou c’est le trou noir ou vraiment l’inconnu. Les gens savent ce que c’est, mais ils ne savent pas la réalité de la vie d’une personne qui bégaie. Donc je pense que j’ai l’impression qu’on en parle un peu plus après. Encore une fois, c’est peut être que dans mon petit monde à moi, mais moi, ce qui me dérange, c’est que j’ai l’impression qu’on parle toujours des mêmes exemples de personnes qui ont éradiqué leur bégaiement.

Alors Marine Monnereau, c’est magnifique quand elle se met à jouer, elle ne bégaie plus Bruce Willis Machin. Hadjira Je ne sais pas qui. Tous les noms qu’on entend tout le temps. Franchement, grand bien leur fasse. Je ne veux pas dire à Julia Roberts il faut qu’elle continue à bégayer dans tous ses films. Chacun le sait très bien. Mais moi, ce que j’aimerais, c’est qu’on parle autant d’exemples de gens qui font leur truc en continuant à bégayer.

Et ce n’est pas juste. Le miracle a fait que le bégaiement disparaît quand il monte sur les planches. Ou alors, grâce à la vie politique, le bégaiement a disparu. Genre très bien. Mais j’aimerais aussi qu’on voie des gens qui font, qui accomplissent tout ce qu’ils veulent accomplir et qui réussissent dans leur domaine artistique ou autre. Mais avec le bégaiement, plus ou moins, avec plus ou moins d’intensité.

Mais qu’on ne prenne pas comme exemple des gens qui ont réussi à l’éradiquer. Moi je veux qu’on voie des gens qui font avec leur bégaiement et qui y sont aussi, qui disent ce qu’ils ont à dire et qui chantent ce qu’ils ont à chanter et qui est qui voilà, et qui ne cherche pas à s’en débarrasser. Parce qu’on a l’impression que là, du que le bégaiement, échec et fluidité égale réussite.

Mais en fait le bégaiement ce n’est pas un échec. Le bégaiement, c’est le bégaiement, c’est nous, c’est notre identité, notre identité. Ce n’est pas que ça, on n’est pas que bègues, mais ce n’est pas les fluides. Ils ont réussi a les bègues, ils ont échoué quoi ? Donc j’aimerais que ce soit un peu plus nuancé à ce niveau-là.

Et ça commence un petit peu. On voit. Il y avait l’humoriste Valentin Reynaert qui fait C’est moi, je dis pourquoi je dis avec l’humoriste Valentin Reynard qui fait son one man show en bégayant, il y a cette femme politique portugaise qui. Moreira, elle s’appelle Moïra. J’ai un doute sur qui ? Qui va prendre la parole à l’assemblée sur les plateaux, mais incroyable.

Incroyable avec son bégaiement. Moi ça me met là rien que le dire. J’ai des frissons quoi. Moi c’est plus d’exemples comme ça que j’aimerais voir. Même si les gens ont droit de vouloir se débarrasser de leur bégaiement. Mais il faut qu’on voie un peu les deux.

Mike    

Et j’ai une bonne nouvelle pour toi. Ils seront tous là. On va raconter des histoires, des personnes bègues, car il y aura d’autres qui vont venir raconter leur histoire et demain, s’il y en a un héros, Joe Biden qui veut venir. Le micro reste ouvert, mais on va raconter les histoires à des gens lambda, leur bégaiement et qui essaient d’avancer.

Et moi, il y a un truc qui me chagrine. Pour rebondir un peu sur ce que tu disais que tu disais qu’il y avait beaucoup de gens qui ne connaissaient pas le bégaiement et moi je dirai oui et non. Parce que dans la mesure ou beaucoup de gens connaissent, mais très peu sont sensibilisés. Et aujourd’hui, moi je constate qu’on assiste à une dérive un peu du mot bégayer.

J’avais lancé un débat et il y a quelque temps, c’est tout le monde qui utilise le mot bégayer et déjà le mot bégaie. Il y a une connotation négative. Le mot bégaie a été remplacé. Le mot bégaie remplace un synonyme de bafouiller, de dire un n’importe quoi. Une personne qui ne sait pas ce qu’il veut. Et aujourd’hui, c’est un peu mot un peu à la mode.

Les gens qui vont dire arrête de bégayer, qu’est ce que tu en penses de cette dérive du mot bégayer ? Est-ce que toi, ça ne te touche pas ? En tout cas, moi j’en ai discuté avec de bons une qui disent OK, c’est le monde dans lequel on vit, ça les affecte pas. Et là, je donnais un exemple, par exemple, qui m’est il y a quelques jours je suis sur Twitter.

Je ne sais pas si tu connais à la radio Skyrock.

Melissa           

Oui, j’ai vu donc Fred, Musa et.

Mike    

Fred et qui fait un post ? Il partage un rappeur dit sans aucun bégaiement, mais le mec qui bégaie pas de c’est pas un bug, c’est un mot qui est un peu tendance. Et là je vous envoie un message, je l’ai dit écoute, avez-vous une idée de ce que c’est ? Le bégaiement, c’est que les mots ont une importance.

Derrière ce mot-là, il y a des gens, mais qui souffrent, etc., et le fait de l’utiliser comme ça, ça n’aide pas notre sensibilisation. Il a répondu gentiment c’est vrai qu’il n’avait pas conscience de ça et il n’avait pas l’intention de me blesser ou de blesser même d’autres bègues. Et premièrement, j’ai apprécié la bienveillance qu’il a eue face à mon message et surtout la prise de conscience qu’il va avoir.

En fait, après aujourd’hui, demain il ne peut pas, demain il ne va pas et a réutilisé le mot bégayer ou bégaiement sorti de son contexte. Et c’est ça aussi la sensibilisation que je souhaite faire et c’est d’imaginer une personne comme Fred de Sky qui utilise ce mot-là toutes les générations. Moi, j’ai grandi avec lui dans les oreilles. Tu imagines toutes les nouvelles générations ?

Mais qui va arriver pour eux, c’est bégayer. Donc c’est un mot qui est à la mode alors que ça n’a pas de sens. Et moi, ma sensibilisation, c’est vraiment essayer aussi de déconstruire cette vision négative du mot bégayer.

Melissa           

Oui, je comprends, je comprends totalement. Moi, ça me fait toujours. Déjà, quand j’entends le mot bègue ou bégaiement, j’ai un fameux c’est pas fou la flèche, ça me touche toujours quoi donc ? C’est toujours d’un coup les oreilles qui s’ouvrent, ça me, ça me touche toujours. Et quand il est sorti de son contexte, moi, ça me dérange un peu.

Quand c’est l’exemple que tu as pris, quand on dit oh là là, il ne savait plus quoi dire, il a flippé, il a bégayé. Là, ça va clairement, ce n’est pas du tout adapté. Et ça et ça et ça minimise ce que c’est, ça donne une connotation négative. Ça, ça me dérange. Après, ça me moins quand ce n’est pas appliqué à une personne, mais quand c’est par exemple plutôt une métaphore poétique.

Tu vois, comme tu disais tout à l’heure l’article, je l’avais vu passer ou il disait en gros, il y avait un événement historique qui faisait que le même, le même événement était arrivé plusieurs fois. Et ça disait L’histoire bégaie, l’histoire a bégayé, le cours du monde bégaie et là pour moi je trouve ça bien que c’est tellement vu que c’est d décorrélé de la parole et c’est vraiment imagé pour moi ça poétique.

Je trouve ça pas joli, mais je me dis voilà de vouloir exprimer la répétition en disant bégayer si ce n’est pas utilisé. Tort et à travers, là ça ne me dérange pas. Mais si on dit quelqu’un, la bégayer et la bégayer, arrête de bégayer. Quand on n’arrive pas à répondre à une question, là, c’est qu’on sait combien ça n’a rien à voir.

Donc, effectivement, je suis peut être moins pincé que toi, je tout ça, ça me fait tiquer, ça ne me révolte pas, mais ça me met un peu mal à l’aise.

Mike    

Je pense que je suis trop sensible. Malgré tout, en fin de compte, bégaiement, je suis toujours sensible à vif, donc je m’en dire un peu plus. J’invite tous les auditeurs à faire un test. Si vous avez twitter, aller sur Twitter, tapez bégayer et regardez le fil d’actualité halluciné. Il y a.

Melissa           

Beaucoup de.

Mike    

C’est énorme. Le mot bégaie, mais j’ai eu froid dans le dos que moi, moi, je suis un vieux, je suis sur Facebook et me sidère. Je vais voir Tweeter. Du coup, le fil, le mot, bégayer, les tendances, tout le monde bégaie.

Melissa           

C’est là que ça fait jour. Six mois là que j’entends vachement dans le milieu rap, machin, dans des sons et tout j’entends. C’est devenu un peu le mot à la mode.

Mike    

Ouais, c’est vrai, c’est vrai, c’est bizarre.

Melissa           

Je ne suis pas du genre à lancer le truc, mais je ne.

Mike    

je ne sais pas qui a lancé le truc, mais je ne vois pas le rapport. Je ne crois pas le faire. Et moi, mon but, c’est d’arriver à sensibiliser un peu les têtes, comme j’ai fait avec Fred de Sky. Demain, je peux faire avec un rappeur ou un journaliste, ou quelqu’un qui a une visibilité, qui a un impact sur les jeunes et si peu.

Ils arrêtent d’utiliser ce mot-là. Ou sinon, si vous utilisez ce mot et tant qu’à faire, sensibiliser aussi. En tout cas, bon, peut être que je suis un peu trop sensible, mais ça, c’est un point pour moi qui était important à soulever. Parce que si on doit sensibiliser pour le bégaiement et que la plupart des Français ont une vision rigolote ou négative, c’est pour nous le travail est double.

Melissa           

C’est clair que c’est que ça n’aide pas et ça me fait penser un peu comme on pouvait utiliser avant. Enfin, des gens malheureusement le font tout le temps, tu vois, mais comme on disait à lui, c’est vraiment un trisomique à la tu as un comportement d’autiste, ça, c’est hyper violent. On avait des expressions comme, ça on disait pour dire que quelqu’un est bête ou quelqu’un est dans son monde.

On utilisait des noms de choses qui ne veulent pas du tout dire la même chose, qui sont des vrais, des vrais, de vrais handicapes. Et on utilise à tort et à travers. Et ça, maintenant, j’ai l’impression qu’on a un peu progressé là-dessus. On me dit que je n’entends plus trop quelqu’un entre  trisomiques ou autistes, parce que maintenant les gens sont en niqab qui ont plus de visibilité ?

Exactement. Et je me dis peut-être que pour le bégaiement, oui, ça serait bien qu’on suive un peu la même, le même trajet.

Mike 

Et je pense qu’on va arriver au même stade. Et si moi je pense qu’aujourd’hui vraiment, il faut que les pouvoirs publics prennent aussi leurs responsabilités que là, comme l’on disait tout à l’heure, on est un peu dans notre cercle. Moi, je suis le podcast, il y a des initiatives, on filme, il y a donc la pub, mais qui essaient de faire de leur mieux.

Mais j’ai l’impression que tout ce qui se fait sur le bégaiement, c’est des personnes qui sont liées de près au bégaiement. C’est moi l’exemple qui m’a donné tout à l’heure en Angleterre. C’est énorme. Une campagne d’affichage. Tu imagines si l’État décide de faire une campagne d’affichage dans les lycées, etc. on va diffuser un film sur le bégaiement une fois par an pour sensibiliser, etc. plus on va sensibiliser et on va revoir même à la hausse notre fameux chiffre de 650 000 bègues.

Parce que les personnes qui vont pouvoir s’affirmer de dire tiens j’ai ce handicap-là et je et je vais revendiquer, je me comme on est, comme étant bègue, alors qu’aujourd’hui les 650 000 c’est des personnes qui n’ont pas trop le choix de dire que je suis bègue et qui la plupart vivent dans la honte, essaient de masquer au maximum ou le sont, mais n’ont pas forcément la volonté ou le courage d’aller voir un professionnel de santé pour une prise en charge.

Melissa           

C’est sûr qu’on est plus 1% et des gens qui qui l’ont identifié, qui savent que c’est le mot à mettre dessus, qui ont peut être été diagnostiqué, qui ont et comment on les référence ? On ne sait pas. C’est des gens qui ont vu un orthophoniste, une orthophoniste. C’est des gens sains. Je pense que c’est un chiffre pour avoir une échelle, mais je suis sûr qu’il est inférieur à la réalité puisqu’il y a plein de gens qui ne sont pas déclarés bègues, mais ils le sont.

Melissa           

Donc effectivement, ça, ça permettrait d’être plus précis. S’il y avait plus de sensibilisation, on ne saurait plus ce qu’il en est. On pourrait aider ces gens-là.

Mike    

C’est un peu comme le fameux iceberg du bégaiement.

Melissa           

Ça, c’est au-dessus 1000.

Mike    C’est au-dessus ça. Mais je vous fais, je vous promets quand on est des millions.

Avec.

Un bug masqué tout confondu, c’est.

Mike    

Sûr. Je pense qu’on est des millions et en tout cas merci beaucoup Melissa d’avoir partagé avec moi ce moment. J’ai pris plaisir à discuter avec toi, à prendre plus de choses, sorte que je ne connaissais pas, même si j’avais déjà regardé des films. Et ça me permet de savoir du coup qui tu es réellement.

Melissa           

Merci de m’avoir invité. C’était très cool. Merci beaucoup.

Mike   

Merci beaucoup d’avoir écouté ce podcast. J’espère qu’il vous a plu. Ce contenu a été fait avec beaucoup d’amour et l’amour, ça se partage, retrouve également les notes de l’épisode sur noiretbegue.fr à très bientôt.

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